dimanche 25 octobre 2015

25/31 Howard the duck (Howard une nouvelle race de héros), de Willard Huyc, 1986, USA, de 5'25" à 5'33"




Howard, un canard humanoïde vivant sur une planète semblable à la terre est aspiré dans l'espace par une force mystérieuse.



Des explorateurs spatiaux, nous en avons croisés: des volontaires, des courageux, des inquiets, des incapables, des miraculés, des optimistes, des débrouillards. Howard appartient à une catégorie bien rare- outre son appartenance à l'espèce des canards: c'est un voyageurs galactique récalcitrant.



A son corps défendant, Howard, sans avoir rien demandé, est projeté dans l'espace par un rayon mystérieux, alors qu'il était tranquillement assis dans son salon. Nous le voyons dériver dans l'espace, vêtu de son complet-cravate. Traversant les anneaux de Saturne (?) il se précipite donc, affolé, battant des bras dans le vide, vers notre système solaire. Il est parti à la fois de très loin et de très près. Une image de sa planète d'origine nous a été montrée un peu avant: en tous points identique à la terre sinon qu'elle a une forme... d'oeuf. Physionomie improbable qui nous renseigne immédiatement sur la nature de ce que nous allons regarder: il ne s'agit pas de science-fiction spéculative comme on l'aura compris en regardant le canard se débattre dans le vide spatial sans combinaison et en costume de ville.  Le film de Huyc appartient à ce sous-genre tout aussi peu représenté que celui de son héros: la SF satirique. Genre auquel Swift, outre sa fameuse Humble proposition pour empêcher les enfants des pauvres en Irlande d’être à la charge de leurs parents ou de leur pays et pour les rendre utiles au public  a donné ses lettres de noblesse à la satire, sur un versant fantasy avec les Voyages de Gulliver, qui quelques années plus tard auraient sans doute eu lieu à travers les galaxies.



A l'image de sa planète ovoïde, Howard est un reflet à peine déformé de l'humanité, surtout tombé là pour créer un effet de léger décalage mettant en relief nos défauts et ceux de nos sociétés. La génèse compliquée du film en rend la portée satirique moins directe que s'il était resté fidèle à l'esprit de l'oeuvre originale dont il est tiré. Publié par Marvel, la série originale Howard the Duck est une succession de satires et de parodies, ou Howard de numéros en numéros tourne en dérision la plupart des genres en vogue à l'époque, en commençant par singer Conan le Barbare alors publié par l'éditeur de Spider-Man. 




Howard the Duck (N°1)- la bande dessinée originale de Steve Gerber, parodiant ici le Conan The Barbarian de Marvel.

Si Steve Gerber se paye, pour son numéro parodiant l'Héroïc-Fantasy à la Marvel en embauchant un des meilleurs dessinateurs du genre, Frank Brunner, il y a une certaine logique, dans le film orienté SF à aller chercher les meilleurs techniciens du genre. Assez facile quand on a pour producteur George Lucas, chez qui, à l'époque, officient presque tous les génies des effets spéciaux du moment. C'est donc ILM qui va se charger de donner corps à Howard.



On les retrouve donc aux commandes du plan voyant le canard de l'espace nous foncer dessus. Une jolie transparence  sur un décor légèrement stylisé: en grossissant la planète, en saturant les couleurs, on nous fit comprendre qu'il va s'agir ici d'exagération et parfois de caricature. C'est presque une parodie de Saturne qu'on regarde déjà. Surtout, plus compliqué, il faut réussir sans coupe à faire venir Howard, minuscule, du fond du champ, jusqu'à nous, puis nous dépasser, en volant. Le genre de plan qui a coûté quelques cheveux (et des centaines de miliers de dollar) à Derek Botell et Bob Harman sur le Superman de Richard Donner, il est vrai presque 10 ans plus tôt.



Mais pour Superman, tout l'enjeu était d'être à la hauteur de la promesse de son affiche: Croire qu'un homme peut voler. Or, pour Howard, et c'est la maldonne du film, était-il si important de nous faire croire...qu'un canard peut voler !?



Le film, co-produit et distribué par Universal doit être leur blockbuster de 1986. C'est George Lucas qui prend le projet sous son aile. On mesure déjà à quel point, dès la fin du retour du Jedi, il est prisonnier de la toile qu'il a lui-même tissé: son nom est devenu une marque, on lui associe forcément spectacle familial,  imaginaire débridé et effets spéciaux décoiffants et inédits. Ce que le réalisateur du film, un bon ami de George à l'époque, va s'efforcer de mettre au catalogue de cette satire qui n'en demandait pas tant. Des choix imposés qui rendent le film bancal.



A l'image de ce plan: le choix de la prise de vue avec acteurs réel voulu par Universal pose problème ici comme dans tout le film. On a beaucoup de mal à accepter le contrat graphique du film nous obligeant à admettre que tous les personnages réagissent différemment vis à vis d'Howard: certains le prenant pour un canard, d'autres pour un enfant déguisé, voire ne le remarquant pas du tout ! Pour nous, en l'absence d'un univers soigneusement stylisé pour l'intégrer, Howard reste, comme dans ici, un acteur vêtu d'un lourd costume au visage assez peu expressif.



Matthias avait fort bien souligné la réussite de Yoda dans l'Empire Contre-Attaque, aussi parce que le choix de la marionette, et de son immobilité relative, servait le récit et la position hiératique du maître. Howard vient démontrer qu'un technique n'a de sens qu'en rapport avec un projet artistique et narratif global. Pourtant créé par le même atelier, sous la houlette du même producteur, le canard ne fonctionne jamais à l'écran. Personnage remuant et caricatural, il est évidemment particulièrement desservi par son incarnation à l'écran par un masque animatronique. D'autant plus lorsqu'il est collé, comme ici, sur un fond flirtant avec l'esthétique du dessin-animé.



Mais le film reste un échec passionnant. Par son ton humoristique, avec son extra-terrestre venant sur terre malgré lui, formant un groupe improbable avec des humains hospitaliers, surtout, avec son grand méchant se cachant sous une défroque humaine, et traversant le pays à bord d'un camion pour rejoindre sa navette, avant de révéler son apparence répugnante et insectoïde dans un grand final au cours duquel un improbable héros va le vaincre à l'aide d'un canon laser et de son courage, Howard the Duck ressemble à un brouillon de Men in Black (1987), qui lui, rencontrera le succès que l'on sait. Le héros a gardé sa gouaille et son franc-parlé parfois grossier. Mais plus besoin d'un masque aux expressions laborieuses. Naturellement élastique, chez Barry Sonnenfeld c'est... Will Smith qui lui prête ses grimaces. Une substitution toute simple, acceptée d'emblée et sans complexe par le public.



C'est Spielberg qui a encadré Men in Black, en producteur avisé et sans scrupule, souvenons-nous qu'on lui doit en partie les Transformers de Michael Bay. Autrement plus aventurier, au fond, Lucas, plus connu dans ce domaine que Spielberg, sans doute parce que ce dernier n'a pas cessé de réaliser, n'a cessé d'accumuler les déboires, les erreurs de jugement, et les mauvaises intuitions, à tel point qu'il en devient assez touchant. Il ne décrochera à nouveau la timbale, en tant que producteur, que lorsqu'il aura réussi à confier la réalisation d'un film à ... Steven Spielberg.

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