jeudi 18 octobre 2012

Revoir 1982 (18/31) : Conan le barbare



PHENOMENOLOGIE DE L’ESPRIT
Conan le Barbare, John Milius, USA, 1982






La décennie qui s’est ouverte un an avant 1982 va voir s’achever la fin historique du court et terrible XXème siècle, débuté en 1914, par un premier conflit mondial, chaudron épouvantable dans lequel furent enrôlés tous les hommes en âge de combattre en Europe. Ce XXème siècle, le précédent pour nous, aura également vu se dérouler une seconde guerre mondiale, d’une violence et d’une horreur sans commune mesure dans toute l’histoire de l’humanité, horreur planifiée et exécutée par la société européenne considérée alors comme la plus « évoluée ». Ce XXème aura enfin connu la brutale transformation de sociétés archaïques en nations modernes, sous l’impulsion de régime totalitaires, oppressifs pour les corps autant que pour les esprits. La folie de ce siècle s'étendit jusqu’à ces dernières années d’avant 1982, où la démence idéologique de quelques-uns produisit le troisième génocide de ce siècle. Le XXème siècle à de nombreux égards, fut celui du paroxysme de la folie et de la violence humaine, avec sa « guerre de 75 ans », tout autant qu’il fut pourtant celui de l’affirmation définitive de la démocratie, de la nécessité du droit, de la libération des minorités, et parmi lesquelles tout au moins en Occident mais pas seulement, celle de la « minorité majoritaire » des femmes. Ces deux faces d’une même médaille ont bien sûr été forgées avant 1914, dans un monde issu des périodes révolutionnaires, l’Américaine et la Française, période d’idéalisme philosophique, politique et moral. Cette période que l’on considère comme moderne n’était évidemment pas exempte de violence, et d’ailleurs, la première guerre dite moderne est bien celle de Sécession, la Civil War américaine, de 50 ans antérieures à la Première guerre mondiale, mais où la mort de masse fut pour la première fois expérimentée sur le démos à la fois soumis et volontaire – peut-être ces deux faces de la modernité ne sont-elles finalement qu’une seule et même chose, et peut-être se tue-t-on d’autant plus férocement que l’on le fait volontairement…


mercredi 17 octobre 2012

Revoir 1982 (17/31): Space Adventure Cobra

HEY BLONDIN !
Cobra le film (Space adventure Cobra)- Osamu Dezaki- 1982- Japon



Certain films ne provoquent aucun réflexe critique, ne suscitent nulle analyse, n'appellent pas le commentaire, et ne procurent rien d'autre qu'une euphorie totale et sans arrière pensée. Space Adventure Cobra est de ceux-là.

mardi 16 octobre 2012

Revoir 1982 (16/31) : Star Trek II

LES HEROS SONT FATIGUES
Star Trek II, La colère de Kahn, Nicholas Meyer, USA, 1982


Il demeure en 1982 quelques traces d'un passé pas si lointain, mais qui semble décidément d'un autre siècle en ces early eighties... Ce film, Star Trek II, La colère de Kahn, en fait partie, et ce n'est pas le moindre de ses intérêts. Là encore, comme le symptôme du passage d'une époque à une autre, nous pouvons trente ans plus tard regarder ce drôle d'objet avec une pointe de nostalgie pour les enfants que nous étions alors, et une pointe d'ironie gentiment moqueuse pour l a naïveté sincère qui habite ce projet quelque peu « en retard ».



lundi 15 octobre 2012

Revoir 1982 (15/31): Blade Runner

J'AI BIEN CONNU ICARE.
Blade Runner- Ridley Scott- 1982- Etats-Unis, Hong-Kong, Royaume-Uni.

Il est difficile d'écrire sur un film qui a changé votre vie. J'ai vu Blade Runner à la télévision en 90 ou 91, je n'oublierai jamais ce jour-là, l'impression indélébile que m'a laissé le film et les discussions exaltées qu'il provoqua.



dimanche 14 octobre 2012

Revoir 1982 (14/31): The loveless



LES BEAUX GOSSES
The Loveless, Katheryn Bigelow, USA, 1982
Que vient faire ce Loveless dans des colonnes consacrées au fantastique ? On pourrait supposer qu'il y a là erreur d'aiguillage, et ce ne serait pas complètement faux. J'ai découvert jusqu'à l'existence de ce premier film de Katheryn Bigelow à l'occasion de notre voyage automnal en 1982, et d'une certaine façon, sur le seul nom de son metteur en scène, j'ai supposé qu'il devait sans aucun doute trouver naturellement sa place dans l'un de nos wagons. J'avais à la fois tort et raison, tort sur la forme, et raison sur le fond – l'année 1982 est pour nous le prétexte d'explorer un territoire depuis largement labouré, et en ce sens, le film de Bigelow appartient bien à la lignée qui nous intéresse.


samedi 13 octobre 2012

Revoir 1982 (13/31): Double feature- On la refait !:The Thing

DOUBLE FEATURE: ON LA REFAIT!: The Thing
The Thing- John Carpenter- 1982- Etats-Unis
VS.
The Thing- Matthijs Van Heijningen jr.- 2011- Etats-Unis-Canada.

Double Programme le samedi soir, comme l'an dernier ! Cette fois, on voit double. Chaque semaine, on se recolle devant deux films d'affilée, l'un étant toujours le remake de l'autre, et l'un des deux nous provenant, évidemment, de l'inégalable an 82. Cette semaine, on continue à se méfier les uns des autres avec la barbe et l'anorak dans The Thing et The Thing.




VS.


featuring:



vendredi 12 octobre 2012

Revoir 1982 (12/31) Dar l'invincible

LE LOUP, LE RENARD ET LA BELETTE
Dar l'invincible  (The beastmaster)- Don Coscarelli, 1982, Etat-unis et République fédérale d'Allemagne




Du haut de mes cinq ans, à l'époque, on ne m'aurait jamais laissé regarder l'invincible Dar à l’œuvre, et c'est dommage, car c'est sûrement à cet âge que je l'aurais le plus apprécié.


jeudi 11 octobre 2012

Revoir 1982 (11/31) : The Thing



PLUS LES CHOSES CHANGENT...
The Thing, John Carpenter, USA, 1982


On se surprendra peut-être à trouver la chronique de ce film de Carpenter un jeudi et non un samedi, dans notre rubrique hebdomadaire «  On la refait ! », puisque cette « chose » cinématographique est non seulement le remake d’un film de 1951, The thing from another world, mais fut également à son tour remaké en 2011, à l’occasion d’un prequel tout ce qu’il y a de plus fidèle puisque prétendant se conclure exactement au moment où débute le film de Carpenter. Une telle entreprise n’est pas unique dans la récente histoire du cinéma fantastique, si l’on songe au Prometheus de Ridley Scott – mais ces développements feront éventuellement partie du prochain double feature, puisqu’en effet, c’est bien de ces « Things » qu’il sera question samedi prochain ! Toutefois, le film de Carpenter nous a semblé au Chef de gare et à moi-même suffisamment important pour devoir bénéficier de sa propre chronique. Chroniquons donc.



mercredi 10 octobre 2012

Revoir 1982 (10/31): Brisby et le secret de N.I.H.M

PETITE MERE
Brisby et le secret de N.I.M.H (The secret of N.I.M.H)- Don Bluth & Gary Goldman- 1982- Etats-Unis.
 



« Too big to fall », dit-on de nos conglomérats financiers contemporains41, et c'est sûrement ce qu'on pourrait aussi penser de The Walt Disney Compagny, tentaculaire Goliath du divertissement. Pourtant, en 1979, au sein même de l'entreprise, l'inquiétude est réelle.


mardi 9 octobre 2012

Revoir 1982 (9/31) : Creepshow

LA CHAIR DE POULE
Creepshow, Georges A. Romero, USA, 1982


Il en va de certaines années de cinéma comme des grands crus pour les vins : dans le registre qui nous intéresse, 1968 fut l’année de 2001, l’Odyssée de l’espace, de La Planète des singes, ou encore d’un petit film sans star ni devant, ni derrière la caméra, mais dont la postérité a dépassé 30 ans plus tard même le fort souvenir laissé par les deux films déjà cités : 1968 est sans conteste l’année de La Nuit des morts-vivants, de Georges A. Romero. Bien entendu, ce chef d’œuvre pivot de toute une cinématographie, mériterait à lui seul une très longue chronique dans ces pages électroniques, mais 1968 n’est pas en l’occurrence le cru qui nous intéresse, nous sommes en 1982, autre année majeure du cinéma fantastique et de ses mutations, et le film qui marquera cette époque et celles qui suivront, n’est occupé ni par des hordes de morts-vivants, ni par un ordinateur devenu fou, ni même par une règne animal renversé, non, le vainqueur de l’année 82, nous l’avons déjà dit, est un petit alien, perdu loin de chez lui, et qu’une bande d’enfants espiègles secourra pour lui permettre de « rentrer à la maison ». Nous reviendrons bien entendu sur ET, l’extraterrestre, en guise de probable conclusion, mais pourquoi dès l’abord d’une chronique sur Creepshow, pseudo-comédie d’horreur à sketchs, le citer en préambule ? 

                                                                                                                 

lundi 8 octobre 2012

Revoir 1982 (8/31): L'éventreur de New York

LA NUIT AMERICAINE
L'éventreur de New York (Lo squartatore di New York)- Lucio Fulci- 1982-Italie

C'est l'agonie du cinéma de genre italien. Au moment où Fulci embarque ses caméras pour New York, le cancer est généralisé. Trois ou quatre ans plus tard, le cinéma populaire le plus vivant d'Europe disparaît dans l'indifférence. C'est aussi avec cette indifférence que Fulci filme les mises à mort de son étrange Eventreur de New York, comme pour la renvoyer au visage des spectateurs excités par le dernier baroud d'honneur de Cinececittà : le gore dont Fulci a été sacré pape par les fans de cinéma bis, une hyperbole sanglante qui est le seul moyen pour les italiens de pouvoir encore proposer quelque chose que les tous les dollars du monde ne peuvent pas acheter : une audace désespérée qui fait fi de tout tabou et de toute censure. 


dimanche 7 octobre 2012

Revoir 1982 (7/31) : Les fantômes du chapelier.

LE CHAPELIER FOU 
Les fantômes du chapelier- Claude Chabrol- 1982- France.

Un invité dominical de prestige en la personne de Benjamin Josse, alias Lee Van Cleef d'UnderScores. Qui lâche les basque, pour l'occasion, aux compositeurs italiens de Cinececittà ou aux musiciens de l'archipel du soleil levant pour coller à celles, made in france, de Claude Chabrol, qui en 1982 étaient hantés par des fantômes dont seul le titre justifient leur présence en ces colonnes... Mais tous les prétextes sont bons pour parler d'un bon film.

Claude Chabrol, pour ses exégètes de la première heure comme pour ses détracteurs patentés, c'est une affaire classée depuis des lustres. 



samedi 6 octobre 2012

Revoir 1982 (6/31): Double Feature- On la refait ! : La féline

DOUBLE FEATURE: ON LA REFAIT ! : La Féline
La féline (Cat People)- Jacques Tourneur- 1942- Etats-unis
VS.
La féline (Cat people)- Paul Schrader- 1982 Etats-unis

Double Programme le samedi soir, comme l'an dernier ! Cette fois, on voit double. Chaque semaine, on se recolle devant deux films d'affilée, l'un étant toujours le remake de l'autre, et l'un des deux nous provenant, évidemment, de l'inénarrable an 82. On démarre les miches à l'air et les pieds dans le sang avec La féline et La féline.






VS.


vendredi 5 octobre 2012

Revoir 1982 (5/31): Frère de sang

LE FREAK, C'EST CHIC
Frère de Sang (Basket Case)-Frank Henenlotter-1982- Etats-Unis


Le cinéma d'horreur, cette année-là, est à la veille de sa récupération hollywoodienne. Steven Spielberg, qui s'apprête en un seul film à définir ce cinéma fantastique familial qui reste encore aujourd'hui le symbole absolu des années 80, produit en même temps Poltergeist, pur film d'épouvante pourtant nanti d'un gros budget et destiné à un large public( il est classé PG ), qui sort sur 890 écrans. Soit seulement une centaine de moins qu' E.T, pour un budget équivalent. Le succès du film valide la démarche des studios, qui vont désormais aborder l'horreur comme un genre tout public, auquel on peut consacrer des budgets confortables.
Les projets des maîtres d'Hollywood, Frank Henenlotter s'en tamponne le coquillard. 


jeudi 4 octobre 2012

Revoir 1982 (4/31) : Litan

POURQUOI TANT DE SERIEUX ?
Litan, Jean-Pierre Mocky, 1982, France

Jean-Pierre Mocky appartient à la race des marginaux. Fort d’une filmographie exubérante, provocatrice, inégale bien sûr, mais toujours enthousiaste en ce qu’elle croit au cinéma, à tous les cinémas, Mocky est avant tout un bagarreur, farouchement indépendant, régulièrement iconoclaste, anar’ dans la tradition des Hara-Kiri ou Charlie Hebdo, et accessoirement, le plus souvent metteur en scène sans le sou…



mercredi 3 octobre 2012

Revoir 1982 (3/31): La dernière licorne

LA FEMME CACHEE
LA DERNIERE LICORNE (The last unicorn)- Arthur Bass Jr. et Jules Rankin-1982- Etats-Unis, Royaume Uni, Japon, République Fédérale d'Allemagne 


Si le temps qui passe creuse les visages des vedettes et lie leur jeunesse à une époque de gloire fatalement destinée à passer, les dessin-animés semble échapper au ravages du temps et bénéficier d'un attrait intemporel. De génération en génération, la placidité de Droopy, la témérité de Mickey, la malchance de Wile E. Coyote produisent les même effets et s'attachent toujours autant de public. Plus destinés aux adultes les Simpsons ont dépassé leur 20ème année de diffusion consécutive sans jamais avoir eu à opérer de changement esthétique majeur.



mardi 2 octobre 2012

Revoir 1982 (2/31) : The Wall

AU COEUR DE NOS REMPARTS
The Wall, Alan Parker, 1982, Royaume-Uni



      1982, l’année de notre promenade automnale, à 30 ans d’ici et de notre actualité, fut donc une grande année de cinéma pour notre génération. Aussi comment débuter ce flash back en fanfare, puisque je n’ai nulle contrainte dans mon choix ? Peut-être en se souvenant très lointainement de ce qu’était le monde lors de cette année d’un autre âge. Un monde dont les cartes continuaient de nous le représenter coupé en deux blocs, de l’Est et de l’Ouest, un monde où le Mur qui symbolisait le partage de l’Europe entre le monde dit libre et l’univers oppressif et dépressif du paradis socialiste continuait de fièrement se dresser près de la porte de Brandebourg à Berlin.

lundi 1 octobre 2012

Revoir 1982 (1/31): Ténèbres

ETAT ASSASSIN
Ténèbres (Tenebre)- Dario Argento- 1982- Italie


D'un cauchemar à l'autre : Dario Argento achevé par Inferno, entamé en 1979, bascule dans les années 80 en tournant Ténèbres. Ses images pourtant dictées par les angoisses intimes du cinéaste trouvent un écho retentissant avec l'époque naissante, une résonance que les 30 ans écoulés depuis la production du film n'ont fait que rendre plus assourdissante encore. Ou plutôt plus aveuglante.



mardi 18 septembre 2012

56- Le jour où la terre s'arrêta (The day the earth stood still)- Robert Wise- 1951- USA.



Combien de soucoupes se sont-elles posées dans les jardins du Capitole ou survolé la capitale nord-américaine ? Celle que Robert Wise envoie vers la terre en 1951 doit-être une des premières. A son bord Klaatu, ambassadeur pas commode d'un sorte d'une société des Nations Unies de l'espace. Très impliqué dans sa mission, il n'en démords pas : il n'avouera les raisons de sa venue sur terre qu'en présence de tous les chefs d'Etat terriens. Et le secrétaire d'état qui l'accueille a beau, patiemment, lui expliquer que ça ne va pas être si simple, rien à faire. D'autant plus stressant pour le fonctionnaire qu'en cas d'échec, c'est la survie de la terre qui est menacée. On finira tout de même par avoir le fin mot de l'histoire : la terre, en venant d'accéder à l'armement nucléaire, et au vu du passif de ses habitants, a été mis sur la liste des « planètes voyous » par la police de l'espace, et telle un Iran galactique, on la prie d'abandonner la recherche d'armement nucléaire, sous peine de désintégration pure et simple. L'ultimatum posé, le film, alors qu'il aurait pu se relancer, se clôt donc par une fin plutôt ouverte, sans que le sort de l'humanité soit tranché.

Le scénario est bien ancré dans son époque : mise en garde contre le péril nucléaire et phobie du communisme. Si le récit semble à priori légèrement subversif pour l'époque, ce sont généralement les militaires qui participent à la solution, ici c'est une gâchette facile de l'armée qui fait déraper la situation, d'autant plus que le film est produit par la Fox, et si le personnage est littéralement présenté comme une figure messianique (il se choisit comme nom humain Carpenter !) les apparences sont trompeuses. Déjà, parce que comme le dit Wise, Zanuck (le patron de la Fox à l'époque) se contrefiche du message du film (après tout, c'est juste de la SF!), surtout parce que Klaatu, au bout du compte, finit par incarner une certain idée de la diplomatie toute américaine (la stratégie de la carotte et du bâton chère à Kissinger), qui consiste ici à demander à quelqu'un de faire volontairement ce qu'on est bien décidé à lui faire faire de force. Reste un message authentiquement pacifiste- et gentiment naïf- sur les dangers de la course à l'armement.

L'acteur qui prête ses traits à Klaatu (Michael Rennie) imprime la pellicule sans effort : très grand, il impose une présence saisissante, distillant constamment un léger malaise. Par ses sourires posés un rien à contretemps, ses changements d'expression presque mécaniques, l'acteur est remarquable de subtilité.

Et Robert Wise, de son côté, un peu plus compétent formellement qu'un Bert I. Gordon, et à peu près autant qu'un Jack Arnold, évite le recours à des maquillages ou costumes approximatifs, et limite l'appartition du décorum SF à la soucoupe volante de Klaatu et à son robot destructeur Gort. La direction artistique se met à l'unisson d'un noir et blanc élégant et suggère un univers extra-terrestre tout en courbes gracieuses et lumignons clignotants.

On n'oubliera évidemment pas la bande-originale de Bernard Herrmann, qui invente quasiment, pour l'occasion le son du « péril martien » qui servira à d'innombrables reprises, jusqu'au Mars Attacks de Danny Elfman, en passant par le fameux Star Trek The Motion Picture, de Goldmsith, réalisé par le même Wise. La boucle est bouclée. Comme souvent avec le compositeur, chaque apparition de la musique de Herrmann transmets une émotion absente des images.

Le jour ou la terre s'arrêta n'usurpe pas son statut de petit classique. C'est une préfiguration intelligente, un peu démodée mais élégante, d'une idée de la SF comme fable morale, genre qui atteindra son apogée 8 ans plus tard avec la diffusion de la première saison de l'indépassable Quatrième Dimension de Rod Serling.

P.S : Le jour où la terre s'arrêta est l'objet d'une blague potache dans Evil Dead III : Army of Darkness, de Sam Raimi. La phrase qu'Ash ne parvient pas à retenir, et qui le condamne à rester au moyen-âge est celle que l'héroïne du film de Wise doit mémoriser pour annuler le programme de destruction de la terre de Gort, le robot de Klaatu. Plus douée que le héros de Raimi, elle y arrivera, rassurez-vous.

vendredi 14 septembre 2012

55- Silent Running, Douglas Trumbull, 1972, USA.



Film pour lequel, une fois n'est pas coutume, le qualificatif de culte n'est pas galvaudé. Douglas Trumbull, déjà reconnu comme un maître des effets optiques est avide de nouvelles expériences et souhaite passer à la réalisation. C'est l'époque mythique à laquelle la Universal, incapable de reproduire industriellement le miracle économique de Easy Rider décide de systématiser le tir à l'aveuglette : à condition de maintenir le budget sous le million de dollar, n'importe qui peut tenter à peu près n'importe quoi.
Et c'est sans doute comme ça que les exécutives de la compagnie voient le projet, même si son orientation science-fictive, sous la houlette de Trumbull, responsable des effets visuels de 2001 Odyssée de l'espace, est potentiellement juteuse, vu la réputation du film de Kubrick.
L'époque est propice à une anticipation inquiète et aux antipodes des divertissants Space-operas des sérials ou des métaphores naïves associées aux invasions extra-terrestres diverses du cinéma des années 50. Et Trumbull tape dans le mille.
Aidé d'un Michael Cimino encore vert, il imagine un point de départ accrocheur et simple : dans l'espace, un équipage de routiers tournent en rond aux commandes d'un immense vaisseau dont les serres abritent les derniers specimens de flore terrestre. Loin de chérir cette futuriste Arche de Noé, les terriens ne savent pas très bien quoi en faire... Et finissent par demander aux truckers du futur de tout faire sauter !

Ce scénario c'est la grande force du film. L'un des membres de l'équipage, Freeman (oui, c'est limpide...) Lowell assassine les deux autres, ne supportant pas l'idée de voir disparaître à jamais l'environnement originel des humains, privant les générations futures d'un contact possible avec leur berceau. C'est Bruce Dern qui interprète l'éco-terroriste, avec tout le cabotinage auquel peut-être réduit un acteur seul en scène pendant près d'une heure. Car après la mort des deux compagnons, la surprise, c'est qu'il n'y a plus de surprise : il ne se passe plus grand chose à bord de l'arche spatiale. Lowell prend soin du mieux qu'il peut de ses jardinières, trompe l'ennuie en faisant le kéké dans d'amusants petits karts utiles pour se déplacer dans le vaisseau, et surtout, va reprogrammer ses deux robots pour qu'ils soient capables d'apprendre à assurer seul la survie des serres.

A la fin du récit, Freeman se donne la mort pour faire croire à ses supérieurs que la mission a été accomplie, et c'est désormais aux robots de dériver dans le vide stellaire, seuls gardiens de tout ce qu'il reste de la flore terrestre. Le film se conclut sur la poétique image d'un petit robot hydratant avec un arrosoir d'enfant une petite pousse, sur fond de ciel étoilé. Impossible de ne pas penser, en voyant cette image, au Wall-E des studios Pixar. Le long métrage d'Andrew Stanton développe d'ailleurs les zones d'ombres du film de Trumbull, en explorant la conscience des robots jardiniers concluant le film de 1972.

Proposant des effets visuels extraordinaires étant donné la modestie de son budget, poncutés d'images marquantes, si Silent Running souffre d'un dramaturgie alanguie, et d'une certaine lourdeur allégorique, il touche à l'essentiel de la science-fiction d'anticipation : proposer en interrogeant le présent avec une prescience saisissante une vision d'un futur possible. Et celui-là est en partie advenu après les 40 ans nous séparant de la confection du film.

mardi 11 septembre 2012

54- Farenheit 451, François Truffaut, 1966, Royaume-uni.



Unique film de science-fiction dans la filmographie de Truffaut, projet à la production difficile, on pourrait croire que Farenheit 451 est un mal-aimé dans le souvenir du réalisateur. S'il avoue- comme on l'imagine- avoir toujours trouvé la science-fiction puérile (mais nous sommes en 1966!), il confesse aussi avoir été immédiatement séduit par le postulat de la suite de nouvelles de Bradbury. Tout simplement parce qu'il y est très littéralement question de l'amour pour les livres, et que si un cinéaste incarnait ce goût profond et évident pour la littérature, c'est sans doute Truffaut.

Là ou le film surprend, c'est dans sa direction artistique : jamais le cinéaste n'essaie d'anoblir son sujet en évacuant par exemple les gadgets typiquement SF : on retrouve les télés géantes, un curieux métro suspendu traversant une banlieue qu'on devine interminable et les portes qui s'ouvrent toutes seules. La police du futur, en revanche continue de classer les photos de ses suspects dans de bonnes vieilles chemises en carton... Et cette dimension anticipative, très juste si l'on fait abstraction du design daté de certains objets, opère toujours aussi efficacement aujourd'hui. Le réseau télévisé auquel participe Linda préfigure le web contemporain, de même que sa situation de femme morose et inemployée, coincée dans une banlieue qui semble sans fin est un stéréotype toujours très vivant : voir les portraits réguliers que la télévision et le cinéma brossent des desperate housewifes.

Truffaut semblait surpris que les critiques qualifient d’étonnamment douce l'atmosphère de son film, lui croyant avoir tourné un film très violent. C'est dire à quel point, malgré l'exotisme du sujet, et le tournage en langue anglaise, il n'en a pas moins fait de Farenheit 451, comme de tous ses films une œuvre intime et autobiographique. Lorsque le cinéaste déclare avoir choisi une même actrice (Julie Christie) pour interpréter « la femme et la maîtresse », afin que le spectateur ne préfère pas l'une à l'autre- on ne peut que sourire tant l'aveu semble limpide et l'injonction adressée autant à lui-même qu'à nous.

On retrouvera d'ailleurs dans Farenheit 451 la grâce typique de Truffaut lorsqu'il s'agit de filmer des actrices- et Julie Christie est touchante dans les deux rôles. Subtile, aussi, la façon dont Truffaut décrit ses personnages, et ne les pointe jamais du doigt de la morale. Même le capitaine des pompiers, malgré un long monologue résumant la philosophie structurant cette société qui détruit rageusement ses bibliothèques, n'est jamais complètement antipathique. Ni héros ni salauds, et une grande part de la réussite dans le traitement du personnage de Montag repose sur le jeu d'Oscar Werner, qualifié très justement par Truffaut de jeu poétique, opposé au jeu psychologique. Traversant le film presque hébété, le regard toujours un peu ailleurs, Montag transmet ce sentiment de vacance, ce vide existentiel dans lequel vient se loger son goût soudain pour la lecture qui, bien heureusement, n'est jamais justifié dans le récit. Jusqu'à son final poétique (les hommes et femmes livres déambulent en récitant les ouvrages qu'ils apprennent par cœur ), le film accomplit son programme (oppression- éveil de la consience- résistance) sans céder à une dramatisation caricaturale. En découle cette atmosphère très particulière, mais envoûtante qui dérouta peut-être la critique.

Pourtant, dans sa mise en scène, Truffaut n'hésite pas à se laisser aller à des effets purement plastiques comme dans le montage très vif de la première intervention des pompiers pyromanes, où lorsque la caméra s'attarde longuement sur les fascinantes combustions de livres. Lorsqu'il filme le rouge éclatant de la caserne, ou les scènes d'incendies Truffaut a l'occasion de déployer un grand talent de coloriste. Il faut dire que son ambition plastique est parfaitement soutenue par la musique composée par Herrmann, à laquelle le cinésate réserve souvent l'intégralité de la bande son. Le musicien a parfaitement compris le film, et évite le recours à tout l'attirail musical SF qu'il a lui-même contribué à inventer dans Le jour où la terre s'arrêta. Au contraire, Herrmann confie aux violons l'expression d'un tragique intérieur, bande-son idéale pour un Montag dont on ne peut qu'essayer de deviner les pensées et les tourments. Comme ces très belles scènes dans le métro aérien, au début du film, lorsque le pompier et l'institutrice échangent des regards sans qu'on sache jamais rien des sentiments qui naissent à ce moment. Mais eux-même, que pourraient-ils en savoir, dans ce monde où on ne peut plus lire de roman d'amour ?

lundi 27 août 2012

53- Le navire étoile- Alain Boudet – France- 1962



On en reste comme deux ronds de flan. Au début des années 60, comme nous l'explique longuement le présentateur, la télévision française décide de prendre acte de l'émergence d'une science-fiction de plus en plus populaire en produisant une adaptation d'un roman paru dans la célèbre collection Anticipation du Fleuve noir. Ce qui étonne- et ravi- c'est le sérieux de l'entreprise, qui ne prends pas son sujet de haut, et écarte l'idée que la SF serait réservée aux enfants ou aux travailleurs en mal de divertissement. Le récit, très sérieux, voir sentencieux, est un précipité de toutes les angoisses de l'époque : pouvoir totalitaire et désincarné, privation de la propriété individuelle, toxicité de l'environnement etc...

L'histoire est un huis-clos dans un vaisseau spatial, le navire étoile du titre, voguant dans l'espace sous la double authorité d'un commandant aussi invisible que le magicien d'oz, et d'un ordinateur « Psycho », aux instructions duquel il faut se ranger sans discussion. La legislation de ce microcosme repose entièrement sur la notion de « gaspillage ». Le meurtre, par exemple, ne semble intolérable que parce qu'il gaspille un exemplaire d'une espèce humaine menacée d'extinction : elle est réduite aux 2000 passages du navire stellaire.

Pour faire régner la loi, l'ordinateur dispose d'une « Psychopolice », dont il choisit arbitrairement les membres. Le rite initiatique qui fait d'eux des membres des forces de l'ordre est la révélation d'une vérité : on ne meurt pas de mort naturelle à bord du vaisseau, les passagers peuvent être secrètement assassiné passé 40 ans, âge fatal où l'on commence à coûter plus qu'on ne rapporte. Brrr...

A bord du navire, les couples sont choisis par Psycho qui gère le plus efficacement possible les reproductions. Toutes autres relations amoureuses sont interdites...

Bien sûr, le récit amènera Eddy Burns, bleu fraîchement nommé de la police, à transgresser toutes les lois du vaisseau jusqu'à faire éclater une déstabilisante vérité …

On reconnaîtra dans ce canevas bien des traits et ressorts de films à venir, de THX 1138 à Wall-E et on est tout de même assez admiratif devant la justesse de l'intuition de l'auteur aussi bien que des adaptateurs. Formellement, le film se heurte au limites du genre télévisuel. C'est du théâtre filmé qu'on regarde, même si la direction artistique, tout en décors géométriques épurés et tenues spatiales médiévalisantes ne manque ni d'élégance ni d'audace- elles ressemblent fort, d'ailleurs à celles, 20 ans plus tard, de Tron. Se reposant presque exclusivement sur des échanges dialogués rendus statiques par l’exiguïté des décors et le faible nombre de lieux différents, le film réussit tout de même le pari de tenir en haleine pendant 1H42, sans sacrifier aux aspects les plus mouvementés et feuilletonesques du genre : razzias sur les stocks par de mystérieux révoltés vivants dans les interstices réputés inhabitables du vaisseau, complots politiques, duels dans l'arène, rendez-vous secrets, filatures dans les couloirs... l'équilibre entre la part de réflexion attendue dans un récit d'anticipation et péripéties est toujours tenu et dynamique.

Une vraie curiosité, mais aussi une vraie réussite, sans doute d'autant plus enivrante qu'on l'a laissé reposer 50 ans (!) dans les bonnes caves de l'INA. D'autant plus indispensable que le film laisse à rêver à une histoire méconnue de la science-fiction française, si d'autres pépites de ce calibre attendent qu'on les exhume des sarcophages de l'institut national de l'audiovisuel. La manie de l'archivage a ses vertus !

dimanche 26 août 2012

52- La conquète de la planète des singes (Conquest of the planet of the apes), J. L. Thompson, 1972, USA


Là, ça devient quand même un peu compliqué. Dans la vingtaine d'années séparant la Conquète ... des Evadés..., la terre s'est couverte de singes humanoïdes, qui ont suffisamment évolué pour que les hommes les prennent à leur service puis les réduisent, peu ou prou, à l'esclavage. Milo, le seul singe capable d'engendrer une telle descendance doit avoir un sacré instinct de conservation de l'espèce !

Ce sont surtout les scénaristes qui ont l'instinct de conservation de la série, et tentent, à tout prix, de raccorder tous les bouts de l'intrigue d'arrière-plan :celle du Grand Singe Aldo, de la révolte contre les hommes, de la guerre atomique ayant provoqué la fin de l'humanité, de la régression des hommes à un stade mutant ou animal, de l'apparition d'un singe faiseur de loi...à force d'ajouter des films, on laisse traîner, ça s’accumule, et quand il faut mettre de l'ordre, on se retrouve avec un sacré boulot.

Et c'est peu dire que l'explication n'est pas convaincante : les chats et les chiens ayant été anéantis par une épidémie incurable (!), les gens, inconsolables devant tant de solitude domestique si subite, décident, comme un seul homme de donner aux singes la place laissée vacante par Minou et Médor. Quand on perd son petit chaton, on essaye de se procurer le plus vite possible un gorille de 120 kilos, ça tombe sous le sens.

Et figurez-vous que les singes, au contact de l'homme, vont en 20 ans, se mettre debout, apprendre à utiliser outils et fournitures, et comprendre les ordres verbaux de leurs maîtres.

Déjà qu'ils étaient inquiet, dans le volume précédent, de la présence de 3 singes parlants au point de les abattre, ils devraient avoir la puce à l'oreille, les terriens !
Mais, selon les règles de la série- et avec une certaine élégance philosophique- ce que les hommes redoutent, c'est le singe qui parlerait la langue des hommes.

Et celui-là, Milo, est bien caché, toujours dans son cirque, par Armandillo. Les circonstances vont bien entendu révéler son intelligence supérieure au hommes, et la scène, attendue, de sa prise de parole est superbe. Ses premiers mots, sur la table ou il est torturé étant, non pas No, comme il avait été promis, mais Have pity. Ayez pitié... un concept complètement étranger au règne animal.

Les choses s'emballent assez vite à partir de là. La révolte, que Milo- s'étant rebaptisé lui-même César- a secrètement préparée éclate. La mise en scène de Thompson, dans ces moments est très inspirée. Le choix d'une caméra portée, du début à la fin, donne une énérgie au film et un sentiment d'authenticité particulièrement payant dans la longue séquence, presque sans dialogue de l' ape uprising. Tournées en partie à l'Université de Californie d'Irvine, alors toute neuve, ces scènes de révolution bénéficient de la beauté d'une architecture dégageant aujourd'hui un parfum idéal de rétro-fiction (le futur, soit 1991 tel qu'on l'imaginait en 1970 ) et des cadrages inspirés de Bruce Surtees. Collaborateur régulier de Siegel (L'inspecteur Harry, L'évadé d'Alcatraz entre autres ) puis de Clint Eastwood, Surtees excelle à tisser des images à la fois concrètes et oniriques, comme lorsqu'il découpe une silhouette de singe dressée sur un hauteur, éclairée à contre jour par une lumière violente, qui pourrait être aussi bien celle d'un projecteur de la police que d'un châtiment divin et mérité s’apprêtant à s'abattre sur les hommes.

Les maquillages de Chambers, paradoxalement, tirent profit, du manque de moyens (budget : 1,7 millions de dollars!). Réduit, pour les nombreux figurants, à un masque facial sans articulations, l'expression des visages des singes résident dans leurs seuls yeux, taches blanches hyper expressives au milieu des faces sombres. De même, les combinaisons, évitant d'avoir à maquiller des torses ou des membres, toutes du même rouge, confère aux groupes, lorsque les singes se rassemblent une extraordinaire présence chromatique. Se répandant dans les rues de la ville, les colonnes de singes deviennent littéralement le sang de la colère se déversant sur Central City.

Impossible, enfin, de ne pas signaler l'à propos du film, qui, malgré la délicatesse de la comparaison, n'hésite pas à rapprocher le destin des singes- et la légitimité de leur révolte- de celui des noirs américains. Impossible de ne pas songer aux émeutes, sept ans plus tôt, dans le quartier de Watts. Rapprochement énoncé par César lui-même, à la façon à la fois directe et symbolique du film, lorsqu'il supplie un membre d'origine africaine du gouvernement : Vous, entre tous, devriez comprendre !

Mais La conquète... n'est pas un film pesamment politique. Le réalisateur n'oublie jamais de faire des images- la séquence de la révolte, évidemment, est un classique du cinéma d'anticipation, bourrée d'images inoubliables, mais aussi ces scènes d'ouverture montrant des singes rassemblés en lignes sur une place, pour qu'on leur attribue une tâche, et qui transforment Central City la californienne en gigantesque camp de travail. Le scénariste, s'il prend le soin de mettre dans la bouche de César un discours flamboyant sur le destin de ceux qui furent opprimés, n'oublie jamais de produire avant tout du récit. La direction artistique, irréprochable, est un modèle de conception visuelle entièrement au service du propos d'un film.

Si la réussite financière du film, qui rapporte presque 5 fois son budget, entraîne une suite, tout est dit dans cette Conquète de la planète des singes, un des fleurons d'une période bénie pour la science-fiction. Jusqu'à ce qu'une reconquête soit opérée, cinq ans plus tard, par un autre singe qui marche debout et manie les armes, et fasse basculer la science-fiction cinématographique de l'anticipation angoissée et lucide au western spatial sensationnel. Ce singe là, tiens tiens, a d'ailleurs perdu l'usage de la parole, ne s'exprime que par grognements, et demeure l'indéfectible et docile ami du contrebandier spatial auquel il passe, docilement, toutes les humeurs, et qui est le seul à le comprendre.

samedi 25 août 2012

51- Les évadés de la planète des singes (Escape from planet of the apes) - Don Taylor- USA- 1971



Qu'est ce qui reste à dire après la fin du monde ? Loin d'être une question métaphysique, c'est l'interrogation très prosaïque à laquelle les scénaristes de ce troisième volet de la série de 5 films … planet of the apes, se posent. Car Charlton Heston, reprenant à contrecœur son rôle de Taylor, ne veut pas que le film inaugural se dilue dans des séquelles. Il soutient donc vivement la conclusion finalement retenue pour le second film- une autre a été imaginée- qui montre la destruction de la terre, dans un éclair blanc très bref, sur lequel s'incrit le carton final « The End ». La fin. Vraiment ?

Recours science-fictionnel pratique et excitant, le voyage dans le temps permet de relancer la machine. C'est un singe nommé Milo qui va redémarrer l'intrigue en redémarrant la navette abandonné par Taylor et ces compagnons, à bord de laquelle il embarque avec Cornelius et Zira, les attachants chimpanzés humanistes. Destination : le passé.

L'ouverture du film rejoue donc, à l'inverse, celle du film original. Une navette s'écrase sur une planète indéterminée. Nous sommes vite fixés : c'est la terre, ou mieux, l'Amérique puisque des militaires tout étoilés accueillent les cosmonautes. Ceux-ci retirent leurs casques... surprise : ce sont nos singes.

3 singes, perdus sur la planète des hommes, comme les 3 hommes du récit inaugural perdus sur la planète des singes. Va-t-on suivre un remake en miroir du premier film ? Non, la suite du récit prend la tangente : Les évadés ... relève plus de la comédie de mœurs et de la satire sociale que du film d'aventures allégorique. Et pour peu qu'on accepte de sauter dans le train en marche, le changement, bien qu'incongru est heureux. Les premières scènes, pour convenues qu'elles soient, ont le mérite de la concision : on assiste à la capture à mi-mots des chimpanzés, retenu « pour analyse » dans un Zoo. Ces derniers s'en plaignent d'autant moins qu'ils ont décidé de se taire, redoutant d'effrayer les hommes. Une des nombreuses conventions qu'il faut accepter : l'aspect seul des singes est la preuve de leur évolution supérieure et devrait mettre la puce à l'oreille des autorités. Mais la convention, c'est aussi le propre du genre, et les spectateurs suivent avec plaisir les inévitables séances d'analyse des singes par des scientifiques blouses-blanches-sourcils-froncés, complices de la malice des singes, puisque nous savons ce que les savant ignorent encore. Encombrés par l'inutile personnage de Milo- le pilote de la navette- les scénaristes le font disparaître un peu arbitrairement entre les pattes d'un gorille, mais l'épisode sert aussi d'avertissement, et réactive la fibre anxiogène de la série : si le ton est à la comédie, tout peut basculer dans la violence animale, à tout moment. Évidemment, la noire ironie présente depuis le film original claque dans le final : ce sont les hommes qui déchaîneront la violence la plus bestiale, et non plus les singes.

Entre-temps, les chimpanzés ont parlé et on aura vu Zira devenir une pasionaria féministe, mais s'adonner aux joies du lèche-vitrine (dans une scène périfigurant la célèbre razzia de Pretty Woman!), et les hommes du président s'accorder sur la nécessité d'éliminer les singes, Zira étant enceinte. La possibilité d'une prolifération de singes parlants leur semblant une menace trop grande pour l'humanité entière. Comme souvent dans les cinq films, le sort du l'humanité est traité à un niveau symbolique : une ville (New York, Central City peut importe ) valant pour le monde, un cercle restreint d'individus (le président, ou plus tard le gouverneur ) incarnant toutes les instances dirigeantes et représentatives, un lieu clos sur lui-même, enfin, représentant le siège de tout pouvoir humain : un bureau ovale, un bunker, une place... Certainement dictée d'abord par les contraintes budgétaires- les films sont de petites productions- ce choix accentue la portée édifiante des films et, sans en avoir les moyens financiers, inscrit la série dans la glorieuse galerie des grands fils d'anticipation des années 70.

Soucieux de respecter ses propres règles, les producteurs cherchent une fin à la fois saisissante et permettant une pirouette. Ils y réussissent : on est stupéfait de voir Zira, Cornelius et leur bébé Milo décimés à bord d'un cargo, lors d'une fusillade fort ambiguë : si l'on est choqué de voir un des dirigeants humains abattre de sang-froid un nourrisson- fut-il chimpanzé (!), ne fait-il pas le sale travail indispensable à la survie de l'humanité, lorsqu'on sait ce qui doit advenir dans le futur.

Pirouette finale et ironique : un philanthrope administrateur de cirque, Armando (Ricardo Montalban, tout en cabotinage sentencieux ) a intervertit un chimpanzé de son cirque et Milo, sauvant la vie de ce dernier. Et forcément, c'est cet acte d'amour qui va précipiter la chute de l'humanité.

Dans une pure logique feuilletonesque, et même si on commence à se gratter un peu la tête devant les incohérences inévitables dues au paradoxe temporel cher à Marty Mc Fly, le film réponds à quelques questions (mais comment les singes ont-il appris à parler si vite ? D'où viennent ces singes si évolués en seulement 2000 ans?) mais laisse la porte ouverte pour la suite : comment les singes- quelque peu en sous-effectifs à la fin de cet épisode- vont-il prendre le contrôle de la planète ?

La réponse dans La conquête de la planète des singes !

mercredi 18 juillet 2012

50- Rosemary's Baby, Roman Polanski, Etats-Unis, 1968




Cité aux côtés de La nuit des morts vivants, de George Romero, réalisé la même année, ou de L'exorciste (1973) de William Friedkin, lorsqu'il s'agit de borner par d'indiscutables limites le passage du cinéma d'horreur à son âge moderne, Rosemary's Baby va incarner dans sa forme les angoisses d'une époque marquée par des images paradoxales. Celles d'une guerre au Vietnam lointain géographiquement, culturellement, mais d'une proximité terrifiante par ceux qu'elle concerne, les frères, les pères, et par ses moyens de diffusion- la télévision, le reportage photo, qui vit alors un âge d'or.
Et c'est là le génie du scénario, et l'authentique modernité de la mise en scène de Polanski que de faire de ce paradoxe le creuset formel du film. Le ventre de Rosemary c'est le champ opaque qui va progressivement se gonfler d'un hors champ de plus en plus difficile à contenir. Friedkin prendra d'ailleurs acte de cette impossibilité et comprimera en une accélération vertigineuse l'histoire de cette irruption du hors champ (le visage du monstre) dans le champ (le monde du spectateur, le corps de Megan, petite fille américaine à priori innocente), et dont l'esthétique gore des années 80 constitue sans aucun doute le premier aboutissement.
Impossible pour Polanski de filmer l'avènement de l'image et donc de montrer le bébé, tout le film reposant sur une lecture de ce hors champ dont la reversibilité doit demeurer toujours possible. Jusqu'au bout, il sera impossible d'objectiver la nature de l'enfant et de la réalité à l'origine des angoisses de Rosemary.

Et si Polanski a bien un talent, c'est celui de nous faire éprouver ce vertige : peu importe, au fond, que le complot soit réel ou pas, dès lors qu'on l'imagine possible, et que rien ne vient contredire cette possibilité, on en ressent la menace. C'est bien toute la valeur du hors-champ dans le film : par sa nature même, il ne peut jamais être montré, et partant, si elle n 'est jamais affirmée, la nature du complot maléfique n'est jamais contredite. Ce principe d'une image ouverte par un hors champ possible, et à la signification jamais refermée conditionne toute la mise en scène. Retenons une séquence.

Particulièrement marquante est la scène montrant Rosemary tenter de trouver un indice lui révélant la vraie nature de sa grossesse, par des anagrammes successifs à partir du titre d'un livre. Pour rendre la scène plus cinégénique, elle va utiliser les lettres d'un jeu de scrabble, et afficher ainsi, pour le spectateur plusieurs suites de mots. L'une d'elles va retenir l'attention de Rosemary, puisqu'elle lui semble éclairer enfin un nœud de la toile dans laquelle elle est convaincue d'être prise. Si rien ne vient prouver qu'elle se trompe, rien ne vient non plus infirmer les autres suites, auxquelles il serait tout autant possible de donner un sens dans le contexte du récit à ce moment là : le titre du livre lui fournit «COMES WITH THE FALL » ou « ELF SHOT LAME WITCH ». Si ces phrases ont moins de sens pour Rosemary que le nom de son voisin (Hugo Castevet), qu'elle finit par découvrir en cherchant l'anagramme non plus à partir du titre du livre mais d'un nom dont le prénom est souligné, elle démontre l'évidence : c'est parce qu'elle cherche que Rosemary finit par trouver, et il demeure impossible de trouver dans le récit une « preuve » permettant sa lecture objective.

Car le film est aussi une plongée profondément émouvante dans une subjectivité féminine. Dans cette perspective, le portrait dressé de Guy, le mari de Rosemary est sans fard : lâche, d'une ambition à laquelle tout semble pouvoir être sacrifié, il ne bénéficiera d'aucune circonstance atténuante sous la caméra de Polanski. Son comportement, durant la nuit où le bébé est conçu est filmé du point de vue de Rosemary, pratiquement comme un viol, et par la suite, leur appartement, dont il refuse de fermer l'accès à ses voisins est le lieu d'intrusions répétées qui sont autant de viols symboliques. D'autant plus que cet espace est d'abord celui de Rosemary, qui ne le quitte presque pas, tandis que Guy est régulièrement à l'extérieur. Un foyer que le film va progressivement transformer en prison, Rosemary, d'abord gentiment, puis contrainte,est empêchée de le quitter. Si le film est évidemment un objet formel si impressionnant, c'est aussi simplement cette description au fantastique symbolique d'une femme négligée, abusée, abandonnée puis totalement instrumentalisée par son mari et l'entourage contre lequel, loin d'être un rempart, il devient au contraire le pourvoyeur de la chair de Rosemary.
Le succès du film, sans aucun doute, réside dans cette combinaison d'un doute entretenu sur la nature des images et du parti pris par Polanski pour sa pauvre héroïne, envers laquelle il est difficile de ne pas éprouver compassion et empathie.

En maintenant constamment hors champ l'image qui permettrait de vérifier l'hypothèse du complot redouté par Rosemary, Polanski réactive tout la puissance anxiogène du hors champ : on comprend ici la fonction rassurante de l'horreur dans le cadre, tant elle est, littéralement, une horreur encadrée. Rien d'étonnant, alors, à ce que le cinéaste du Bal des vampires, bien conscient de son inscription dans le genre, joue avec les codes du cinéma d'horreur. Par exemple lorsqu'il filme une armoire censée bloquer une porte, derrière laquelle le spectateur- lui aussi au fait des lois du genre- est persuadé de découvrir plus tard l'entrée, forcément, du royaume infernal, ou une image, forcément, horrible. Mais c'est sur l'appartement identique de ses voisins que débouche le couloir condamné des Woodhouse. Cette révélation loin de désamorcer, dans l'ironie, l'effet d'angoisse, au contraire réactive l’inquiétude du spectateur puisqu'elle repousse, et met même un peu plus en doute l'apparition d'une image horrible, mais cadrée, et donc rassurante et attendue. La jolie typographie du titre ouvrant le film, rose sur fond de skyline New-Yorkais, fonctionne de la même façon, en nous annonçant un programme de comédie romantique que le dérèglement de la comptine servant de générique vient rapidement mettre en doute. Programmée aussi par ce générique, l'intrusion de l'horreur gothique symbolisée par l'immeuble dans lequel emménagent les Woodhouse, totem sinistre planté en plein New York, comme un monument balisant la conquête de l'espace domestique américain par un fantastique né en Europe centrale.

La même année, George Romero filmera avec la caméra du documentariste le siège d'une maison rurale par des mort-vivants ayant conquis le monde. Mais pour Polanski, l'horreur n'est pas une apocalypse gore surgissant dans le cadre, c'est le regard sans contrechamp d'une jeune femme déboussolée, qui ne sait pas ce que le monde lui veut, mais qui ressent au plus profond d'elle, grandissante, la menace de tout le mal qu'il pourrait lui faire.