Dar l'invincible (The beastmaster)- Don Coscarelli, 1982, Etat-unis et République fédérale d'Allemagne
Du
haut de mes cinq ans, à l'époque, on ne m'aurait jamais laissé
regarder l'invincible Dar à l’œuvre, et c'est dommage, car c'est
sûrement à cet âge que je l'aurais le plus apprécié.
Je me
posais alors les vraies questions et j'aurais sans doute
passionnément débattu avec moi-même pour savoir si Dar pouvait
être considéré comme une adaptation officieuse satisfaisante des
aventures de Musclor, alors une de mes idoles absolues. Comme l'athlète
d'Aeternia, Dar porte un cache cœur très déshabillé, et bénéficie
de l'amitié espiègle mais féroce d'un tigre.
Si
celui de Musclor est vert, les dresseurs de Dar ont pris soin de
passer le leur au noir, mais ne nous encombrons pas de tels détails.
Dar, tout comme Musclor est prince, mais si ce dernier fait- en
apparence- le bourgeois à la cour, Dar, lui, a grandi dans
l'adversité la plus totale, car il fut spolié, dans son plus tendre
âge, de son trône. Le film nous raconte, avec moult péripéties et
plans filmés depuis l'hélicoptère sa quête pour reconquérir sa
couronne.
Avant
Le seigneur des anneaux de Peter Jackson, l'héroïc-fantasy
ressemblait à Dar l'Invincible, dans le meilleur des cas. Cas
étonnant d'émergence d'un genre avant que les moyens de son
efficacité technique soient existants, l'heroïc-fantasy des
années 80 constitue un mouvement assez unique. Des dizaines de
copies vont émerger à partir de l'existence d'un seul chef
d'oeuvre, Conan le barbare, de John Milius.
Le
film n'a pas encore été vu que les imitateurs se pressent déjà.
Il semble que les producteurs soient tous convaincu qu'il y a une
énorme attente du public pour ce genre de films : « l'étiquette
sword and sorcery m'a été imposée parce qu'il fallait proposer aux
distributeurs ce que le public attendait depuis longtemps »
justifiait à l'époque Don Coscarelli. Rien qu'en 1982 sortent,
outre Conan, Dar l'Invincible et L'épée sauvage,
un dérivé qui grâce à l'abattage d'Albert Pyun, son réalisateur,
parvient même sur les écrans avant Conan.
Ce
qui n'est pas le cas du film de Coscarelli qui se souvient :
« Une semaine avant le tournage, le producteur exécutif est
venu m'apporter de nouvelles pages de scénario en me disant :
voilà comment on va tourner le film ». Des changements de
dernière minute qui ont sans doute pour seul but de rapprocher au
maximum Dar du film de Milius. Les similitudes sont tellement
nombreuses qu'elles fleurtent avec le plagiat et feront bien sourire
les connaisseurs.
Il font un détour en revenant de Cimmérie... |
Le
village réduit en cendres et le père assassiné ? On a. Les
fanatiques du méchant sorcier qui se suicident sur son ordre muet
pour prouver de leur vie son pouvoir sans limite ? C'est
dedans ! Le héros se déguise pour s'approcher incognito dudit
méchant, qui donne un discours du haut d'un escalier situé à flanc
de montagne ? Tel quel ! Pour retrouver l'assassin de son
peuple, le héros ne dispose que d'un médaillon portant sa marque ?
Bingo ! La soupe qui mijote dans un chaudron géant fait
remonter, quand on la touille des bouts de membres humains ? On
a aussi ! L'amitié avec le compagnon se lie autour d'une discussion
théologique piquante ? Bien sûr ! La sorcière périt
quand elle est jetée dans un feu mais son rire résonne bien après
que son corps soit consumé ? Evidemment ! Et enfin, le
film se conclut par le retour des cavaliers qui ont rasé le village
au début, et que Dar et ses compagnons doivent affronter dans un
combat aussi inégal que désespéré ? Forcément, what else ?
Pour
sortir Dar on pompe donc pas mal sur le voisin. Mais ça n'exclut pas
l'ambition, notamment plastique, lorsqu'on embauche John Alcott, le
chef opérateur de Barry Lindon ! De belles images au
programme, donc, éclairage naturel en extérieur/jour, avec des
filtres voyants pour donner une couleur dorée à toutes les images,
et des lumières non pas à la bougie mais aux becs de gaz, directement
allumés autour de la caméra, pour les scènes nocturnes. Le
résultat c'est une photo douce, avec de légers halos dans ces
scènes de nuit, et des ambiances presque monochromes brunes pour la
journée. Des images à la touche typiquement « années 80 ». Ambitieuse aussi l'approche musicale. Depuis La guerre des étoiles et la fanfare de Williams, la recette du film d'aventure recommande un assaisonnement symphonique de haute volée. Epoque bénie où des compositeurs mis de côté depuis 10 ans, ou des jeunes pousses brûlant de marcher dans les pas de Rosza ou Tiomkin retrouvent le chemin des studios. C'est Lee Holridge qui officie majestueusement sur le fil de Coscarelli, et qui lui offre haut la baguette une belle partition dans la plus pure tradition hollywoodienne classique, un travail d'orfèvre pour un film qui n'en mérite évidemment pas tant.
Richard Corben: influence majeure de Dar l'Invincible ? |
Quand
a ce qui bouge devant la caméra, c'est Don Coscarelli qui en a la
responsabilité, à moitié- selon ses dire à l'époque de la sortie
du film- tant les exécutives envahissant semblent appliquer à la
lettre le cahier des charges parfois pervers de leur profession qui
consiste à embaucher quelqu'un pour des qualités qu'on va l'empêcher
d'utiliser ensuite.
Coscarelli
est un cinéaste intéressant. Il est l'auteur d'un petit bijou de la
fin des années 70, Phantasm, tourné pour une misère et bourré
d'idée macabres et d'images devenues classiques.
Pas
encore condamné à surexploiter sa marque en tournant Phantasm 2,3,4
(c'est ça ou rien, pour les producteurs), Coscarelli se laisse
tenter par l'aventure du gros budget américain. Même s'il flotte
sur le fil un parfum Cinecittà dont le cinéaste est sans doute
responsable, lui qui « était parti dans une aventure
héroïque dans la lignée des Hercule avec Steve Reeves ».
Avec 30 ans de recul, on peut dire que c'est finalement réussi. Les
ambitions de Coscarelli sont d'ailleurs assez contradictoires,
puisqu'il déclare par ailleurs avoir voulu « concilier
Disney et les films de Samouraï » Mazette ! A
l'écran, ça se traduit par un héros assisté de deux belettes,
pour la part Disney, et qui s'entraîne au sabre, pour la part
samourai.
Dar
l'invincible, en 1982, c'est donc un assez gros budget, et un
film pris au sérieux, ce qui comparé au standards de productions
d'aujourd'hui donne un film à la facture de Direct-to-video un
peu fauché. Presque entièrement tourné en extérieur, Dar
déroule les déserts, clairières et massifs rocheux pelés qu'on a
vu dans toutes les productions bas de gamme censées reconstituer un
monde sauvage ou l'aventure attends derrière le moindre buisson.
C'est justement par là qu'entre en scène Tanya Roberts, dont la
présence fait vaciller tout sens critique. Coscarelli, avec un
mélange de grossièreté et de lucidité lui concocte une première
apparition muette et topless, espionné par Dar. Las, même
réduite à cela, le charme de l'actrice opère, et le simple
spectacle de la lumière sur son visage, de son regard transparent
procure une émotion fugace mais réelle. Il est des acteurs qui
n'ont rien besoin de faire devant la caméra et dont l'image touche
immédiatement. On appelle ça photogénie, dans Dar, ça se traduit
par Tanya.
Tanya Roberts, circa 1982 |
Mis
à part le corps de son actrice que Coscarelli laisse exposer sans le
moindre tact, le film propose tout de même quelques images saisissantes et où on retrouve le sens du bizarre du
cinéaste et qui n'est pas sans rappeler l'extraordinaire imagination
dont Guillermo Del Toro a réussi à faire un des moteurs de ces
films.
Le maléfice que la sorcière projette sur la mère enceinte de Dar, qui nous montre l'enfant passant du ventre maternel à celui d'une vache accompagnant la sorcière est une idée incroyable transposée telle quelle à l'écran. On appréciera aussi beaucoup les mystérieux hommes vampires, statiques, qui attendent autour d'un arbre portant comme fruits d'étranges poches translucides et lumineuses, de pouvoir serrer dans leurs ailes flasques leurs victimes, réduites lentement à l'état de flaques visqueuses par l'étreinte. Des cruautés qui n'empêcheront pas les monstres d'aider le héros. Les décors, s'il sentent tous le déjà-vu bénéficient souvent d'une petit idée originale rendant le film agréable à regarder, mais fais surtout regretter que ce sens de la bizarrerie n'ait pas permis à Coscarelli de s'installer plus durablement dans le paysage cinématographique. Mais son imagination macabre, originale, distingue ses films, et Dar l'invincible aussi, du tout venant des innombrables exploitations de Conan.
Le maléfice que la sorcière projette sur la mère enceinte de Dar, qui nous montre l'enfant passant du ventre maternel à celui d'une vache accompagnant la sorcière est une idée incroyable transposée telle quelle à l'écran. On appréciera aussi beaucoup les mystérieux hommes vampires, statiques, qui attendent autour d'un arbre portant comme fruits d'étranges poches translucides et lumineuses, de pouvoir serrer dans leurs ailes flasques leurs victimes, réduites lentement à l'état de flaques visqueuses par l'étreinte. Des cruautés qui n'empêcheront pas les monstres d'aider le héros. Les décors, s'il sentent tous le déjà-vu bénéficient souvent d'une petit idée originale rendant le film agréable à regarder, mais fais surtout regretter que ce sens de la bizarrerie n'ait pas permis à Coscarelli de s'installer plus durablement dans le paysage cinématographique. Mais son imagination macabre, originale, distingue ses films, et Dar l'invincible aussi, du tout venant des innombrables exploitations de Conan.
Le
film, qui penche constamment vers le second degré, propose tellement
d'images idiotes- mais drôles- qu'il est impossible de l'apprécier
autrement que comme une spécialité locale : le nanar
d'héroïc-fantasy millésimé 1982. Les producteurs roublards
pensaient sûrement toucher tous les publics en servant, d'un côté
du nichon à l'air pour papa, de l'autre deux furets comiques pour fiston.
C'est sûr, les files d'attentes allaient faire le tour du quartier,
puisqu'on avait aussi prévu pour maman le musculeux Marc Singer,
gloire télévisuelle qui se promène tout du long en slip et en
marchant comme s'il avait passé les deux derniers jours sur une
selle.
Ça
n'a pas pris ? Mais comment est-ce possible ?
Tanya peut tout jouer.
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