vendredi 12 octobre 2012

Revoir 1982 (12/31) Dar l'invincible

LE LOUP, LE RENARD ET LA BELETTE
Dar l'invincible  (The beastmaster)- Don Coscarelli, 1982, Etat-unis et République fédérale d'Allemagne




Du haut de mes cinq ans, à l'époque, on ne m'aurait jamais laissé regarder l'invincible Dar à l’œuvre, et c'est dommage, car c'est sûrement à cet âge que je l'aurais le plus apprécié.




Je me posais alors les vraies questions et j'aurais sans doute passionnément débattu avec moi-même pour savoir si Dar pouvait être considéré comme une adaptation officieuse satisfaisante des aventures de Musclor, alors une de mes idoles absolues. Comme l'athlète d'Aeternia, Dar porte un cache cœur très déshabillé, et bénéficie de l'amitié espiègle mais féroce d'un tigre. 
 
Un petit air de famille ?

Si celui de Musclor est vert, les dresseurs de Dar ont pris soin de passer le leur au noir, mais ne nous encombrons pas de tels détails. Dar, tout comme Musclor est prince, mais si ce dernier fait- en apparence- le bourgeois à la cour, Dar, lui, a grandi dans l'adversité la plus totale, car il fut spolié, dans son plus tendre âge, de son trône. Le film nous raconte, avec moult péripéties et plans filmés depuis l'hélicoptère sa quête pour reconquérir sa couronne.

Avant Le seigneur des anneaux de Peter Jackson, l'héroïc-fantasy ressemblait à Dar l'Invincible, dans le meilleur des cas. Cas étonnant d'émergence d'un genre avant que les moyens de son efficacité technique soient existants, l'heroïc-fantasy des années 80 constitue un mouvement assez unique. Des dizaines de copies vont émerger à partir de l'existence d'un seul chef d'oeuvre, Conan le barbare, de John Milius.

Le film n'a pas encore été vu que les imitateurs se pressent déjà. Il semble que les producteurs soient tous convaincu qu'il y a une énorme attente du public pour ce genre de films : « l'étiquette sword and sorcery m'a été imposée parce qu'il fallait proposer aux distributeurs ce que le public attendait depuis longtemps » justifiait à l'époque Don Coscarelli. Rien qu'en 1982 sortent, outre Conan, Dar l'Invincible et L'épée sauvage, un dérivé qui grâce à l'abattage d'Albert Pyun, son réalisateur, parvient même sur les écrans avant Conan.




Ce qui n'est pas le cas du film de Coscarelli qui se souvient : « Une semaine avant le tournage, le producteur exécutif est venu m'apporter de nouvelles pages de scénario en me disant : voilà comment on va tourner le film ». Des changements de dernière minute qui ont sans doute pour seul but de rapprocher au maximum Dar du film de Milius. Les similitudes sont tellement nombreuses qu'elles fleurtent avec le plagiat et feront bien sourire les connaisseurs.

Il font un détour en revenant de Cimmérie...

Le village réduit en cendres et le père assassiné ? On a. Les fanatiques du méchant sorcier qui se suicident sur son ordre muet pour prouver de leur vie son pouvoir  sans limite ? C'est dedans ! Le héros se déguise pour s'approcher incognito dudit méchant, qui donne un discours du haut d'un escalier situé à flanc de montagne ? Tel quel ! Pour retrouver l'assassin de son peuple, le héros ne dispose que d'un médaillon portant sa marque ? Bingo ! La soupe qui mijote dans un chaudron géant fait remonter, quand on la touille des bouts de membres humains ? On a aussi ! L'amitié avec le compagnon se lie autour d'une discussion théologique piquante ? Bien sûr ! La sorcière périt quand elle est jetée dans un feu mais son rire résonne bien après que son corps soit consumé ? Evidemment ! Et enfin, le film se conclut par le retour des cavaliers qui ont rasé le village au début, et que Dar et ses compagnons doivent affronter dans un combat aussi inégal que désespéré ? Forcément, what else ?

Pour sortir Dar on pompe donc pas mal sur le voisin. Mais ça n'exclut pas l'ambition, notamment plastique, lorsqu'on embauche John Alcott, le chef opérateur de Barry Lindon ! De belles images au programme, donc, éclairage naturel en extérieur/jour, avec des filtres voyants pour donner une couleur dorée à toutes les images, et des lumières non pas à la bougie mais aux becs de gaz, directement allumés autour de la caméra, pour les scènes nocturnes. Le résultat c'est une photo douce, avec de légers halos dans ces scènes de nuit, et des ambiances presque monochromes brunes pour la journée. Des images à la touche typiquement « années 80 ». Ambitieuse aussi l'approche musicale. Depuis La guerre des étoiles et la fanfare de Williams, la recette du film d'aventure recommande un assaisonnement symphonique de haute volée. Epoque bénie où des compositeurs mis de côté depuis 10 ans, ou des jeunes pousses brûlant de marcher dans les pas de Rosza ou Tiomkin retrouvent le chemin des studios. C'est Lee Holridge qui officie majestueusement sur le fil de Coscarelli, et qui lui offre haut la baguette une belle partition dans la plus pure tradition hollywoodienne classique, un travail d'orfèvre pour un film qui n'en mérite évidemment pas tant.

Richard Corben: influence majeure de Dar l'Invincible ?

 
Quand a ce qui bouge devant la caméra, c'est Don Coscarelli qui en a la responsabilité, à moitié- selon ses dire à l'époque de la sortie du film- tant les exécutives envahissant semblent appliquer à la lettre le cahier des charges parfois pervers de leur profession qui consiste à embaucher quelqu'un pour des qualités qu'on va l'empêcher d'utiliser ensuite.

Coscarelli est un cinéaste intéressant. Il est l'auteur d'un petit bijou de la fin des années 70, Phantasm, tourné pour une misère et bourré d'idée macabres et d'images devenues classiques.

la fameuse boule volante de Phantasm, en 1979


Pas encore condamné à surexploiter sa marque en tournant Phantasm 2,3,4 (c'est ça ou rien, pour les producteurs), Coscarelli se laisse tenter par l'aventure du gros budget américain. Même s'il flotte sur le fil un parfum Cinecittà dont le cinéaste est sans doute responsable, lui qui « était parti dans une aventure héroïque dans la lignée des Hercule avec Steve Reeves ». Avec 30 ans de recul, on peut dire que c'est finalement réussi. Les ambitions de Coscarelli sont d'ailleurs assez contradictoires, puisqu'il déclare par ailleurs avoir voulu « concilier Disney et les films de Samouraï » Mazette ! A l'écran, ça se traduit par un héros assisté de deux belettes, pour la part Disney, et qui s'entraîne au sabre, pour la part samourai.

Dar l'invincible, en 1982, c'est donc un assez gros budget, et un film pris au sérieux, ce qui comparé au standards de productions d'aujourd'hui donne un film à la facture de Direct-to-video un peu fauché. Presque entièrement tourné en extérieur, Dar déroule les déserts, clairières et massifs rocheux pelés qu'on a vu dans toutes les productions bas de gamme censées reconstituer un monde sauvage ou l'aventure attends derrière le moindre buisson. C'est justement par là qu'entre en scène Tanya Roberts, dont la présence fait vaciller tout sens critique. Coscarelli, avec un mélange de grossièreté et de lucidité lui concocte une première apparition muette et topless, espionné par Dar. Las, même réduite à cela, le charme de l'actrice opère, et le simple spectacle de la lumière sur son visage, de son regard transparent procure une émotion fugace mais réelle. Il est des acteurs qui n'ont rien besoin de faire devant la caméra et dont l'image touche immédiatement. On appelle ça photogénie, dans Dar, ça se traduit par Tanya.


Tanya Roberts, circa 1982


Mis à part le corps de son actrice que Coscarelli laisse exposer sans le moindre tact, le film propose tout de même quelques images saisissantes et où on retrouve le sens du bizarre du cinéaste et qui n'est pas sans rappeler l'extraordinaire imagination dont Guillermo Del Toro a réussi à faire un des moteurs de ces films. 

Le maléfice que la sorcière projette sur la mère enceinte de Dar, qui nous montre l'enfant passant du ventre maternel à celui d'une vache accompagnant la sorcière est une idée incroyable transposée telle quelle à l'écran. On appréciera aussi beaucoup les mystérieux hommes vampires, statiques, qui attendent autour d'un arbre portant comme fruits d'étranges poches translucides et lumineuses, de pouvoir serrer dans leurs ailes flasques leurs victimes, réduites lentement à l'état de flaques visqueuses par l'étreinte. Des cruautés qui n'empêcheront pas les monstres d'aider le héros. Les décors, s'il sentent tous le déjà-vu bénéficient souvent d'une petit idée originale rendant le film agréable à regarder, mais fais surtout regretter que ce sens de la bizarrerie n'ait pas permis à Coscarelli de s'installer plus durablement dans le paysage cinématographique. Mais son imagination macabre, originale, distingue ses films, et Dar l'invincible aussi, du tout venant des innombrables exploitations de Conan.


Le film, qui penche constamment vers le second degré, propose tellement d'images idiotes- mais drôles- qu'il est impossible de l'apprécier autrement que comme une spécialité locale : le nanar d'héroïc-fantasy millésimé 1982. Les producteurs roublards pensaient sûrement toucher tous les publics en servant, d'un côté du nichon à l'air pour papa, de l'autre deux furets comiques pour fiston. C'est sûr, les files d'attentes allaient faire le tour du quartier, puisqu'on avait aussi prévu pour maman le musculeux Marc Singer, gloire télévisuelle qui se promène tout du long en slip et en marchant comme s'il avait passé les deux derniers jours sur une selle.

Ça n'a pas pris ? Mais comment est-ce possible ?


    Tanya peut tout jouer.





                                  

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