samedi 2 mai 2020

20/31 : Edge of tomorrow 2014






ça marche comment ?

Par une succession de plans, toujours les mêmes, dans une économie très graphique, qui nous rappelle bien sûr le cultissime Jour sans fin d’Harold Ramis - l’un des Ghostbusters ! - mais aussi plus prosaïquement ces interminables après-midi de jeu vidéo durant lesquelles on rejoue à l’infini les mêmes coups pour avancer dans l’odyssée le plus souvent assez violente de notre personnage de pixels. Pour le coup je n’ai jamais été très fan de ces passe-temps vidéo-ludiques, sans doute trop impatient de fiction pour répéter ad libitum, et dans mon cas ad nauseam, les mêmes gestes et les mêmes péripéties, jusqu’à parfaitement maitriser mon sujet, et mériter d’avancer dans le récit…    

Dans le cas du film de Liman, si l’on rentre un peu dans l’histoire qui nous est racontée, la résurrection répétée du personnage du Major Bill Cage, interprété par un Tom Cruise toujours bon pied, bon oeil en dépit de ses cinquante printemps passés, est la conséquence d’une première mort, si l’on peut dire, qui à la suite d’une explosion, a mêlé son sang aux fluides d’un des extraterrestres envahisseurs et belliqueux d’un genre un peu particulier, appelé Alpha, et qui a la capacité de se réinitialiser. Cage, devenu pour un temps mutant d’un type particulier qui lui permet de revenir toujours au même point de départ temporel, à l’aube de l’attaque qu’on voudrait décisive contre les aliens, dès lorsqu’il est tué, connaît donc la suite de l’histoire, le fiasco de l’attaque, et décide seul contre tous de gagner cette guerre en apprenant au fur et à mesure de ses propres échecs jusqu’à finalement vaincre l’Oméga, le cerveau des envahisseurs extraterrestres. Il va être aidé dans cette quête par le sergent Rita Vrataski, la belle Emily Blunt, qui fut avant lui elle aussi l’objet de cette étrange disposition temporelle, qui lui permit de vaincre lors de la fameuse bataille de Verdun - cocorico ! - jusqu’à ce qu’une transfusion sanguine lui ôte sa capacité au reset

Le film avance ainsi paradoxalement assez lentement, puisque nous connaissons à l’avance la plupart des évènements, voués à se répéter encore et encore, selon des modalités légèrement différentes, dès lors que Cage modifie tel ou tel geste. Cela permet le déploiement d’une mise en scène efficace, et qui permet d’appréhender notamment les scènes de batailles, et principalement celle de ce débarquement de Normandie - recocorico ! - entre Saving Private Ryan et Starship troopers, dont les combats nous sont présentés ainsi sous différents angles, non selon un point de vue omniscient, mais avec une grammaire de l’immersion qui pour une fois, et grâce à un principe intradiégétique assez original, permet un point de vue de mise en scène, qui nous permet d’avancer dans la narration, par la même scène, et nous raconte dans le même temps le rapprochement sentimental de ces deux guerriers d’exception malgré eux.       

ça vaut le coup ?

C’est cette réitération persistante qui permettra à Cage de sauver l’Humanité, rien de moins, même si entretemps, il aura éprouvé toute la gamme des sentiments que, l’on suppose, on expérimente en temps de guerre : la sidération, la surprise d’être encore en vie, la rage de vivre, le courage, l’amitié, l’amour même, l’espoir, la lassitude, jusqu’au désespoir, enfin la résolution. Parvenir à renouveler les codes du film de guerre grâce à la science-fiction n’était pas si simple, et, mine de rien, Edge of Tomorrow y parvient, tout en nous divertissant avec tous les ingrédients du genre. Le récit, tiré d’un roman japonais, génère un plaisir jubilatoire - pour reprendre notre partition de la résurrection - lorsque l’on voit Cage subir ces épreuves dans lesquelles il va finir par se révéler. Bien entendu, on aura aussi compris qu’il y a du Tom ‘scientologist' Cruise derrière tout ça : quoi de mieux pour magnifier son personnage que de débuter dans la peau d’un lâche pour finir dans celle d’un héros, grâce à un apprentissage hors du commun ? Nous ne sommes pas loin là du film de super-héros, mais diablement égocentrique : le monde tout entier tourne désormais autour du nombril de notre sacré Tom. On peut un peu en ricaner, il n’empêche qu’il est très bien dans ce rôle de froussard qui se soigne. Et le contrepoint apporté par la présence toute en sévère exigence d’Emily Blunt permet au couple de fonctionner à merveille, selon le vieux principe du binôme antagoniste, ici le vieux beau pusillanime et la gracieuse combattante courageuse.   

c’était mieux avant ?

Liman tient compte du cinéma qui a eu lieu avant lui. J’ai déjà cité Starship troopers, mais les références au film de Verhoeven sont nombreuse et évidentes. De même les exosquelettes et les mitrailleuses individuelles rappellent les équipements des soldats d’Avatar de Cameron. On ne fait pas semblant de ne pas connaître ses « classiques ». Quant au film de guerre, entre le déjà cité Saving Private Ryan, référence désormais incontournable du genre, et la mention transparente au Full metal jacket de Kubrick, non seulement lors de la scène récurrente de réveil, avec son inévitable caporal inflexible et gueulard, mais aussi avec le surnom donné par les soldats admiratifs au personnage d’Emily Blunt - Full Metal Bitch, on notera l’hommage féministe… -, nous avons peut-être là affaire à un discours un peu secret qui consisterait à dire que tous les films ont déjà été fait, et qu’il ne s’agit plus que de les refaire désormais. Lorsque vers la fin du film, Cage confesse à sa partenaire qu’il ne parvient plus à la sauver désormais, que l’histoire se rejoue éternellement sans qu’il arrive à la modifier, et qu’il lui raconte donc ce qui n’a pas encore eu lieu, tout se passe comme si le film prenait lui-même acte de ses limites, à la fois dans son récit, mais aussi dans son existence même : vous connaissez cette histoire, on vous l’a racontée cent fois, semble nous glisser Liman, et bien entendu vous savez comment elle va finir, alors il ne nous reste plus qu’à vous attacher à nos personnages. Rita confesse au moment de sa mort planifiée quelque chose qu’elle espère neuf, son second prénom, Rose - le nom d’une fleur…

Ainsi, que ce soit dans le genre de la science-fiction ou dans celui de guerre, inventer de nouvelles formes n’est plus si simple - mais est-ce que cela l’a jamais été ? - il ne nous reste peut-être plus qu’à nous émouvoir de ce qui constitue depuis toujours les meilleures histoires : l’amour, le courage, l’espoir d’un printemps qui reviendra forcément.
     

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