Soyons francs: la thématique de cette année a été inspirée par l'envie de participer à notre façon au retour sur le grand écran du plus beau des space-operas, des héros du Retour du Jedi, et au passage de flambeau, 30 ans plus tard, à une nouvelle génération, avec la sortie prochaine de Le Réveil de la Force. Il était donc indispensable de visiter le film d'Abrams, en prêtant le flan, une fois n'est pas coutume, à la communication tentaculaire autour d'un blockbuster dont nous ne savons, pour l'heure, presque rien. Ce qui ne nous empêchera pas d'en dire beaucoup ! D'autant plus que s'est joint à la conversation l'indispensable demi-geek Lee Van Cleef, pour son featuring annuel dans la locomotive. A évènement exceptionnel, discussion inhabituelle: nous analysons aujourd'hui, en extrapolant avec bonheur, un plan de bande-annonce, la dernière avant la sortie du film de JJ Abrams le 16 décembre.
Chef de
Gare: A l'échelle de l'amateur de Star Wars, mais même
à celle de simple cinéphile, on se prépare à
un moment historique avec la sortie prochaine du Réveil
de la Force, qui est, malheureusement un évènement avant tout économique:
on va voir ce que Disney va faire de la marque fondée par
George Lucas, que beaucoup d'analystes financiers spécialistes
de la chose Hollywoodienne jugent sous-exploitée ! ça promet ! Avant qu'on l'oublie complètement
sous le torrent de nouveaux produits, j'avais envie qu'on se rappelle d'abord
du commencement, et de nos commencements à nous dans la galaxie lointaine, très
lointaine. Voilà: quel a été
votre premier contact avec Star Wars, qu'est ce que ça représente
pour vous aujourd'hui ?
Lee Van Cleef: Voilà bien le sujet geek par excellence !
Celui dont les légions de zélateurs,
sans cesse réapprovisionnées en
sang neuf, débattront encore avec fièvre
dans les siècles des siècles. Un adage populaire veut qu'on
entre dans la galaxie Star Wars comme d'autres entreraient en religion ; en témoignent
ces surprenantes images de fans extatiques, massés devant les cinémas
lors de la sortie de la seconde trilogie, qui se fendaient de génuflexions
révérencieuses avant de s'engouffrer à
l'intérieur
des salles obscures... ou devrait-on dire du Saint des saints. Mes deux
compagnons de palabre sont-ils faits de cet étrange bois ? Dans mon cas, si passion
et engouement il y a bel et bien (eu) à l'égard du mythe, ils ne m'ont jamais
porté jusqu'à ce paroxysme nirvanesque grâce
auquel le rusé Lucas, peut-être un
jour cinéaste inspiré,
mais marchand de jouets assurément génial, a bâti son
empire. Je ne veux pas être de mauvaise foi : en tant que béophile
patenté, je ne remercierai jamais assez L'Empire Contre-Attaque
pour m'avoir fait succomber, davantage que n'importe quel autre titre, à
la triomphale féérie à
l'œuvre sous la baguette de John Williams. Et c'est également
ce même film qui a donné au space opera ce qui demeure, à
mes yeux, son indépassable monument. N'empêche, à l'orée du nouveau millénaire,
mon intérêt pour la saga des étoiles
avait déjà sévèrement flanché. Ce
qui explique sans doute que je n'ai guère éprouvé le désir de rejoindre la foule des mécontents
de la "prélogie", attendant tous de précipiter
l'oncle George dans les entrailles sans fond du Grand Sarlacc pour lui faire
expier son crime blasphématoire.
Chef de
Gare: Pour ma part, on ne saurait plus appartenir à la génération
Star Wars: je suis né l'année du premier film. Et mon entrée
dans l'univers de Lucas, très symboliquement, s'est faite par...
ses produits dérivés. Je me souviens avoir contemplé
à l'occasion des rituelles courses hebdomadaires les
rayonnages remplis de figurines du Retour du Jedi. Je ne savais rien du film,
et pourtant mon imagination a été immédiatement conquise et enflammée
par l'univers suggéré par le jouet lui-même,
l'emballage avec la photo du personnage et pas un dessin comme sur les boîtes
de jouets que j'avais habituellement. J'avais une folle envie de voir le film,
mais ce n'étais absolument pas négociable. Alors j'ai imaginé
mon propre film... J'ai retrouvé tout récemment des bandes-dessinées
que j'ai réalisées, avec ces personnages aperçus
aux Nouvelles Galeries- le garde rouge de l'Empereur est une
"princesse", un des Quarren peuplant la cour de Jabba devient
"le professeur". J'étais complètement à côté de la plaque, mais j'étais à fond dedans !
L'imagination du Chef de Gare, marquée à jamais, en 1983, par la vision des figurines articulées du Retour du Jedi. |
Si j'ai
bien compris, pour toi Lee, tout a commencé par la musique ? Est-ce que tu as écouté
le disque d'abord, ou as-tu vu le film en salles à l'époque ?
Lee Van Cleef : C'est d'abord et avant tout par
l'intermédiaire d'un modeste écran cathodique (seules les controversées
Editions Spéciales m'ont permis de redécouvrir les "vieux " Star
Wars dans une salle de cinéma) que j'ai fait l'expérience,
ô combien mémorable, des musiques de Williams.
Depuis ce temps, la conviction m'est restée chevillé au corps que sans l'obole du grand
Johnny, toute cette extravagante histoire de conflits spatiaux et de chevaliers
aux pouvoirs surhumains, ces kyrielles d'effets spéciaux
qui ont parfois contraint les bons génies d'ILM à tâtonner
en aveugles, n'auraient tout simplement jamais pu tenir debout. Il a toujours
fallu un peu de la fameuse "suspension d'incrédulité",
nécessaire même aux univers fantastiques les plus élaborés,
pour que le spectateur (adulte surtout, mais pas que) accepte de museler
provisoirement son inclination au rationalisme à tout crin. Dans Star Wars, ladite
suspension est obligeamment fournie par l'intarissable richesse de partitions échevelées,
qui n'ont besoin que de quelques notes fabuleusement évocatrices
pour aussitôt nous projeter ailleurs, dans une galaxie lointaine.
Chef de
Gare: J'ai l'impression que pour moi, c'est presque le contraire.
Quand j'ai écouté les musiques de Williams sur disque,
c'était d'abord pour en retrouver les images, le refaire le
film dans la tête, tout simplement parce que c'est ce
qui en était le plus proche parmi les supports qui m'étaient
alors accessibles. Mais il m'a fallu encore quelques années
avant d'apprécier la musique pour elle-même,
notamment tout ce qui sort du travail purement thématique. Oui, ce sont les images de la
guerre des étoiles qui m'ont fait aimer la musique de Williams. C'est
quand même un compositeur assez cérébral. Je trouve l'émotion
dans sa musique assez fabriquée, assez froide. Et c'est toujours un
peu le cas: la liste de Schindler, par exemple, je ne supporte pas ça.
L'émerveillement que tu évoques, je l'ai vécu
avec Conan le Barbare, de Polédouris.
Lee Van
Cleef: Luke s'abandonnant à la frustration et à
la mélancolie dans les lueurs pourpres jetées par
l'étrange crépuscule
de Tatooine, le Faucon Millénium fonçant à toute berzingue au coeur d'un champ
d'astéroïdes, le père
et le fils engagés dans un combat mortel sous l'oeil
torve de l'Empereur... Puissamment graphiques, au point d'avoir marqué
l'inconscient collectif au fer rouge, ces images ne peuvent s'inviter dans mon
esprit sans que n'éclate à leur suite la voix tonitruante du
London Symphony Orchestra.
Ce ne
doit pas être le cas de tous les aficionados de Star Wars : intenables
après avoir découvert le trailer final de l'Episode
VII, où les plus fameux thèmes de
la saga sont fagotés comme l'as de pique, nombre d'entre
eux ont trouvé le moyen de confondre la touche
magique "williamsienne" avec les orchestrations barbouillées
au pistolet à peinture de l'illustre inconnu
Frederick Lloyd. Le lascar vient tout juste de se déclarer
enchanté de l'aventure. On espère de tout coeur que ses bricolages au
petit bonheur la chance n'augurent pas pour John Williams, le dernier vrai détenteur
de la Force, un virage (en) catastrophe vers la modernité
hollywoodienne.
Matthias
: Je ne dirais pas que s'est ouvert avec La Guerre des étoiles
mon monde de l'imaginaire à l'écran. Il est sûr que
le cinéma, à partir de cette première
vision de La Guerre des étoiles, est devenu "central"
dans ma vie, mais ces univers, notamment science-fictionnels, ont préexisté
dans un rapport ambivalent au cinéma : avec la BD tout d'abord, avec
Tintin et On a marché sur la Lune, mais aussi avec le
dessin-animé et Le Roi et l'oiseau, sa cité-monde et son robot géant,
ou encore - et peut-être surtout ! - avec Jules Verne, à
l'écrit dans des versions pour enfant, et donc à
l'écran avec le 20.000 lieux sous les mers déjà
évoqué cette semaine, et produit par Disney.
D'une
certaine façon, pour moi également la boucle est bouclée
: je retrouve quelque chose de l'enfance avec ce nouvel avatar d'une
"saga" produite à l'origine par d'autres que celui qui
s'en est emparés, pour notre plus grand bonheur
d'enfants éternels : le géant Disney. Il est d'ailleurs assez éloquent
que c'est par ce passage au studio à la souris que Star Wars - peut-être
? - va revenir dans le giron de ceux qui l'ont découvert par sa première
trilogie, contre son créateur, vis-à-vis
duquel je fais partie de ceux qui l'auraient bien précipité
dans les griffes du Rancor avant de laisser sa dépouille être digérée pendant mille ans dans la gueule de Sarlac
!
Le Retour du Jedi, tel qu'imaginé par le Chef de Gare, n'en connaissant alors que les jouets. (1983) |
Il y a
quelque chose d'un peu terrible d'ailleurs dans cette déception
de la seconde trilogie - la fameuse "prélogie" - car elle est venue oblitérer
l'amour que je portais à la première. Le
temps passant, et mon intérêt pour les mondes imaginaires se
maintenant plus que jamais, je reviens vers cette Guerre des étoiles,
qui m'a fournie une expérience de spectateurs, à
l'époque, comme je crois jamais retrouvée
depuis : en termes d'immersion, la séquence finale d'attaque de l'étoile
noire, vue pourtant sur un téléviseur
noir et blanc dont la diagonale ne devait pas dépasser les quarante centimètres,
reste une entrée de plain-pied dans ce que le cinéma
peut nous offrir de plus fort quand il nous plonge dans une histoire. Le Chef
de gare évoquait le motif de la propulsion comme essentiel dans
l'univers de Star Wars, pour ma part, je crois bien que c'est par là
que je suis entré définitivement dans la saga. La Force,
Yoda, la question du père, tout ce qui structure le récit
à partir de L'Empire contre-attaque n'est arrivé
que plus tard, quand j'avais acquis quelques années de plus...
En tout cas, je ne me sens vraiment pas geek, comme l'on
dit - et même
si je suppose que ce sobriquet, ce sont les autres qui vous l'accolent... Mais,
tout de même
le "délire"
autour de cette saga ne touche en rien ce que j'ai pu y investir d'intime. Il y
a d'autres oeuvres avec lesquelles je pourrais entretenir ce même rapport, et qui sont
beaucoup moins populaires, et vis-à-vis
desquelles il ne viendrait à
l'esprit de personne de considérer
cette passion comme "geek" - terme avant tout marketing, ne
l'oublions pas ! Mais j'y reviendrai avant
la fin du mois...
Chef de Gare: Tu évoques
ce qui a fait, je crois, toute la valeur pour nous du compagnonnage entretenu
avec Star Wars pendant 30 ans: pour ma part, j'ai revisité
sans cesse cet univers- principalement les films- sans cesser d'y trouver
toujours de nouvelles perspectives. Ce n'est pas (seulement) par nostalgie. Ce
qui me touche aujourd'hui n'est pas ce qui m'intéressait à huit ou dix ans. Les films, surtout
l'Empire contre attaque, effectivement, n'ont fait qu'augmenter en valeur avec
la maturation de ma cinéphilie et l'affinement de mon jugement
esthétique. Je crois que c'est cela que j'attends de ce nouveau
film: qu'il s'adresse non pas à l'enfant en moi, mais bien à
l'adulte que je suis devenu, aujourd'hui et maintenant. Il y a ici l'occasion
de faire un film sur cette génération qui est la nôtre,
et qui pour une part est restée fidèle à des coups de foudres vécus
à 8 ou 10 ans ! Abrams
est-il capable de faire ce film ? Si oui, le laissera-t-on le faire ? C'est un cinéaste
spectateur. De ces réalisateurs qui disent vouloir faire
les films qu'ils aimeraient voir. Et lui, en général, c'est un film réalisé
par Steven Spielberg... il y a 30 ans. Abrams n'a qu'une envie, c'est réaliser
son film comme si on était en 85, mais avec des effets spéciaux
de 2015. La question qui se pose à lui c'est donc: renouveler en imitant
est-il possible ?
Le plan que j'ai retenu apporte des
pistes de réponses: d'abord dans sa mise en scène: ce
"traveling" porté, suivant un personnage, puis un autre
qu'il rencontre, est un mouvement assez sophistiqué, mais
c'est surtout un plan "à la Spielberg": des Aventuriers
de l'Arche Perdue à La Guerre des Mondes, les films de
Steven Spielberg sont pleins de ce genre de plans. Ensuite, il y a ce qu'on
nous montre, et qui est une reprise de plans vus dans La guerre des étoiles:
on a l'impression de voir Han encourager Luke avant la bataille de Yavin, on
sent entre les personnages le même genre de différent,
le décor est le même, de même que l'énergie
qui traverse le plan: de toute évidence, on se prépare
à la bataille. Voilà pour l'imitation.
Matthias : Tu as raison d'évoquer le Spielberg de 1985, avec sa virtuosité à la steadycam, qui a
vraiment renouvelé
la grammaire de la mise en scène.
Toutefois, il me semble aussi, et parce que je prête quelque crédit
à Abrams, qu'il
s'agit bien là
d'un plan où
l'on assume le "passage de relai" d'une génération à une autre, de celle des pères à celle des fils - motif tout
star warsien !- avec ce personnage qui ouvre le plan, en tenue de pilote orange
et blanche que l'on identifie tout à
fait quand on connait bien la première
trilogie, et ce second personnage, qui le conclue, par un regard jeté au premier, et dont on sait
qu'il sera le principal dans cette nouvelle série, et qui n'a pas du tout l'allure qu'avaient ceux de
la première,
aussi tout simplement parce qu'il est... noir ! et qu'en 1977, ces
"minorités
visibles" que j'évoquais
hier à
propos de Lifeforce, si elles commençaient
à occuper l'écran, n'était admises qu'au titre de
personnages secondaires, voire "tertiaires", à la Lando Calrissian, par
exemple. C'est peut-être
là mesurer que quelque
chose est arrivé
à Hollywood, qui
nous raconte aussi l'évolution
du regard que porte l'Amérique
sur elle-même.
Cette troisième
trilogie va sortir en salle au moment où
Obama va quitter la scène
politique. Ce qui semblait de l'ordre de l'impensable il y a quarante ans est
aujourd'hui admis, vraiment. Et puis, entre temps, il y a eu Denzel Washington,
Jamie Foxx ou surtout Will Smith... Pour le meilleur et pour le pire,
d'ailleurs ! Mais c'est bien ça,
la "normalisation".
Le Chef
de gare : Pour le renouvellement, on
nous montre cette fois un "hangar" des rebelles en plein air, ce qui
n'est jamais arrivé dans les trois films précédents,
pour des raisons techniques aujourd'hui caduques. Il s'agit d'ailleurs d'un
spectaculaire assez subtil, relégué à l'arrière plan, surtout perceptible pour les
vieux de la première trilogie, comme nous. Même si le film, évidemment,
va forcément proposer des gros morceaux de bravoure plus directs, ça
me fait plaisir de voir l'univers de Star Wars élargi de cette manière
assez délicate.
Ce qui est intéressant,
c'est que techniquement, Lucas aurait tout à fait pu tourner ce genre de plan il y
a 25 ans: les années 80's sont quand même
les années de gloire de la steadycam. On est donc ici dans une esthétique
complètement référentielle. Honnêtement,
je ne comprends pas ce qui excite là-dedans des gens de 20 ans, qui n'ont
même pas vu en salles La Menace Fantôme. Je
ne sais pas ce qui a pu les attirer dans ce qu'était déjà devenu Star Wars. Et pourtant j'en connais !
Lee Van
Cleef : Gageons que les exécutifs hollywoodiens, qui veillent sur
leurs précieux dollars avec la même rapacité que Smaug avachi sur ses montagnes
d'or, se sont posé eux aussi la question, non sans
quelque angoisse. D'où la décision prise, pécuniaire
plutôt qu'artistique, ne nous racontons pas de bobards, d'appeler
à la rescousse J.J. Abrams, l'homme qui est parvenu à
faire de l'autre inaltérable classique de la SF américaine
un hit ultra-moderne, dégraissé de toutes les kitscheries qu'un
public jeune incline en règle générale à considérer d'un oeil vitreux. Maintenant, si
la solennité guerrière qui se dégage
de ce plan ("aux armes, citoyens !"), et par extension de toute la
bande-annonce, semble annoncer un retour au sérieux papal des Star Trek nouvelle
formule, je ne peux pas croire une seconde que Disney n'ait pas aussi lorgné
avec gourmandise la décontraction façon
"marcel et visière à l'envers" des Gardiens de la
Galaxie.
Four
cosmique prédit par les plus pessimistes, mais carton au box-office à
l'arrivée,
le gros sucre d'orge de Marvel a surtout eu le mérite de prouver qu'il restait encore
des armées de spectateurs de tous âges pour une vision ambitieuse (à
défaut d'être réussie) du space opera. Entre deux
escarmouches spatiales, les successeurs en fer blanc de C3PO et R2D2 ne
devraient pas rater une occasion de faire les marioles. Et si jamais les rires
ne fusaient pas en nombre conséquent dans les salles obscures, qui
sait, la firme aux grandes oreilles pourrait dépêcher Jar-Jar Binks lui-même
afin de déverrouiller les zygomatiques. Plus de quinze ans après La Menace Fantôme,
le batracien abhorré peuple toujours les mauvais rêves
des fans de Star Wars. On a même vu passer ces jours derniers sur la
Toile un détournement un peu particulier du tout nouveau poster "à
la Drew Struzan" (enfin, faut quand même le dire vite, hein) de l'Episode
VII : comme de coutume, dépêchons-nous d'en rire avant que ça
ne devienne réalité
Matthias : Star Wars, martial ? Oui, mais c'est un peu
dans le titre, quand même,
non ? Pour le coup, ce côté "sur la brèche" renvoie évidemment au film de guerre,
origine essentielle du film de Lucas, plus encore que le Space Opera, genre
d'abord littéraire
ne l'oublions pas, et probablement assez loin de cette esthétique "dépouillée" de la première trilogie. Je trouve au
contraire que ce plan excite notre imagination : on peut s'imaginer tout autant
sur Yavin, avant l'attaque, que sur Hoth, avant la fuite - deux situations
presqu'opposées.
Reste ce personnage qui a l'air perdu, déjà ailleurs, dans ses pensées, ses souvenirs, ses
craintes, on ne sait pas. Plutôt
une très
belle image, qui nous évoque
une situation, confuse, et au coeur de celle-ci des personnages, d'abord et
avant tout. Très
spielbergien, en effet. Le Chef de gare avait raison d'évoquer au sujet d'Abrams et
de son Star Trek, le souci authentique du bonhomme de "toucher" son
public : et lui rendre son film, c'est d'abord lui rendre ses personnages. Et, ça pour moi, c'est aussi la
magie de Star Wars : on aime Luke, Leia et Han, en tant que personnages, qui débordent de la seule
narration des films. Si Abrams parvient à
nous "rendre" ça
- et à
nous faire aimer d'autres personnages - alors d'une certaine façon, cela me suffira.
Je le répète beaucoup durant ce mois,
mais vraiment, ce qui compte au moins autant que les ciels étoilés dans ces films, c'est
l'amour au fond du coeur. Le message de Star Wars, c'est celui-là : Luke, à la fin, sauve son père pour cette seule et
unique raison. Tout le reste, ce n'est que de "l'environnement".
C'est évidemment
très sentimental,
mais c'est aussi tout simplement universel. C'est ce qui fait de ces
personnages les équivalents
d'Arthur, Guenièvre
et Lancelot, ou Neo, Morpheus et Trinity... Des histoires d'amour, entre
amants, parents, amis... Juste des histoires d'amour.
Chef de Gare: Ouh, toi, t'as vraiment envie
de nous parler de Interstellar !
Lee
Van Cleef : Gentlemen, je vous admirerais presque de réussir
à voir autant de choses excitantes (des personnages
charismatiques, de tragiques destinées emmêlées d'aussi inextricable manière
que le noeud gordien, des péripéties à bondir de son strapontin) dans un
travelling ordinaire où l'acteur John Boyega, qui m'inspire décidément
les plus sombres inquiétudes depuis le tout début,
promène aimablement son faciès élastique pour une fois au repos. Peut-être
même un peu trop, vu que la bobine en question ne raconte, du
coup, plus des masses de choses... Ou alors, tout simplement, ne s'agirait-il
que d'une de ces flambées d'excitation, qu'un rien suffit à
alimenter, dont est coutumière la communauté geek.
Un univers dans lequel je n'ai, sauf erreur de ma part, qu'un seul pied posé.
Ceci dit sans une once de cynisme goguenard, n'allez pas croire ! Car moi
aussi, sous des dehors blasés, comme un vieux forban plus guère
capable de s'émerveiller, c'est de pied ferme que
j'attends ce nouveau départ vers les étoiles.
Chef de Gare: Un pied chez les geeks Van Cleef ? C'est un de plus que moi ! J'ai horreur de ce sobriquet- et comme Matthias, je ne me reconnais absolument pas dans ce que nous renvoie cette soit-disant communauté. En tous cas, ce qu'on ne pourra pas enlever à Abrams, c'est d'avoir réussi jusqu'au bout à négocier avec Disney un dévoilement très limité du Réveil de la Force. C'est plaisant de ne pas se faire tirer la manche à grand renfort de money-shots et de boum-boums in the face. Voilà qui, avec une certaine élégance, nous fait mesurer son respect pour Star Wars, et sa conscience de son statut bien à part de pierre philosophale de la pop-culture. Quoi qu'il arrive maintenant, il nous aura ainsi offert quelques mois de rêveries bien douces.
Woh ! Chef Pierrot, le coup de crayon de tes vertes années était déjà mortel, et ton imagination d'enfant ne s'embarrassait d'aucune frontière ! Et non, je ne vois vraiment pas ce qui pourrait te faire penser que je fais rien qu'à me payer ta poire. Ces bassesses-là n'ont jamais été de mon ressort, enfin...
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