Akton vient au secours de Stella
Star et du prince Simon, malmenés par des hommes bêtes. Il brandit son épée
laser et bondit à l'assaut des agresseurs.
"je n'ai jamais voulu copier Star Wars", nous assure sans
ciller le bon Luigi Cozzi. Ce que prouve bien le plan retenu dans son film. Il
aurait été possible d'en choisir bien d'autres. D'ailleurs, d'une certaine
façon, et c'est la beauté de StarCrash, tout ses plans se valent. D'aucun disent
qu'ils ne valent pas grand chose, et économiquement parlant c'est vrai. La situation de
StarCrash en regard de Star Wars est pourtant plus compliqué que celle d'un
vulgaire plagiat, à l'image de ce plan.
Lorsqu'il conçoit son film, Luigi
Cozzi n'a pu encore voir celui de Lucas. Démarrant son film 6 mois avant la
sortie de celui de Lucas, l'italien doit se contenter du matériel promotionnel
disponible pour savoir à quoi le film ressemble, et surtout, de sa
novellisation, qu'il a achetée par hasard quelques semaines plus tôt dans une
libraire. Si l'anecdote est vraie, elle est une preuve supplémentaire de la
puissance d'attraction de Star Wars sur les fans de science-fiction de
l'époque, Cozzi se revendiquant depuis toujours comme tel.
Bien mieux que de copier Star
Wars, il s'agit pour Cozzi de "jouer à" Star Wars, exactement comme
nous pouvions le faire, enfant, avec nos figurines et jouets Kenner. Ce point
de départ totalement contingent- mettre sur le marché une version italienne du
film de Lucas le plus vite possible- va finalement donner à StarCrash son
charme et son énergie presque enfantine.
A l'image de ce plan: Cozzi a
bien repéré qu'il est question de sabres laser dans La guerre des étoiles, il
en sort donc un de son chapeau le temps d'une scène, sans doute parce qu'il
sent que pour jouer sérieusement à Star Wars, il en faut un !
Pour le reste, l'esthétique du
plan ne laisse planer aucun doute sur l'identité du film. Jamais Lucas n'aurait
osé un éclairage aussi brutal, ni une pose aussi iconique.
Pour l'attitude du personnage, on
peut d'ailleurs imaginer que Cozzi a été inspiré par les affiches du film de
Lucas, qui souvent contredisent son esthétique, comme la célèbre
affiche "A" accompagnant la sortie du film au cinéma.
Affiche "A" de 1977, illustrée par Tom Jung |
On y retrouve donc Luke prenant
la pose reprise par Akton dans le plan de Cozzi. Et une princesse Leia
agenouillée à ses pieds, dans une pose langoureuse, et avec des courbes aux
voluptés très lointaines de celles de Carrie Fisher, qui dans le rôle est bien
plus proche d'une Catherine Hepbrun à qui on n'en raconte pas que d'une
princesse à la Frazetta. Tom Jung avait d'ailleurs comme point d'horizon le
style de l'illustrateur italo-américain en composant son affiche. Une référence
sans doute chère à Cozzi, dont Stella Star l'héroïne sexy et volontaire, pourrait
prendre la pause sur le poster de Jung, mais n'a rien à voir avec les rares
personnages féminins de l'univers de Lucas.
Affiche allemande de StarCrash, calquée sur le poster A de Star Wars |
Quant à l'éclairage du plan,
contre jour maximal pour obtenir un effet de silhouette, il contredit
totalement la photographie "naturelle" voulue par Lucas, et n'a pas
peur de son artificialité: rien ne vient évidement justifier la présence d'une
source de lumière aussi puissante derrière le personnage. Sans aller jusqu'à
relier le travail ici peu subtil de Cozzi a celui de maîtres baroques comme
Bava ou Argento, on peut tout de même considérer qu'il appartient sans complexe
à l'école typiquement italienne des réalisateurs n'ayant pas peur des chromies
bariolées et des contrastes extrêmes.
Le décor est le dernier signe de
l'esthétique typique du cinéma italien de l'époque- qui a déjà un pied dans la
tombe. Cozzi, contrairement à beaucoup de ses collègues, tente de faire fi de
son budget misérable et ne se résigne pas, raisonnable, à ficeler une intrigue
en décor unique, moins gourmande pour le budget. Non, StarCrash, adoptant une
structure épisodique, passe d'un décor à l'autre à un train d'enfer.
Impossible, évidemment, de construire autant de lieux différents, d'autant plus
que l'italien, pour éviter les répétitions et renouveler l'intérêt, cherche les
décors les plus variés possible. Il est donc souvent contraint de filmer en
extérieur, et, on le devine, pas très loin des studios. Ici, l'éclairage sert
aussi , tout simplement, à donner un peu de cachet à ces grottes filmées telles
quelles.
Lucas plagie le plan de Cozzi dans Le retour du Jedi. Si, si. |
Ironie du sort, quand Le retour
du Jedi sort 4 ans plus tard, on y voit un plan très semblable à celui de
Cozzi. Respectant l'esthétique installé par les épisodes précédents, l'éclairage
est cette fois justifié par la situation: Le contraste entre la lumière
violente du désert de Tatooine et l'obscurité des couloirs du palais de Jabba.
Pas de sabre laser dans ce plan, mais c'est bien l'équivalent chez Lucas du
personnage d'Akton qui entre: le jedi Luke Skywalker. La situation est
d'ailleurs identique: Luke vient lui aussi sauver un couple d'amis, Leia et Han,
captifs dans un repaire souterrain.
A droite sur cette affiche de StarCrash, un Faucon Millenium... à l'envers ! |
On pourrait sourire de
l'analogie. On aurait tort. Au fond
qu'est-ce qui distingue Star Wars de StarCrash, une fois écarté la question,
accessoire d'un certain point de vue, des moyens financiers et techniques ? Les
inspirations et les aspirations des deux cinéastes sont les mêmes. L'un est
beaucoup moins bien entouré que l'autre, c'est sûr. Lucas sort d'un grand
succès, Cozzi est un inconnu. L'italien ne peut tourner que parce que le film
de l'américain existe. Mais tout cela est contingent. La sensibilité des deux
réalisateurs est identique. Le film de Cozzi, par son rythme, la générosité de
ses péripéties, sa fraicheur naïve a la même saveur que La guerre des étoiles. Tous
deux s'essayent à l'exercice difficile de la reprise. Pour Lucas, le serial
Flash Gordon, pour Cozzi les films truqués par Harryhausen. Mais il ne s'agit
là que de hiérarchie arbitraires. Il est évident que les goûts de l'un
rencontrent ceux des autres. Par exemple sur la qualité de Leigh Brackett, que
Cozzi considère comme la meilleure auteure de Space Opera, et qui se félicitera
de la savoir embauchée pour écrire l'Empire contre-attaque. Voilà seulement ce
qui sépare les deux cinéastes: celle que l'un ne peut qu'admirer, l'autre peut
l'employer. Et surtout, à un moment, l'américain a connu les grâces de
l'inspiration. Mais cela suffit-il à distinguer fondamentalement deux cinéastes
et deux projets ?
Tim Burton avait parfaitement
compris que le génie et le médiocre ne se distinguent guère que dans l'oeil du
spectateur, et que chez l'un comme chez l'autre peut se trouver la même pulsion
créatrice. Et d'inventer cette rencontre délicieuse entre Ed Wood et Orson
Welles. En lui empruntant le procédé, on pourrait imaginer Luigi Cozzi et
Georges Lucas, attablé dans un diner, rêver à leur futur film.
Georges: J'aimerai réussir à
avoir Brackett.
Luigi: Moi aussi. C'est la meilleure
!
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