Film pour lequel, une
fois n'est pas coutume, le qualificatif de culte n'est pas galvaudé.
Douglas Trumbull, déjà reconnu comme un maître des effets optiques
est avide de nouvelles expériences et souhaite passer à la
réalisation. C'est l'époque mythique à laquelle la Universal,
incapable de reproduire industriellement le miracle économique de
Easy Rider décide de systématiser le tir à l'aveuglette : à
condition de maintenir le budget sous le million de dollar, n'importe
qui peut tenter à peu près n'importe quoi.
Et c'est sans doute comme
ça que les exécutives de la compagnie voient le projet, même
si son orientation science-fictive, sous la houlette de Trumbull,
responsable des effets visuels de 2001 Odyssée de l'espace,
est potentiellement juteuse, vu la réputation du film de Kubrick.
L'époque est propice à
une anticipation inquiète et aux antipodes des divertissants
Space-operas des sérials ou des métaphores naïves
associées aux invasions extra-terrestres diverses du cinéma des
années 50. Et Trumbull tape dans le mille.
Aidé d'un Michael Cimino
encore vert, il imagine un point de départ accrocheur et simple :
dans l'espace, un équipage de routiers tournent en rond aux
commandes d'un immense vaisseau dont les serres abritent les derniers
specimens de flore terrestre. Loin de chérir cette futuriste Arche
de Noé, les terriens ne savent pas très bien quoi en faire... Et
finissent par demander aux truckers du futur de tout faire
sauter !
Ce scénario c'est la
grande force du film. L'un des membres de l'équipage, Freeman (oui,
c'est limpide...) Lowell assassine les deux autres, ne supportant pas
l'idée de voir disparaître à jamais l'environnement originel des
humains, privant les générations futures d'un contact possible avec
leur berceau. C'est Bruce Dern qui interprète l'éco-terroriste,
avec tout le cabotinage auquel peut-être réduit un acteur seul en
scène pendant près d'une heure. Car après la mort des deux
compagnons, la surprise, c'est qu'il n'y a plus de surprise : il
ne se passe plus grand chose à bord de l'arche spatiale. Lowell
prend soin du mieux qu'il peut de ses jardinières, trompe l'ennuie
en faisant le kéké dans d'amusants petits karts utiles pour se
déplacer dans le vaisseau, et surtout, va reprogrammer ses deux
robots pour qu'ils soient capables d'apprendre à assurer seul la
survie des serres.
A la fin du récit,
Freeman se donne la mort pour faire croire à ses supérieurs que la
mission a été accomplie, et c'est désormais aux robots de dériver
dans le vide stellaire, seuls gardiens de tout ce qu'il reste de la
flore terrestre. Le film se conclut sur la poétique image d'un petit
robot hydratant avec un arrosoir d'enfant une petite pousse, sur fond
de ciel étoilé. Impossible de ne pas penser, en voyant cette image,
au Wall-E des studios Pixar. Le long métrage d'Andrew Stanton
développe d'ailleurs les zones d'ombres du film de Trumbull, en
explorant la conscience des robots jardiniers concluant le film de
1972.
Proposant des effets
visuels extraordinaires étant donné la modestie de son budget,
poncutés d'images marquantes, si Silent Running souffre d'un
dramaturgie alanguie, et d'une certaine lourdeur allégorique,
il touche à l'essentiel de la science-fiction d'anticipation :
proposer en interrogeant le présent avec une prescience saisissante
une vision d'un futur possible. Et celui-là est en partie advenu
après les 40 ans nous séparant de la confection du film.
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