On en reste comme deux ronds de flan.
Au début des années 60, comme nous l'explique longuement le
présentateur, la télévision française décide de prendre acte de
l'émergence d'une science-fiction de plus en plus populaire en
produisant une adaptation d'un roman paru dans la célèbre
collection Anticipation du Fleuve noir. Ce qui étonne- et ravi-
c'est le sérieux de l'entreprise, qui ne prends pas son sujet de
haut, et écarte l'idée que la SF serait réservée aux enfants ou
aux travailleurs en mal de divertissement. Le récit, très sérieux,
voir sentencieux, est un précipité de toutes les angoisses de
l'époque : pouvoir totalitaire et désincarné, privation de la
propriété individuelle, toxicité de l'environnement etc...
L'histoire est un huis-clos dans un
vaisseau spatial, le navire étoile du titre, voguant dans l'espace
sous la double authorité d'un commandant aussi invisible que le
magicien d'oz, et d'un ordinateur « Psycho », aux
instructions duquel il faut se ranger sans discussion. La legislation
de ce microcosme repose entièrement sur la notion de « gaspillage ».
Le meurtre, par exemple, ne semble intolérable que parce qu'il
gaspille un exemplaire d'une espèce humaine menacée d'extinction :
elle est réduite aux 2000 passages du navire stellaire.
Pour faire régner la loi, l'ordinateur
dispose d'une « Psychopolice », dont il choisit
arbitrairement les membres. Le rite initiatique qui fait d'eux des
membres des forces de l'ordre est la révélation d'une vérité :
on ne meurt pas de mort naturelle à bord du vaisseau, les passagers
peuvent être secrètement assassiné passé 40 ans, âge fatal où
l'on commence à coûter plus qu'on ne rapporte. Brrr...
A bord du navire, les couples sont
choisis par Psycho qui gère le plus efficacement possible les
reproductions. Toutes autres relations amoureuses sont interdites...
Bien sûr, le récit amènera Eddy
Burns, bleu fraîchement nommé de la police, à transgresser toutes
les lois du vaisseau jusqu'à faire éclater une déstabilisante
vérité …
On reconnaîtra dans ce canevas bien
des traits et ressorts de films à venir, de THX 1138 à
Wall-E et on est tout de même assez admiratif devant la
justesse de l'intuition de l'auteur aussi bien que des adaptateurs.
Formellement, le film se heurte au limites du genre télévisuel.
C'est du théâtre filmé qu'on regarde, même si la direction
artistique, tout en décors géométriques épurés et tenues
spatiales médiévalisantes ne manque ni d'élégance ni d'audace-
elles ressemblent fort, d'ailleurs à celles, 20 ans plus tard, de
Tron. Se reposant presque exclusivement sur des échanges
dialogués rendus statiques par l’exiguïté des décors et le
faible nombre de lieux différents, le film réussit tout de même le
pari de tenir en haleine pendant 1H42, sans sacrifier aux aspects les
plus mouvementés et feuilletonesques du genre : razzias sur les
stocks par de mystérieux révoltés vivants dans les interstices
réputés inhabitables du vaisseau, complots politiques, duels dans
l'arène, rendez-vous secrets, filatures dans les couloirs...
l'équilibre entre la part de réflexion attendue dans un récit
d'anticipation et péripéties est toujours tenu et dynamique.
Une vraie curiosité, mais aussi une
vraie réussite, sans doute d'autant plus enivrante qu'on l'a laissé
reposer 50 ans (!) dans les bonnes caves de l'INA. D'autant plus
indispensable que le film laisse à rêver à une histoire méconnue
de la science-fiction française, si d'autres pépites de ce calibre
attendent qu'on les exhume des sarcophages de l'institut national de
l'audiovisuel. La manie de l'archivage a ses vertus !