Cobra
le film (Space adventure Cobra)- Osamu Dezaki- 1982- Japon
Certain
films ne provoquent aucun réflexe critique, ne suscitent nulle
analyse, n'appellent pas le commentaire, et ne procurent rien d'autre
qu'une euphorie totale et sans arrière pensée. Space Adventure
Cobra est de ceux-là.
En
1982, pendant que René Laloux peine à pousser ses Maîtres du
temps sur les écrans de cinéma, et que Blade Runner
marque les esprits à jamais, mais pas le box-office américain, la
science-fiction demeure un genre populaire. Mais presque
exclusivement à travers un de ses sous-genres, le Space Opera,
devenu synonyme d'aventure spatiale, voir de divertissement grand
public depuis le triomphe de Star Wars. Un choc dont les
répliques se font encore sentir. Aux Etats-unis, bien sûr, où le
vide généré par l'attente de ce qui s'appelle encore Revenge of
the jedi profite aux producteurs de la saga Star Trek qui donnent
un bon coup de guidon pour réorienter la série vers des aventures
au rythme plus enlevé et au ton directement hérité du film de
George Lucas- quand ce ne sont pas les retournements qui sont repris
tel quels : Je suis ton fils Kirk ! peut-on entendre dans La colère de Khan. Au Japon aussi, on est
encore sous le choc et on a vite sorti la photocopieuse. Délirant,
tourné pour une misère, San Ku Kai, le succédané nippon de
la saga des Skywalkers est vendu un peu partout dans le monde. Dans
son pays natal, le long métrage pilote et la série ont été
diffusés avant la distribution de Star Wars, ce qui lui
assure un gros succès, et popularise le Space Opera, genre
encore inconnu au pays des robots géants. Mais contrairement à la
France, le Japon a une culture de la Science-fiction et du
fantastique bien installée depuis l'occupation américaine et
l'immédiat après guerre. Godzilla est devenu une icône
nationale, et le début des années 60 a vu l'adaptation, à la
télévision, de deux mangas déjà célèbres :Tetsujin 28
et Astro Boy. Près de 20 ans plus tard, le genre s'est développé, avec des créations chevauchant souvent deux domaines :
la bande-dessinée et l'animation. Lorsqu'est entreprise l'adaptation
de Cobra, le manga de Buichi Terasawa est publié depuis quelques
années déjà. Précédant de quelques mois la diffusion de la
série animée, un long métrage sort dans les salles japonaises. La
série ne connaîtra pas un grand succès et se limitera à 31
épisodes.
C'est
par la France que Cobra va accéder à la postérité, et on peut
comprendre pourquoi il est plus populaire ici que dans son pays
d'origine. Space Adventure Cobra est peut-être plus que les
autres séries japonaises restées en mémoire de cette époque
(Goldorak, Albator...) influencé par des genres et une
imagerie européens. Influences revendiquée par le créateur du
personnage, Buichi Terasawa, qui dit avoir voulu donner à son pirate
de l'espace le visage de Jean-Paul Belmondo. Mais l'inspiration ne se
limite pas au traits du visage. L'aventurier, dans Cobra, est très
proche des personnages de casse-cous gouailleurs et un brin claqueurs
de fesses qui ont fait la célébrité de l'acteur dans les années
60, même si cobra n'a jamais la légèreté et l'élégance des
films que l'acteur français tourne avec Philippe de Broca. Avec
Belmondo comme fétiche revendiqué, c'est tout le cinéma populaire
des années 60 que Terasawa veut retrouver.
La
recherche de trois sœurs fournit le fil conducteur du récit. Elles
cherchent l'amour, elles vont trouver Cobra. Cette romance n'est pas
la cerise sur le gâteau : pour les sœurs, l'amour est un
besoin vital, c'est par lui seul qu'est possible la survie de leur
espèce. Trois personnages que l'on retrouvera- avec la même
émotion- dans la série, sous des incarnations légèrement
différentes. Jane, par exemple, a des cheveux bleus dans le film,
mais blond dans la série. Pour l'anecdote, elle est inspirée de
Jane Fonda- Barbarella, cela ne surprendra pas étant un des films
fétiches de Terasawa. Il fallait au moins une des actrices les plus
belles du monde pour inspirer les créatures qui peuplent l'univers
de Cobra.
Car en matière de conquêtes féminines, Cobra ferait passer James Bond pour un puceau. Pourtant, dans le film, si cobra apprécie la plastique des girls qu'il croise, ce n'est pas un coureur de jupon et un l'obsédé sexuel qui deviendra un stéréotype de l'anime. Il y a même un contraste assez charmant entre la plastique affolante des jeunes femmes, l'attitude entreprenante de Cobra, et sa gêne dès que l'une d'elles se déshabille et se pâme au pied du viril blondin. Blondin ? Oui, le surnom irait comme un gant au héros, dont l'univers emprunte beaucoup à celui du western italien, l'autre influence majeure de Terasawa. Traduite par les décors de bars spatiaux, affiche de mise à prix, personnages de chasseurs de prime portant leur pistolet à la ceinture. Dans la mise en scène aussi : cadrages s'attardant sur les yeux avant le duel, plan de bottes soulevant la poussière, zoom, il y a une atmosphère et une compréhension du spaghetti western qui dépasse la surface. On est ici dans un vrai métissage, qui ne surprendra pas, tant encore une fois au carrefour des années 60, la rencontre entre le cinéma populaire japonais et italien fut fertile. Space Adventure Cobra en est le digne descendant de ces bâtards.
![]() | |||
Jane Fonda, inspiratrice du personnage de Jane Royal, ci-dessous. |
Car en matière de conquêtes féminines, Cobra ferait passer James Bond pour un puceau. Pourtant, dans le film, si cobra apprécie la plastique des girls qu'il croise, ce n'est pas un coureur de jupon et un l'obsédé sexuel qui deviendra un stéréotype de l'anime. Il y a même un contraste assez charmant entre la plastique affolante des jeunes femmes, l'attitude entreprenante de Cobra, et sa gêne dès que l'une d'elles se déshabille et se pâme au pied du viril blondin. Blondin ? Oui, le surnom irait comme un gant au héros, dont l'univers emprunte beaucoup à celui du western italien, l'autre influence majeure de Terasawa. Traduite par les décors de bars spatiaux, affiche de mise à prix, personnages de chasseurs de prime portant leur pistolet à la ceinture. Dans la mise en scène aussi : cadrages s'attardant sur les yeux avant le duel, plan de bottes soulevant la poussière, zoom, il y a une atmosphère et une compréhension du spaghetti western qui dépasse la surface. On est ici dans un vrai métissage, qui ne surprendra pas, tant encore une fois au carrefour des années 60, la rencontre entre le cinéma populaire japonais et italien fut fertile. Space Adventure Cobra en est le digne descendant de ces bâtards.
Pour
le reste, contentons-nous de conseiller aux amateurs de
science-fiction réfléchie et posée de passer leur chemin. Cobra,
c'est du feuilleton vitaminé, les idées les plus folles se
télescopant dans le seul but de célébrer l'imagination plastique
insensée des dessinateurs. Elle tourne à plein régime pendant les
93 minutes du film. Voici un aperçu de ce qu'on verra durant les
quinze premières .
Un
criminel surnommé le moine fou nous annonce que Dieu est mort,
pendant qu'un énorme destroyer stellaire le survole en faisant voler
sa cape et la poussière. Poursuivi par une sculpturale chasseuse de
prime, il ne peut éviter l'affrontement et déplie une lance
rétractable lumineuse pour se battre, juché sur ses pieds
mécaniques. D'un coup de pistolaser, Jane décapite le bandit, et
enroulant la tête dans un torchon va boire un verre à la cantina
locale. La faune locale, une
ribambelle de créatures ferait passer l'équipage de Jabba le
Hutt pour une réunion d'employés de l'hôtel des impôts de
Maubeuge. Rien ne les étonne, pas même la tête encore vivante du
Moine, qui s'échappe et vole avec un bruit de mouche. Elle parvient
même à actionner avec sa langue un pistolet volé à Jane !
Heureusement que Cobra débarque, transporté par une sorte de sac à
dos volant.
Plus
tard, vous pourrez voir des femmes avec des étoiles à la place des
tétons, un méchant Lord Nekron (Crystal Boy en VO) se passer les
doigts dans son corps transparent pour en retirer une côte dont il
fera un lance, un cheval de feu chevauché par une des sœurs,
totalement nue, une pluie rose sur le pare-brise de Cobra, des splits
screen, des effets d'images figées, glissées, des amazones des
glaces propulsées sur leur skis par des réacteurs dorsaux, le tout
nappé par une musique éléctro planante parfaite, composée pour la
version européenne par le groupe suisse Iello...L'inspiration ne
faiblit jamais dans Cobra. Une certaine idée de la science-fiction,
typique du Japon où loin des écrans hollywoodiens, et encore
ignorés du reste du monde, des fans fervents se précipitent au
spectacle d'aventures plus folles les unes que les autres,
mouvementées, érotiques, drôles, imaginatives. Comme ils ont
raison.
Cette culture japonaise de la SF est donc d'influence américaine ? Ce sont des strips ou pulps us importés et traduits qui ont crée cette influence ?
RépondreSupprimerIl est bien admis que l'occupation américaine a généré des liens compliqués d'amour/haine entre la culture américaine et la culture japonaise. le créateurs de Cobra, et des anime/manga marquants des années 80 est de la génération qui a grandi en ayant toujours connu cette présence américaine. Voire le succès du Baseball au Japon, par exemple. Et puis, au moment de Cobra, star wars est déjà passé par là, vu le goût des japonais pour la SF, difficile d'imaginer un terrain plus fertile à une implantation du Space Op' à la Lucas. Si on parle d'influences revendiquée, dans le cas de Terasawa, c'est le Barbarella de Vadim et la tronche de Belmondo. Mais je pense qu'on peux y ajouter sans trop de risques James Bond, les western de Eastwood (Leone, mais aussi Pendez-les haut et court) et évidemment, Star Wars et ses dérivés (Galactica etc...), sans compter que Flash Gordon et les comics américain ont dû être importé dans les années 45-52, même si là, l'influence demanderait à être mesurée sur des bases plus factuelles. ça te paraît improbable que Cobra ait aussi des inspirations de la SF américaine forte ?
RépondreSupprimerCa me paraît plus que certain, Cobra est un creuset d'influences, tu vois à quel point ceux qui l'ont fait ont regardé des westerns italiens et pas que Léone, mais avec Léone, c'est le serpent que se mord la queue vu l'influence (pour pas dire le plagiat de Yojimbo pour "Pour une poignée de dollars") de Kurosawa. Mais j'ai atteint l'âge où je dois revoir ce que j'ai vu plus jeune, donc mes souvenirs sont lointains. Je vais ressortir mon coffret.
RépondreSupprimerPar contre, je n'ai toujours pas vu la nouvelle série et les nouveaux OAV.
Non, ce que je ne connais absolument pas est l'historique de la perception de la sf chez les japonais via cette occupation. Probablement par les imports/traduction des strips us. En france, cela passait déjà mal dans certains milieux honnissant cette américanisation des esprits, mais alors au japon, je n'ose imaginer le bouleversement culturel (imposé ?).
Au Japon comme ailleurs, je pense qu'il faut aussi distinguer ce qui a été perçu par le grand public et ce qui a impressionné les créateurs. Tezuka, par qui tout semble avoir commencé, disais sans aucune gène à quel point le graphisme Disney l'avait inspiré. Je crois que le contact des japonais avec la SF a été autrement plus fertile que celui des français, aussi parce qu'il s'est fait par le prisme de l'art du dessin, ce qui a permis le développement du genre via la BD puis l'animation. En France, limitée au seule champ de a BD, la SF imagée n'a jamais pu trouver le chemin d'audiences larges. Mais je n'en sais guère plus que toi sur la façon dont la Sf américaine et l'imagerie japonaise ce sont amalgamé. je serais très intéressant de trouver une histoire bien documentée de la chose, d'ailleurs.
RépondreSupprimer