Luke Skywalker et Leia poursuivent en motojet des troupes de choc de l'Empire qui risquent de donner l'alerte et de ruiner leur projet d'attaque sur le générateur de bouclier de l'Etoile Noire.
Chef de Gare: Je pense que comme moi, lorsque tu as découvert ce plan, ta mâchoire en est tombée. En fait, elle a dû tomber dès le début de cette poursuit devenue emblématique. D'ailleurs, parmi les plans subjectifs il y a des plans avec l'avant du fonceur, des plans sans, et ce plan "cerise sur le gâteau" où l'on voit l'avant du speeder avec les blasters qui tirent.
Matthias : En fait, c'est tout de même le film de la série dont je connaissais le plus d'images avant de l'avoir vu. Toutefois, ce dont je me souviens vraiment, c'est l'attente qui à l'époque m'avait semblé interminable !, avant d'avoir accès dans mon vidéoclub préféré à la fameuse cassette, multi-réservée avant même sa sortie par tout un tas de fans... Pour compenser cette impatience, et en vu du moment, deux jours plus tard, où j'aurai à rendre le précieux sésame, j'ai du regarder ce film près d'une dizaine de fois - en boucle ! Cette anecdote raconte tout de même quelque chose d'une autre époque, le siècle précédent, où pour voir un film que l'on désirait ardemment, il fallait s'en remettre à des intermédiaires aujourd'hui tout à fait disparus...
Chef de Gare: Tu ne m'avais jamais raconté ça ! Figure-toi que moi, c'est carrément le magnétoscope que j'avais loué avec la cassette. A l'époque on n'en avait pas à la maison. Le film, je n'ai pas dû le voir autant que toi cette fois-là, seulement 3 ou 4 en un week-end, il fallait partager avec ma sœur, dont c'était l'anniversaire, qui avait pris La belle au bois dormant, des studios Disney. Celui-là aussi m'avait beaucoup plu ! Bref, on peut tirer de ses souvenirs quelque chose de fondamental dans notre rapport aux films: on les rêvait beaucoup, par la force des choses, avant de les voir enfin.
Chef de Gare: Je pense que comme moi, lorsque tu as découvert ce plan, ta mâchoire en est tombée. En fait, elle a dû tomber dès le début de cette poursuit devenue emblématique. D'ailleurs, parmi les plans subjectifs il y a des plans avec l'avant du fonceur, des plans sans, et ce plan "cerise sur le gâteau" où l'on voit l'avant du speeder avec les blasters qui tirent.
Matthias : En fait, c'est tout de même le film de la série dont je connaissais le plus d'images avant de l'avoir vu. Toutefois, ce dont je me souviens vraiment, c'est l'attente qui à l'époque m'avait semblé interminable !, avant d'avoir accès dans mon vidéoclub préféré à la fameuse cassette, multi-réservée avant même sa sortie par tout un tas de fans... Pour compenser cette impatience, et en vu du moment, deux jours plus tard, où j'aurai à rendre le précieux sésame, j'ai du regarder ce film près d'une dizaine de fois - en boucle ! Cette anecdote raconte tout de même quelque chose d'une autre époque, le siècle précédent, où pour voir un film que l'on désirait ardemment, il fallait s'en remettre à des intermédiaires aujourd'hui tout à fait disparus...
Chef de Gare: Tu ne m'avais jamais raconté ça ! Figure-toi que moi, c'est carrément le magnétoscope que j'avais loué avec la cassette. A l'époque on n'en avait pas à la maison. Le film, je n'ai pas dû le voir autant que toi cette fois-là, seulement 3 ou 4 en un week-end, il fallait partager avec ma sœur, dont c'était l'anniversaire, qui avait pris La belle au bois dormant, des studios Disney. Celui-là aussi m'avait beaucoup plu ! Bref, on peut tirer de ses souvenirs quelque chose de fondamental dans notre rapport aux films: on les rêvait beaucoup, par la force des choses, avant de les voir enfin.
Matthias
: Pour rester dans le registre vintage, c'est en tout cas le seul des trois que
j'ai vu lors de sa première vision en couleurs ! C'est te dire que je ne
suis plus si jeune...
Chef de
Gare : ... moi non plus: la première fois que j'ai vu La guerre des étoiles
c'est sur un télé en noir et blanc ! Ce qui a un certain sens, cela-dit !
Un des
problèmes du Retour du Jedi, il me semble, c'est que d'une certaine façon c'est
un film en avance sur son temps dans son découpage de séquences: l'intrigue
dramatique est traitée d'une part, sur un registre presque soap-opera. Je pense
par exemple à la scène sur le pont, où Luke et Leia échange des secrets rendant
Han jaloux. C'est filmé comme un soap-opera: les personnages font face au
spectateur alors qu'ils se parlent, les sorties/entrée de champ dépendent des
apartés. Il y a très peu de moments ou l'action a une valeur dramatique et
narrative réelle. A chaque fois qu'il faut faire "avancer
l'histoire", on fait une pause. Et d'un autre côté, il y a des scènes,
voire des plans- comme celui que j'ai choisi- qui relèvent de l'attraction
foraine, qui n'ont d'autres buts que de donner un gros shoot d'adrénaline au
spectateur- sans presque aucune tension dramatique. Imagine la force de ce plan
si c'était ce moment là que Luke choisis pour révéler à Leia qu'il est son
frère ! ç'aurait été bien plus logique, d'ailleurs: après tout, il ne sait pas
s'ils vont survivre...
Matthias :
Là où je te rejoins, c'est que ce caractère intempestif du film retrouve
quelque chose d'une forme du serial, dont toute la saga est issue tout de même,
mais que l'on retrouve aujourd'hui également dans la série-télé. Le Retour du
Jedi, avec ses séquences très marquées - Tatoïne et Jabba, Endor et les Ewoks,
l'Etoile de la mort et l'Empereur, les différentes batailles, dont celle
mentionnée dans le plan que tu as choisi - tout cela relève aussi d'une syntaxe
du récit en images qui relève d'un "séquençage" très feuilletonesque.
Ta remarque sur le côté soap-opéra des échanges entre les personnages, mais
aussi les différents registres, dont les collisions parfois génèrent ce ton que
l'on trouve désormais courant dans les récits télévisés - "érotisme"
malsain chez Jabba, farce grotesque chez les Ewoks, métaphysique ténébreuse
chez Luke et Vador, par exemple. Il est probable d'une certaine façon que Lucas
avait déjà en tête le "devenir autre" de sa saga au moment où il
fabriquait ce Retour du Jedi. Mais après tout, cette attente sans cesse
renouvelée, participait déjà, je me souviens, de l'immense enthousiasme qu'a
provoqué chez nous la découverte dans cet univers dont on ne doutait pas qu'il
débordait des limites de ces trois films.
Chef de
Gare: en fait, je ne pensais pas tellement à la structure épisodique, mais
vraiment à la façon de séparer d'une manière très didactique les scènes
d'action, qui sont des péripéties, et les scènes dramatiques qui font avancer
l'intrigue. J'ai l'impression qu'il y a là une manière délibérée de Lucas de
prendre en compte le public du film, qu'il s'imagine très jeune. Aujourd'hui,
je crois qu'à la télé, par exemple, puisque tu en parles, et même si ça ne m’intéresse pas du tout, on est devenu plus hardi, en terme de narration. Au
cinéma, par contre... On a quelqu'un comme Nolan, qui est capable de
formidables idées de mise en scène, et qui va systématiquement te coller
derrière une scène dialoguée, avec des personnages qui bougent à peine, et qui
t'expliquent ce que tu as déjà compris. J'ai horreur de ça.
Matthias : Mais je crois justement
que ce type de découpage a quelque chose de très télévisuel. La péripétie est
foncièrement ce qui fait la série télé. Imagine ramener à son strict récit
telle série, et tu verras qu'un heure et demi y suffit le plus souvent amplement.
Cette autre manière de découper pour différents publics plusieurs séquences, je
pense aussi que cela relève de cette grammaire - et contrairement à toi, je
pense que Le Retour du Jedi, suivant ces différentes séquences, s'adresse
vraiment à des publics un peu différents. La présence de l'érotisme avec le
costume de Leïa dans la première partie du film est par exemple tout à fait
surprenante, et complètement absente du reste de la série - tandis que le film,
je m'en souviens donc, à travers les quelques images vues avant d'avoir vu le
film, s'est trouvé assez largement vendu sur celle-ci.
Chef de gare : Pour moi c'est une imagerie qui
a complètement échappé à Lucas. D'ailleurs, tu parles d'érotisme, mais ça, ça a
été dans nos têtes: les personnages font comme si de rien n'était en voyant
Leia. Bizarre, quand même, que Solo ne lui fasse pas une petite remarque, non ?
Et la seule créature en relation érotique avec Leia dans son costume, c'est
Jabba ! Pas vraiment une vision très solaire ni joyeuse de la sexualité. Et Leia,
quand elle est habillée pour Solo, elle est en bidasse ou en Maid Marian
!
Matthias : C'est tout à fait vrai ce
que tu dis, et ça en dit sûrement long sur le père Lucas... Néanmoins, ses
conseillers en marketing avaient un peu mieux compris que lui la capacité de
vente de Leïa, dont la figure érotique est demeurée jusqu'à aujourd'hui tout de
même... Leïa, c'est autre chose que Padme quand même !
Chef de Gare : oui, mais ce sont les
fans qui se sont approprié ça. Est-ce qu'il y a eu une figurine de Slave Leia ?
pas avant 1998 ! Maintenant il n'y a pas une convention de BD ou de films sans son concours
de fans déguisées avec le costume d'esclave. Je trouve ça très joyeux.
C'est un des rares moments où Star Wars nous a sorti de l'enfance !
Matthias : Et cette
"figure" est aussi probablement
l'esthétique contrepoint à la silhouette noire et pour le moins austère
d'un Luke devenu vraiment très sérieux...
Matthias : Au sujet du plan que tu a
choisi, il me semble important de souligner qu'il se construit sur une forme
d'anti-thèse de ce que la série nous avait présenté jusqu'à présent. Les
moto-jets sont comme des vaisseaux spatiaux, mais que l'on utilise, en dépit du
bon sens !, dans un environnement forestier ! Nous sommes loin des espaces
intersidéraux : le "drame" de la course-poursuite relève cette fois
d'un trop-plein, qui pourrait rendre illisible l'action en elle-même. Ce n'est
pas le cas, magie de la mise en scène et des effets spéciaux. Cette scène à
l'indéniable force d'un train fantôme, m'apparait aussi comme l'une des
premières occurrences d'un des phénomènes cinématographiques majeurs de ces
dernières décennies : le motif que l'on a déjà décrit sous la forme de
l'immersion. Il est évident que le "devenir autre" que j'évoquais
tout à l'heure n'est pas pour rien dans cette nouvelle manière de nous
"plonger" dans l'action : en 1984, le jeu vidéo commençait à émerger
- et le destin de Star Wars, depuis son origine, est bien celui de devenir
jouet, de plastique ou de pixel.
Encore un petit mot, au sujet du
moment où se déroule cette course-poursuite. On en avait déjà parlé pour
L'Empire contre-attaque, mais je crois que c'est vrai aussi du Retour du Jedi -
et pour cause, cela rejoint aussi ce que l'on vient de se raconter au sujet du
"séquençage" de la série : chaque péripétie est d'abord l'occasion de
séparer les trois personnages principaux de l'histoire. On le découvrira lors
du dernier tiers du film, Luke et Leïa sont frères et soeurs - et même jumeaux
- et on peut supposer que Leïa et Han vont devenir mari et femme - aussi ces
trois-là au fond ne forment-ils qu'une seule et même famille. Et sont traités
d'égale importance durant toute la série : Leïa ouvre le récit, Luke est
central bien sûr, et Han incarne le contrepoint essentiel aux deux autres. Et
ils ne cessent de se perdre et de tenter de se retrouver. Et ceci est
particulièrement vrai dans cette scène de poursuite à moto-jets. Et c'est là
qu'on peut peut-être un peu se contredire : l'action, la péripétie, si elle
n'est pas l'explicitation du récit, tout au moins le fait avancer, en
permettant ces constantes séparations. Quelque chose d'assez universel après
tout...
Chef de Gare : Tu parlais tout à
l'heure de la volonté avec ce plan de nous immerger le plus possible dans
l'action, c'est évidemment pour ça que je l'ai choisi : Lucas, Marquand, Dennis
Murren nous placent carrément sur le siège, à la place de Luke. Impossible de
ne pas songer, forcément, que plus que le cinéma, c'est le jeu vidéo qui va
hériter de cette approche narrative.
Matthias : Tu évoquais, le
premier week-end du mois, du motif de la propulsion comme essentiel dans la
trilogie. C'est à la fois le cas comme motif plastique, et dans Le Retour du
Jedi, avec cette course de moto-jets, on en a l'aboutissement. Mais c'est aussi
le cas du point de vue du récit. Le fait que les personnages soient toujours
soumis à des forces contraires, qui les font s'éloigner les uns des autres,
relève du principe même de la réaction qui génère la propulsion comme force :
au fond dans Star Wars, on ne cesse de dépenser de l'énergie pour en revenir
toujours au même point. Ainsi de la destruction de cette seconde Etoile de la mort,
dont on pourrait ricaner tout de même, l'Empire de Palpatine a de la suite dans
les idées, et de l'argent à dépenser en pure perte ! Ainsi également de ce
combat entre Vador et Luke, seconde occurrence...
Chef de Gare : au passage, on se
demande quand même ce que foutaient les ouvriers et les ingénieurs de la première étoile noire. Ils ont mis 20 ans à la finir,
et la deuxième, elle, est opérationnelle au bout de quoi... un an ou deux ?
Matthias : Je suis sûr qu'il
y en aura une nouvelle dans l'épisode VII... et qu'elle finira aussi en fumée.
(comme ça il sera toujours possible d'en construire une quatrième !)
Chef de Gare : Mmmh. Très intéressant. Tu veux dire qu'en voyant comme moteur du déploiement narratif de Star Wars cette dépense d'énergie en pure perte, on arriverait presque faire de Lucas un pur héritier du cinéma des années 70's ? C'est peut-être ainsi, aussi, qu'il faut interpréter le fameux épilogue des Aventuriers de l'Arche perdue ?
Matthias : Star Wars, c'est la famille
d'American Graffiti, mais en crise, et à l'échelle de la galaxie. Mais à la
fin, tout va bien, ils sont réunis - et toute cette histoire aurait aussi bien
pu n'avoir jamais eu lieu. C'est bien de la dépense d'énergie que l'on a regardé -
mais celle-ci n'est pas tout à fait en pure perte : lutter contre l'entropie,
c'est toujours dépenser de l'énergie en pure perte...
Tu fais plutôt référence au
prologue des Aventuriers, non ?
Chef de Gare : non je parlais bien
de l'épilogue : Indy a risqué sa vie pendant 2 heures pour que l'Arche
finisse dans une boîte anonyme. Mais ça marche aussi avec le prologue, c'est
vrai !
Matthias : Lucas, donc comme
l'expression extrême de ce cinéma américain des années 70' ! Très bonne
conclusion !
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