samedi 24 octobre 2015

24/31: Triple Feature ! Bande-annonce de The Force Awakens (Le réveil de la force)- Jeffrey Jacob Abrams, 2015, U.S.A de 1'28" à 1'33"







 Soyons francs: la thématique de cette année a été inspirée par l'envie de participer à notre façon au retour sur le grand écran du plus beau des space-operas, des héros du Retour du Jedi, et au passage de flambeau, 30 ans plus tard, à une nouvelle génération, avec la sortie prochaine de Le Réveil de la Force. Il était donc indispensable de visiter le film d'Abrams, en prêtant le flan, une fois n'est pas coutume, à la communication tentaculaire autour d'un blockbuster dont nous ne savons, pour l'heure, presque rien. Ce qui ne nous empêchera pas d'en dire beaucoup ! D'autant plus que s'est joint à la conversation l'indispensable demi-geek Lee Van Cleef, pour son featuring annuel dans la locomotive. A évènement exceptionnel, discussion inhabituelle: nous analysons aujourd'hui, en extrapolant avec bonheur, un plan de bande-annonce, la dernière avant la sortie du film de JJ Abrams le 16 décembre.

Chef de Gare: A l'échelle de l'amateur de Star Wars, mais même à celle de simple cinéphile, on se prépare à un moment historique avec la sortie prochaine du Réveil de la Force, qui est, malheureusement un évènement avant tout économique: on va voir ce que Disney va faire de la marque fondée par George Lucas, que beaucoup d'analystes financiers spécialistes de la chose Hollywoodienne jugent sous-exploitée ! ça promet !  Avant qu'on l'oublie complètement sous le torrent de nouveaux produits, j'avais envie qu'on se rappelle d'abord du commencement, et de nos commencements à nous dans la galaxie lointaine, très lointaine. Voilà: quel a été votre premier contact avec Star Wars, qu'est ce que ça représente pour vous aujourd'hui ?


Lee Van Cleef: Voilà bien le sujet geek par excellence ! Celui dont les légions de zélateurs, sans cesse réapprovisionnées en sang neuf, débattront encore avec fièvre dans les siècles des siècles. Un adage populaire veut qu'on entre dans la galaxie Star Wars comme d'autres entreraient en religion ; en témoignent ces surprenantes images de fans extatiques, massés devant les cinémas lors de la sortie de la seconde trilogie, qui se fendaient de génuflexions révérencieuses avant de s'engouffrer à l'intérieur des salles obscures... ou devrait-on dire du Saint des saints. Mes deux compagnons de palabre sont-ils faits de cet étrange bois ? Dans mon cas, si passion et engouement il y a bel et bien (eu) à l'égard du mythe, ils ne m'ont jamais porté jusqu'à ce paroxysme nirvanesque grâce auquel le rusé Lucas, peut-être un jour cinéaste inspiré, mais marchand de jouets assurément génial, a bâti son empire. Je ne veux pas être de mauvaise foi : en tant que béophile patenté, je ne remercierai jamais assez L'Empire Contre-Attaque pour m'avoir fait succomber, davantage que n'importe quel autre titre, à la triomphale féérie à l'œuvre sous la baguette de John Williams. Et c'est également ce même film qui a donné au space opera ce qui demeure, à mes yeux, son indépassable monument. N'empêche, à l'orée du nouveau millénaire, mon intérêt pour la saga des étoiles avait déjà sévèrement flanché. Ce qui explique sans doute que je n'ai guère éprouvé le désir de rejoindre la foule des mécontents de la "prélogie", attendant tous de précipiter l'oncle George dans les entrailles sans fond du Grand Sarlacc pour lui faire expier son crime blasphématoire.
 
Chef de Gare: Pour ma part, on ne saurait plus appartenir à la génération Star Wars: je suis né l'année du premier film. Et mon entrée dans l'univers de Lucas, très symboliquement, s'est faite par... ses produits dérivés. Je me souviens avoir contemplé à l'occasion des rituelles courses hebdomadaires les rayonnages remplis de figurines du Retour du Jedi. Je ne savais rien du film, et pourtant mon imagination a été immédiatement conquise et enflammée par l'univers suggéré par le jouet lui-même, l'emballage avec la photo du personnage et pas un dessin comme sur les boîtes de jouets que j'avais habituellement. J'avais une folle envie de voir le film, mais ce n'étais absolument pas négociable. Alors j'ai imaginé mon propre film... J'ai retrouvé tout récemment des bandes-dessinées que j'ai réalisées, avec ces personnages aperçus aux Nouvelles Galeries- le garde rouge de l'Empereur est une "princesse", un des Quarren peuplant la cour de Jabba devient "le professeur". J'étais complètement à côté de la plaque, mais j'étais à fond dedans ! 

L'imagination du Chef de Gare, marquée à jamais, en 1983, par la vision des figurines articulées du Retour du Jedi.

Si j'ai bien compris, pour toi Lee, tout a commencé par la musique ? Est-ce que tu as écouté le disque d'abord, ou as-tu vu le film en salles à l'époque ?
 
Lee  Van Cleef : C'est d'abord et avant tout par l'intermédiaire d'un modeste écran cathodique (seules les controversées Editions Spéciales m'ont permis de redécouvrir les "vieux " Star Wars dans une salle de cinéma) que j'ai fait l'expérience, ô combien mémorable, des musiques de Williams. Depuis ce temps, la conviction m'est restée chevillé au corps que sans l'obole du grand Johnny, toute cette extravagante histoire de conflits spatiaux et de chevaliers aux pouvoirs surhumains, ces kyrielles d'effets spéciaux qui ont parfois contraint les bons génies d'ILM à tâtonner en aveugles, n'auraient tout simplement jamais pu tenir debout. Il a toujours fallu un peu de la fameuse "suspension d'incrédulité", nécessaire même aux univers fantastiques les plus élaborés, pour que le spectateur (adulte surtout, mais pas que) accepte de museler provisoirement son inclination au rationalisme à tout crin. Dans Star Wars, ladite suspension est obligeamment fournie par l'intarissable richesse de partitions échevelées, qui n'ont besoin que de quelques notes fabuleusement évocatrices pour aussitôt nous projeter ailleurs, dans une galaxie lointaine.
 
Chef de Gare: J'ai l'impression que pour moi, c'est presque le contraire. Quand j'ai écouté les musiques de Williams sur disque, c'était d'abord pour en retrouver les images, le refaire le film dans la tête, tout simplement parce que c'est ce qui en était le plus proche parmi les supports qui m'étaient alors accessibles. Mais il m'a fallu encore quelques années avant d'apprécier la musique pour elle-même, notamment tout ce qui sort du travail purement thématique. Oui, ce sont les images de la guerre des étoiles qui m'ont fait aimer la musique de Williams. C'est quand même un compositeur assez cérébral. Je trouve l'émotion dans sa musique assez fabriquée, assez froide. Et c'est toujours un peu le cas: la liste de Schindler, par exemple, je ne supporte pas ça. L'émerveillement que tu évoques, je l'ai vécu avec Conan le Barbare, de Polédouris.


Lee Van Cleef: Luke s'abandonnant à la frustration et à la mélancolie dans les lueurs pourpres jetées par l'étrange crépuscule de Tatooine, le Faucon Millénium fonçant à toute berzingue au coeur d'un champ d'astéroïdes, le père et le fils engagés dans un combat mortel sous l'oeil torve de l'Empereur... Puissamment graphiques, au point d'avoir marqué l'inconscient collectif au fer rouge, ces images ne peuvent s'inviter dans mon esprit sans que n'éclate à leur suite la voix tonitruante du London Symphony Orchestra.
Ce ne doit pas être le cas de tous les aficionados de Star Wars : intenables après avoir découvert le trailer final de l'Episode VII, où les plus fameux thèmes de la saga sont fagotés comme l'as de pique, nombre d'entre eux ont trouvé le moyen de confondre la touche magique "williamsienne" avec les orchestrations barbouillées au pistolet à peinture de l'illustre inconnu Frederick Lloyd. Le lascar vient tout juste de se déclarer enchanté de l'aventure. On espère de tout coeur que ses bricolages au petit bonheur la chance n'augurent pas pour John Williams, le dernier vrai détenteur de la Force, un virage (en) catastrophe vers la modernité hollywoodienne.


Matthias : Je ne dirais pas que s'est ouvert avec La Guerre des étoiles mon monde de l'imaginaire à l'écran. Il est sûr que le cinéma, à partir de cette première vision de La Guerre des étoiles, est devenu "central" dans ma vie, mais ces univers, notamment science-fictionnels, ont préexisté dans un rapport ambivalent au cinéma : avec la BD tout d'abord, avec Tintin et On a marché sur la Lune, mais aussi avec le dessin-animé et Le Roi et l'oiseau, sa cité-monde et son robot géant, ou encore - et peut-être surtout ! - avec Jules Verne, à l'écrit dans des versions pour enfant, et donc à l'écran avec le 20.000 lieux sous les mers déjà évoqué cette semaine, et produit par Disney.
D'une certaine façon, pour moi également la boucle est bouclée : je retrouve quelque chose de l'enfance avec ce nouvel avatar d'une "saga" produite à l'origine par d'autres que celui qui s'en est emparés, pour notre plus grand bonheur d'enfants éternels : le géant Disney. Il est d'ailleurs assez éloquent que c'est par ce passage au studio à la souris que Star Wars - peut-être ? - va revenir dans le giron de ceux qui l'ont découvert par sa première trilogie, contre son créateur, vis-à-vis duquel je fais partie de ceux qui l'auraient bien précipité dans les griffes du Rancor avant de laisser sa dépouille être digérée pendant mille ans dans la gueule de Sarlac ! 

Le Retour du Jedi, tel qu'imaginé par le Chef de Gare, n'en connaissant alors que les jouets. (1983)


Il y a quelque chose d'un peu terrible d'ailleurs dans cette déception de la seconde trilogie - la fameuse "prélogie" - car elle est venue oblitérer l'amour que je portais à la première. Le temps passant, et mon intérêt pour les mondes imaginaires se maintenant plus que jamais, je reviens vers cette Guerre des étoiles, qui m'a fournie une expérience de spectateurs, à l'époque, comme je crois jamais retrouvée depuis : en termes d'immersion, la séquence finale d'attaque de l'étoile noire, vue pourtant  sur un téléviseur noir et blanc dont la diagonale ne devait pas dépasser les quarante centimètres, reste une entrée de plain-pied dans ce que le cinéma peut nous offrir de plus fort quand il nous plonge dans une histoire. Le Chef de gare évoquait le motif de la propulsion comme essentiel dans l'univers de Star Wars, pour ma part, je crois bien que c'est par là que je suis entré définitivement dans la saga. La Force, Yoda, la question du père, tout ce qui structure le récit à partir de L'Empire contre-attaque n'est arrivé que plus tard, quand j'avais acquis quelques années de plus...
En tout cas, je ne me sens vraiment pas geek, comme l'on dit - et même si je suppose que ce sobriquet, ce sont les autres qui vous l'accolent... Mais, tout de même le "délire" autour de cette saga ne touche en rien ce que j'ai pu y investir d'intime. Il y a d'autres oeuvres avec lesquelles je pourrais entretenir ce même rapport, et qui sont beaucoup moins populaires, et vis-à-vis desquelles il ne viendrait à l'esprit de personne de considérer cette passion comme "geek" - terme avant tout marketing, ne l'oublions pas ! Mais j'y reviendrai avant la fin du mois...

Chef de Gare: Tu évoques ce qui a fait, je crois, toute la valeur pour nous du compagnonnage entretenu avec Star Wars pendant 30 ans: pour ma part, j'ai revisité sans cesse cet univers- principalement les films- sans cesser d'y trouver toujours de nouvelles perspectives. Ce n'est pas (seulement) par nostalgie. Ce qui me touche aujourd'hui n'est pas ce qui m'intéressait à huit ou dix ans. Les films, surtout l'Empire contre attaque, effectivement, n'ont fait qu'augmenter en valeur avec la maturation de ma cinéphilie et l'affinement de mon jugement esthétique. Je crois que c'est cela que j'attends de ce nouveau film: qu'il s'adresse non pas à l'enfant en moi, mais bien à l'adulte que je suis devenu, aujourd'hui et maintenant. Il y a ici l'occasion de faire un film sur cette génération qui est la nôtre, et qui pour une part est restée fidèle à des coups de foudres vécus à 8 ou 10 ans !  Abrams est-il capable de faire ce film ? Si oui, le laissera-t-on le faire ? C'est un cinéaste spectateur. De ces réalisateurs qui disent vouloir faire les films qu'ils aimeraient voir. Et lui, en général, c'est un film réalisé par Steven Spielberg... il y a 30 ans. Abrams n'a qu'une envie, c'est réaliser son film comme si on était en 85, mais avec des effets spéciaux de 2015. La question qui se pose à lui c'est donc: renouveler en imitant est-il possible ? 
Le plan que j'ai retenu apporte des pistes de réponses: d'abord dans sa mise en scène: ce "traveling" porté, suivant un personnage, puis un autre qu'il rencontre, est un mouvement assez sophistiqué, mais c'est surtout un plan "à la Spielberg": des Aventuriers de l'Arche Perdue à La Guerre des Mondes, les films de Steven Spielberg sont pleins de ce genre de plans. Ensuite, il y a ce qu'on nous montre, et qui est une reprise de plans vus dans La guerre des étoiles: on a l'impression de voir Han encourager Luke avant la bataille de Yavin, on sent entre les personnages le même genre de différent, le décor est le même, de même que l'énergie qui traverse le plan: de toute évidence, on se prépare à la bataille. Voilà pour l'imitation.

Matthias : Tu as raison d'évoquer le Spielberg de 1985, avec sa virtuosité à la steadycam, qui a vraiment renouvelé la grammaire de la mise en scène. Toutefois, il me semble aussi, et parce que je prête quelque crédit à Abrams, qu'il s'agit bien là d'un plan où l'on assume le "passage de relai" d'une génération à une autre, de celle des pères à celle des fils - motif tout star warsien !- avec ce personnage qui ouvre le plan, en tenue de pilote orange et blanche que l'on identifie tout à fait quand on connait bien la première trilogie, et ce second personnage, qui le conclue, par un regard jeté au premier, et dont on sait qu'il sera le principal dans cette nouvelle série, et qui n'a pas du tout l'allure qu'avaient ceux de la première, aussi tout simplement parce qu'il est... noir ! et qu'en 1977, ces "minorités visibles" que j'évoquais hier à propos de Lifeforce, si elles commençaient à occuper l'écran, n'était admises qu'au titre de personnages secondaires, voire "tertiaires", à la Lando Calrissian, par exemple. C'est peut-être là mesurer que quelque chose est arrivé à Hollywood, qui nous raconte aussi l'évolution du regard que porte l'Amérique sur elle-même. Cette troisième trilogie va sortir en salle au moment où Obama va quitter la scène politique. Ce qui semblait de l'ordre de l'impensable il y a quarante ans est aujourd'hui admis, vraiment. Et puis, entre temps, il y a eu Denzel Washington, Jamie Foxx ou surtout Will Smith... Pour le meilleur et pour le pire, d'ailleurs ! Mais c'est bien ça, la "normalisation".

Le Chef de gare :  Pour le renouvellement, on nous montre cette fois un "hangar" des rebelles en plein air, ce qui n'est jamais arrivé dans les trois films précédents, pour des raisons techniques aujourd'hui caduques. Il s'agit d'ailleurs d'un spectaculaire assez subtil, relégué à l'arrière plan, surtout perceptible pour les vieux de la première trilogie, comme nous. Même si le film, évidemment, va forcément proposer des gros morceaux de bravoure plus directs, ça me fait plaisir de voir l'univers de Star Wars élargi de cette manière assez délicate.
Ce qui est intéressant, c'est que techniquement, Lucas aurait tout à fait pu tourner ce genre de plan il y a 25 ans: les années 80's sont quand même les années de gloire de la steadycam. On est donc ici dans une esthétique complètement référentielle. Honnêtement, je ne comprends pas ce qui excite là-dedans des gens de 20 ans, qui n'ont même pas vu en salles La Menace Fantôme. Je ne sais pas ce qui a pu les attirer dans ce qu'était déjà devenu Star Wars.  Et pourtant j'en connais !  
Lee Van Cleef : Gageons que les exécutifs hollywoodiens, qui veillent sur leurs précieux dollars avec la même rapacité que Smaug avachi sur ses montagnes d'or, se sont posé eux aussi la question, non sans quelque angoisse. D'où la décision prise, pécuniaire plutôt qu'artistique, ne nous racontons pas de bobards, d'appeler à la rescousse J.J. Abrams, l'homme qui est parvenu à faire de l'autre inaltérable classique de la SF américaine un hit ultra-moderne, dégraissé de toutes les kitscheries qu'un public jeune incline en règle générale à considérer d'un oeil vitreux. Maintenant, si la solennité guerrière qui se dégage de ce plan ("aux armes, citoyens !"), et par extension de toute la bande-annonce, semble annoncer un retour au sérieux papal des Star Trek nouvelle formule, je ne peux pas croire une seconde que Disney n'ait pas aussi lorgné avec gourmandise la décontraction façon "marcel et visière à l'envers" des Gardiens de la Galaxie.

Four cosmique prédit par les plus pessimistes, mais carton au box-office à l'arrivée, le gros sucre d'orge de Marvel a surtout eu le mérite de prouver qu'il restait encore des armées de spectateurs de tous âges pour une vision ambitieuse (à défaut d'être réussie) du space opera. Entre deux escarmouches spatiales, les successeurs en fer blanc de C3PO et R2D2 ne devraient pas rater une occasion de faire les marioles. Et si jamais les rires ne fusaient pas en nombre conséquent dans les salles obscures, qui sait, la firme aux grandes oreilles pourrait dépêcher Jar-Jar Binks lui-même afin de déverrouiller les zygomatiques. Plus de quinze ans après La Menace Fantôme, le batracien abhorré peuple toujours les mauvais rêves des fans de Star Wars. On a même vu passer ces jours derniers sur la Toile un détournement un peu particulier du tout nouveau poster "à la Drew Struzan" (enfin, faut quand même le dire vite, hein) de l'Episode VII : comme de coutume, dépêchons-nous d'en rire avant que ça ne devienne réalité

Matthias : Star Wars, martial ? Oui, mais c'est un peu dans le titre, quand même, non ? Pour le coup, ce côté "sur la brèche" renvoie évidemment au film de guerre, origine essentielle du film de Lucas, plus encore que le Space Opera, genre d'abord littéraire ne l'oublions pas, et probablement assez loin de cette esthétique "dépouillée" de la première trilogie. Je trouve au contraire que ce plan excite notre imagination : on peut s'imaginer tout autant sur Yavin, avant l'attaque, que sur Hoth, avant la fuite - deux situations presqu'opposées. Reste ce personnage qui a l'air perdu, déjà ailleurs, dans ses pensées, ses souvenirs, ses craintes, on ne sait pas. Plutôt une très belle image, qui nous évoque une situation, confuse, et au coeur de celle-ci des personnages, d'abord et avant tout. Très spielbergien, en effet. Le Chef de gare avait raison d'évoquer au sujet d'Abrams et de son Star Trek, le souci authentique du bonhomme de "toucher" son public : et lui rendre son film, c'est d'abord lui rendre ses personnages. Et, ça pour moi, c'est aussi la magie de Star Wars : on aime Luke, Leia et Han, en tant que personnages, qui débordent de la seule narration des films. Si Abrams parvient à nous "rendre" ça - et à nous faire aimer d'autres personnages - alors d'une certaine façon, cela me suffira. 



Je le répète beaucoup durant ce mois, mais vraiment, ce qui compte au moins autant que les ciels étoilés dans ces films, c'est l'amour au fond du coeur. Le message de Star Wars, c'est celui-là : Luke, à la fin, sauve son père pour cette seule et unique raison. Tout le reste, ce n'est que de "l'environnement". C'est évidemment très sentimental, mais c'est aussi tout simplement universel. C'est ce qui fait de ces personnages les équivalents d'Arthur, Guenièvre et Lancelot, ou Neo, Morpheus et Trinity... Des histoires d'amour, entre amants, parents, amis... Juste des histoires d'amour. 

Chef de Gare: Ouh, toi, t'as vraiment envie de nous parler de Interstellar !

Lee Van Cleef : Gentlemen, je vous admirerais presque de réussir à voir autant de choses excitantes (des personnages charismatiques, de tragiques destinées emmêlées d'aussi inextricable manière que le noeud gordien, des péripéties à bondir de son strapontin) dans un travelling ordinaire où l'acteur John Boyega, qui m'inspire décidément les plus sombres inquiétudes depuis le tout début, promène aimablement son faciès élastique pour une fois au repos. Peut-être même un peu trop, vu que la bobine en question ne raconte, du coup, plus des masses de choses... Ou alors, tout simplement, ne s'agirait-il que d'une de ces flambées d'excitation, qu'un rien suffit à alimenter, dont est coutumière la communauté geek. Un univers dans lequel je n'ai, sauf erreur de ma part, qu'un seul pied posé. Ceci dit sans une once de cynisme goguenard, n'allez pas croire ! Car moi aussi, sous des dehors blasés, comme un vieux forban plus guère capable de s'émerveiller, c'est de pied ferme que j'attends ce nouveau départ vers les étoiles.

Chef de Gare: Un pied chez les geeks Van Cleef ? C'est un de plus que moi ! J'ai horreur de ce sobriquet- et comme Matthias, je ne me reconnais absolument pas dans ce que nous renvoie cette soit-disant communauté. En tous cas, ce qu'on ne pourra pas enlever à Abrams, c'est d'avoir réussi jusqu'au bout à négocier avec Disney un dévoilement très limité du Réveil de la Force. C'est plaisant de ne pas se faire tirer la manche à grand renfort de money-shots et de boum-boums in the face. Voilà qui, avec une certaine élégance, nous fait mesurer son respect pour Star Wars, et sa conscience de son statut bien à part de pierre philosophale de la pop-culture. Quoi qu'il arrive maintenant, il nous aura ainsi offert quelques mois de rêveries bien douces.









1 commentaire:

  1. Woh ! Chef Pierrot, le coup de crayon de tes vertes années était déjà mortel, et ton imagination d'enfant ne s'embarrassait d'aucune frontière ! Et non, je ne vois vraiment pas ce qui pourrait te faire penser que je fais rien qu'à me payer ta poire. Ces bassesses-là n'ont jamais été de mon ressort, enfin...

    RépondreSupprimer