Afin de convaincre industriels et
savants que le voyage sur la lune est possible, Jim Barnes, avionneur, et le
Général Thayer projettent un dessin-animé démontrant très pédagogiquement sur
quels principes physiques repose leur projet. Un plan du
cartoon montre Woody Woodpecker, astronaute à son corps défendant, redescendre
de sa fusée soulagé de retrouver la terre. Et épaté d'avoir réussi l'aller
retour sur la lune, dont il avait parié sur l'échec.
Laïka n'a pas été le premier être
vivant dans l'espace, et par la grâce de la fiction, les Etats-Unis n'ont pas
perdu la première bataille de la guerre- froide- des étoiles. La chienne
soviétique Laïka a été
précédée, 7 ans avant, d'un célèbre pic-vert américain, Woody Woodpecker !
Un dessin-animé coloré, aux traits stylisés,
au héros aimé de tous, et aux arguments scientifiques simplifiés... Tout
rappelle le registre du film de propagande. Et c'est bien de cela qu'il s'agit.
L'aller-retour vers l'espace ? Pari tenu ! Avec une légèreté et une
décontraction dont seuls sont capables les true american heroes, Woody s'est
laissé embarquer pour l'espace. Vêtu d'une superbe combinaison verte il redescend
de sa fusée surtout étonné d'avoir à lâcher les 2 dollars de son pari perdu.
L'oiseau n'aurait jamais cru le voyage dans l'espace possible.
Représentant parfait de l'américain
lambda, Woody n'y aurait jamais crû, mais était prêt à y croire. Contrairement
à Robert Heinlein, qui y croit depuis le début. C'est le célèbre auteur de
Starship Troopers et de l'Histoire du futur. Portant le projet à bout de bras,
l'écrivain s'installe à Hollywood pour garder le meilleur contrôle sur le projet.
L'auteur travaille de concert, semble-t-il, au roman inaugural de son Histoire
du futur , L'homme qui vendit la lune[1],
dont l'argument est très proche de celui du film de Pichel, et les
problématiques identiques. Qu'on en juge par cet extrait:
" Par conséquent... je propose
que nous construisions une fusée interplanétaire et que nous l'envoyions sur la
Lune ! "
Dixon rompit le silence. " Delos, vous déraillez ! Vous venez de dire que ce n'était plus possible. Maintenant, vous parlez de construire une fusée."
Dixon rompit le silence. " Delos, vous déraillez ! Vous venez de dire que ce n'était plus possible. Maintenant, vous parlez de construire une fusée."
Car pour Heinlein, l'enjeu dépasse
largement celui du cinéma. On connaît le patriotisme militariste de l'auteur- à l'époque en tous cas- et
il s'exprime ici par la bouche du Général Thayer, conscient que ses mécènes
éventuels n'ont pas été convaincus par Woody. La lune, prévient le militaire,
ne restera pas longtemps le satellite pacifique et inhabité qui éclaire les
nuits des terriens. Le premier à installer une base là-bas gagnera une guerre
qui cessera d'être froide sitôt les lance-missiles soviétiques déplacés là-haut .
Or, Heinlein est convaincu de la
faisabilité scientifique du voyage, le plus grand obstacle, dans le livre comme
le film, étonnamment, demeure l'incrédulité des décideurs. A commencer, donc
par le peuple américain, maillon essentiel de la nation qui aime se voir comme
la plus grande démocratie du monde. De San-Francisco à Dallas, du New Jersey à
la Floride il faut convaincre le spectateur des drive-ins et des doubles
programmes de l'importance vitale d'un projet spatial américaine.
Avec un poil (enfin... une plume !) de
démagogie, c'est donc au film dans le film qu'est confiée cette tâche. Et c'est
donc plus sur le sens du défi, sur le mode "chiche ou pas chiche", que Woody est
invité à tenter le coup, plutôt qu'en faisant appel à l'ambition et la
curiosité scientifiques du pic-vert et de ses concitoyens spectateurs
qu'Heinlein vend son idée. Ajouter à cela la pointe d'humour inhérente au
cartoon, et la force d'une "démonstration" accessible à tous, et il
est difficile de dire que les auteurs du film manquent d'adresse réthorique. La
conquête de l'espace ? Un pari ludique plus qu'une aventure scientifique !
L'esthétique du dessin-animé marque
d'ailleurs le film bien au -delà de ce plan, et signale ses limites. A l'image
de Woody glissant le long de l'échelle de la fusée- réalisé, comme on le sait,
en posant une série de feuille transparentes décomposant le mouvement sur le
décor immobile sous la caméra, la mise en scène de Pichel semble incapable de
sortir d'une vision en deux dimensions. Problématique lorsqu'il
s'agit de figurer un voyage à travers l'espace.
Les décors sur la lune sont des paysages peints, sur la fusée et à l'intérieur, les personnages se déplacent presque toujours latéralement. La navette elle même, toujours présenter sous le même angle effectue toujours à l'écran des rotations en cercle, jamais dans une sphère.Les astronautes son revêtus de combinaisons aux couleurs pimpantes: vert, rouge, jaune, bleu... et s'en amusent d'ailleurs.
Les décors sur la lune sont des paysages peints, sur la fusée et à l'intérieur, les personnages se déplacent presque toujours latéralement. La navette elle même, toujours présenter sous le même angle effectue toujours à l'écran des rotations en cercle, jamais dans une sphère.Les astronautes son revêtus de combinaisons aux couleurs pimpantes: vert, rouge, jaune, bleu... et s'en amusent d'ailleurs.
Toujours à la manière d'un dessin-animé,
la fusée va glisser sur la surface étoilée du vide spatial,
étoiles elle-même immobiles car, comme l'explique un personnage, sans point de
repaire ni air pour créer une résistance, l'extrême vélocité de la navette
passe à l'image pour de l'immobilité. Peut-être, mais il semble surtout qu'il y
a là une incapacité du metteur en scène à trouver les moyens plastiques
adéquats.
Réalisée par
Walter Lang, auteur attitré de Woody Woodpecker, la séquence animée va en fait
fournir au film son régime esthétique, repris tel quel par un Irvin Pichel
évidemment réduit au rang de simple exécutant.
Au fond, les perspectives esthétiques
spontanément choisies pour la mise en image du scénario trahissent la précocité
des idées de Heinlein, et l'incapacité des destinataires du message, devant
comme derrière la caméra à l'envisager vraiment. Pas étonnant, dès lors, de
comprendre le peu d'écho du film de Pichel ailleurs que dans la sphère du
divertissement, et les huit années qui séparent encore sa sortie de la création
de la NASA. Toujours prêts à parier, les américains, oui, mais encore faut-il
savoir sur quoi on mise !
[1] Il ne
s'agit pas, néanmoins, du roman sur lequel est officiellement basé le film.
Celui-ci a été inspiré par Rocket Ship Galiléo, même si l'intrigue, en fait,
est plus proche de celle de L'homme qui vendit la lune.
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