dimanche 10 mai 2020

28/31 : Simetierre (Pet Sematary) 2019





ça marche comment ?

En enterrant le mort dans un cimetière indien, non celui du titre, mais celui camouflé par celui du titre, qui ramène à la vie, ou plutôt à un semblant de vie, qui n’aime pas beaucoup les vivants. 

Bon, je dois le confesser, j’avais envie de me faire un film d’horreur, un film de genre, un vrai, un tatoué, et le roman de King m’a traumatisé dans ma jeunesse. J’ai déjà traité dans ces colonnes il y a quelques années du film de Mary Lambert dont celui-ci est un remake, comme l’on en fait en ce moment de tous les films d’horreur réalisés ces trente ou quarante dernières années. Dire de ce Simetierre cuvée 1989 qu’il était un film médiocre, c’était lui rendre justice, aussi j’imaginais dans ma grande naïveté que vingt ans plus tard, une nouvelle tentative serait peut-être couronnée d’une certaine réussite. Je n’ai pas relu le roman de King depuis mon adolescence, et sans doute ai-je gardé de cette histoire un souvenir un peu déformé, et probablement arrangé par le temps, mais c’est aussi un peu ce souvenir que ces versions mettent à l’épreuve, et le moins que l’on peut dire c’est que le compte n’y est pas. 

En fait, Simetierre au cinéma, ça ne marche pas. En tout cas pas si l’on se contente d’adapter pour le cinéma le roman de King, et encore moins si l’on refait le film qui était adapté du roman de King. Quand Kubrick réalise Shining, il trahit le roman, il suffit de lire la lamentable suite pour s’en convaincre, et en l’occurence admettre que Kubrick a extrait une substance en fait probablement absente du roman d’origine, quand De Palma transpose Carrie, il y met toute son ambivalence, son regard littéralement voyeur sur la jeunesse, quand Carpenter met en scène Christine, il le fait avec la hargne du maverick qui en veut au système de le confiner à ces adaptations de commande. 

Si Simetierre, au cinéma, ça ne marche pas, c’est qu’adapter King n’a pas de sens du point du vue du cinéma. Il raconte des histoires, et ça, il sait vraiment le faire, mais ces histoires ne font pas cinéma. Comment lui en vouloir ? Il est écrivain, pas cinéaste. Et le grand malentendu autour de lui, c’est bien de croire qu’un écrivain peut suffire à donner toute sa matière à un cinéaste. Ce Simetierre peut-être encore plus mauvais que celui de 1989 nous le prouve : Kevin Kölsch et Dennis Widmyer - oui, ils s’y sont mis à deux pour commettre ce truc - sont soumis à leur récit, mais ne parviennent jamais à fabrique de la forme. Ils nous racontent une histoire, déjà bien connue, et tellement mieux racontée par King, sans jamais parvenir à faire autre chose qu’à l’illustrer, et mal.

ça vaut le coup ? 

Évidemment, comme pour beaucoup d’autres remakes de classiques du genre ces dernières années, cela permet de recycler des histoires fameuses pour un public qui n’a pas vu les films d’origine. Ainsi va le système hollywoodien, et son besoin permanent de « ressusciter » les récits qui en valent la peine, mais reconnaissons aussi que c’était déjà le cas il y a trente ou quarante ans. The Thing est le remake d’un film des années 50’, La féline des années 40', je vous renvoie à nos explorations de l’année 1982, déjà riche de ces résurrections. Ce qui faisait alors la réussite du film de Carpenter, et en l’occurence l’échec du film de Schrader, c’était bien Carpenter et Schrader, l’un au sommet de la maitrise de son art, l’autre en plein égarement. 

Ici, nous retrouvons en fait tous les trucs des faiseurs d’Hollywood : le chat qui rentre brutalement dans le plan, les scènes d’horreurs à coup de sang qui gicle, l’effroi qui fonctionne principalement par la musique qui annonce tous les effets, dont les effets spéciaux, justes répugnants comme il faut, jusqu’au ridicule quand les scènes ajoutées par rapport à la version précédente en rajoute dans le grand guignol sérieux - oxymores ! - et la violence imbécile. 

La scène de « retour » la plus longue reste tout de même celle du chat, avec ses feulements rauques, ses regards patibulaires mais presque, ses poils en pétard et sa démarche chaloupée. Et pas moins de cinq « coucou, c’est moi », comme dans la version précédente... La méchanceté soudaine de ces ressuscités, d’abord celle du chat, puis celle de la fille de Louis, le père de famille un peu débordé par la situation, - pour le coup, dans le roman et le film de Lambert, c’était le fils qui revenait, changement de taille à peu près inexplicable sinon qu’il atténue encore la charge du roman...- n’a aucune force plastique, ni même ne provoque aucun malaise réel. 

Et puis il y a ces plans sur les plafonds, avec du bruit à l’étage... À croire que les deux réalisateurs en veulent vraiment à leurs voisins du dessus... Au fond, tout se passe avec ce genre de produit comme s’il cherchait à faire fond, et à effrayer en l’occurence, sur les peurs les plus communes voire les plus vulgaires du plus grand nombre. En effet, qui ne s’est pas un jour demandé ce qu’était ce bruit un peu inattendu dans la pièce, ou dans la rue, ou dans la maison d’à côté. Mais c’est tout de même un peu l’équivalent du talons-hauts-porte-jarretelles pour l’érotisme : un cliché dont la seule force n’est plus que le signe qu’il véhicule. Et dans le cas de Simetierre, c’est assez difficile de se sentir effrayé par des signes - même s’ils peuvent avoir un côté « train fantôme », convenons-en. 

c’était mieux avant ? 

Et bien pas vraiment, comme je le disais plus haut. Mais pourtant on pourrait attendre une version de cette histoire réalisée par un cinéaste qui parviendrait à lui donner ses formes plastiques : un Rob Zombie a réussi un remake d’Halloween qui rend justice au film de Carpenter, avec un propos et des motifs différents, Piranha 3D d’Aja à sa manière aussi, ou encore le modeste mais honnête The Crazies - dont je dois toujours finir (débuter) la chronique...

Là, pour se sortir de la pure reproduction, on a donc inversé le petit frère et la grande soeur, on a brodé sur le souvenir de Zelda, la soeur monstrueuse de la mère de famille, on en a rajouté sur Dieu et la culpabilité. Et tout ça se finit à coup de lattes dans la gueule, avec une bonne grosse baston entre la fille et le père, qui sur le point d’achever son rejeton ressuscité à coup de pelle, s’écroule tout à coup terrassé par sa femme elle aussi revenue d’entre les morts. En guise de dernier plan, on les voit tous les trois revenir vers la voiture où se trouve le dernier de la famille, avant que, coucou c’est lui, le chat ne surgisse une dernière fois sur le capot.

Tirons la chasse, encore une fois. Mais ne désespérons pas : peut-être un jour ce Simetierre finira-t-il pas tomber entre les mains d’un vrai cinéaste. Je me permettrai alors une troisième chronique sur cette histoire, grand naïf que je suis…

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