mardi 21 avril 2020

9/31: Les deux tours (the two towers) 2002






ça marche comment ?

C’est l’affrontement entre Gandalf et le Balrog, créature du Premier Âge, qui permet au magicien de passer du gris au blanc. Tout cela est un peu mystérieux dans le film, peut-être un tout petit peu moins dans le roman - et vaguement plus clair pour qui connaît sur les doigts la mythologie tolkienienne, qu’on trouve notamment dans le Silmarillion, oeuvre qui n’était pas destinée à la publication par son auteur, rappelons-le.

Bien entendu, regarder le film de Peter Jackson n’est pas lire le chef d’oeuvre de l’auteur britannique. Nous sommes au cinéma, il y a trois films - là encore on peut peut-être rappeler que les trois romans du Seigneur des anneaux ne sont que le fruit d’une « obligation » éditoriale, Tolkien n’ayant jamais envisagé son récit que dans son unicité - et Gandalf a disparu dans le premier épisode, lors du franchissement de la Moria, scène-pivot de La Communauté de l’anneau, qui faisait passer les personnages, et les spectateurs avec eux, de la naïveté à la terrible prise de conscience des sacrifices qu’allait induire leur expédition vers le Mordor.

Et pourtant à l’amorce de ce deuxième épisode, un prologue nous présente ce qui était resté hors champ dans le premier : le fameux combat entre Gandalf le gris et ce Balrog infernal, créature à la puissance comparable à celle de Sauron, le grand méchant. Dire de cette affrontement qu’il est épique, c’est peu dire : le choc entre les deux puissants - car Gandalf est issu du même Âge ancestral que son antagoniste - défie même l’espace et le temps. La mise en scène échevelée de Jackson, avec ce plan au milieu du combat qui nous présente depuis un point de vue lointain les deux combattant comme deux points de lumière chutant dans les profondeurs d’un abîme sans fond, accompagnée de la musique exaltée de Shore, tout cela nous annonce dès le début du film ce que l’on va finir par découvrir dans la suite du récit : Gandalf n’est pas mort.

Ou plutôt, dans l’univers de Tolkien, Gandalf, s’il a succombé d’une certaine façon à sa lutte démesurée avec le Balrog, s’est éveillé à une nouvelle vie, une nouvelle conscience, un nouveau pouvoir, symbolisé par cette couleur blanche, qui si elle traduit un niveau de puissance plus élevé, trahit également une distance plus lointaine avec ses camarades de la communauté. 
Car c’est ainsi chez Tolkien - peut-être plus que chez Jackson - le pouvoir isole, éloigne, rend plus inaccessible à la tendresse et à l’amitié. Le pouvoir aliène.

Tolkien ou Jackson, c'est toujours la perspective qu'il faut choisir quand on déplie les films. Tout l'affrontement avec ce monstrueux Balrog, du point de vue de la narration suit exactement le récit de Tolkien. Il y a même une pulsion illustrative presque exhibitionniste chez Jackson: comme tu le rappelles, tout nous est montré, par retour en arrière sucessifs, de ce combat de titans. Chez Jacskon, il faut faire image, ce qui est quand même intéressant face au texte de Tolkien, qui est à la fois très riche en informations visuelles, et très peu cinématographiques. Je pense que Tokien n'avait aucun interêt pour le cinéma. Mais il y a aussi, chez lui, et ça fait écho au cinéma de Jackson, un goût de l'image pour elle-même. Par exemple, quand à la nudité de Gandalf dans la scène, Il précise dans une lettre: "C'était seulement employé dans le sens littéral. "Sans vêtements, comme un enfant" (et non "désincarné") " Dont acte: Jackson assume complètement cette vision du vieillard dans la neige.

On n'est pas chez Roméo Castelluci non plus, mais dans une production presque hollywoodienne, c'est drôle que Jackson trouve à appuyer son penchant pour la provocation sur le respect, ce coup là, du vénérable et intransigeant professeur d'Oxford. De même que Gandalf passe "hors de la pensée et du temps", c'est tel quel dans le texte, et là encore, Jackson a ce besoin naïf, que je trouve très beau parce que c'est vraiment un rapport au cinéma très enfantin et premier, de chercher à le montrer. D'où cette vision complètement kitsh !

Alors Comment ça marche ? Dans le cas de Gandalf, tout naturellement: il est prévu pour ça- tout simplement c'est un Maia, une créature équivalente à un ange dans la hiérarchie des divinités d'Arda, dont la Terre du Milieu est le continent central. Le Balrog occupe d'ailleurs exactement la même place que lui, puisque c'est aussi un Maia, dévoyé par le pouvoir corrupteur de Morgoth, dont Sauron fut le serviteur. Gandalf "est vraiment mort et a été transformé", pour Gandalf la mort est un passage à prendre vers un pouvoir étendu, rendu nécessaire par la gravité de la menace que fait peser Sauron sur le monde à ce moment là. C'est une sorte de sacrifice auquel il consent. Je crois que Peter JAckson, pour qui est sensible à cette imagerie, a su rendre formidablement la dimension allégorique- même si Tolkien disait détester le mot- de ce combat de la lumière et des ténèbres. Tu parles de son passage du gris au blanc: c'est ce qu'on retrouve dans le décor enneigé de la scène, qui prépare son changement de costume. Gandalf représente, et est associé picturalement à la lumière, après sa mort, il revient en ayant encore augmenté son rayonnement. Ah ! on se retrouve à écrire de ces choses quand on parle de Tolkien !

ça vaut le coup ?

En tout cas, on est content - et donc finalement pas très surpris - de retrouver Gandalf. Déjà parce que tout le monde aime bien Gandalf, en dépit de son côté un peu bougon et assez mélancolique, mais comment ne pas l’être quand on a son âge, et son expérience - avec quelques milliers d’années de moins, je me sens souvent un peu Gandalf… Et que Ian McKellen est parfait, absolument, dans le rôle. Difficile même d’imaginer Gandalf autrement que sous les traits à a fois altiers et malicieux du britannique. C’est même là sans doute l’une des limites de cette adaptation, et partant de toute adaptation : il devient difficile parfois de se débarrasser des images qui nous sont proposées pour nous souvenir de nos propres images, aussi imparfaites fussent-elles. C’est particulièrement vrai dans ce genre particulier de la fantasy, dans lequel tout l’univers est à inventer. Alors bien sûr, un magicien, c’est un magicien. Mais qui aujourd’hui parviendrait à imaginer un magicien avec une autre allure que celle de Gandalf le blanc ? 

Il y aurait bien peut-être le physique altier et malicieux d’un autre célèbre britannique, qui incarna en son temps une autre créature fantastique, le Comte Dracula : l’inoubliable Christopher Lee.

Je n’aurai jamais imaginé voir un jour qualifié de « malicieux » Christopher Lee !

Qui interprète dans la trilogie de Jackson Saroumane le blanc, à la fois mentor de Gandalf, et depuis sa résurrection, son égal. Evidemment de là à voir une filiation entre les deux acteurs… M’enfin, la période a changé : quand Christopher a grenouillé une bonne partie de sa vie dans les eaux troubles du cinéma de série B, McKellen lui a eu droit aux superproductions de Jackson ou de Singer avec la série des X-men. Au fond, tout cela n’est peut-être pas très différent, mais les moyens et la reconnaissance ne sont certes pas les mêmes !

On  s'égare un peu, mais Christopher Lee a quand même joué dans la trilogie Star Wars des années 2000, on fait pire comme série B. Et oui, je pense que le Seigneur des Anneaux c'est quand même autre chose que Bryan Singer.
Si effectivement, la colonisation de l'imaginaire successive au succès des films de Peter Jackson peuvent rendre un peu triste, quel authentique amateur de fantasy aurait pu ne pas vouloir les voir ? Pour eux- pour nous quoi !- ça vaut le coup, et pas qu'un peu.

Qu'on se replace dans la logique industrielle du cinéaste, qui était complètement épargnée à Tolkien- sinon que son livre a du être coupé en trois à  cause du prix du papier après guerre- ce que Jackson a réussi à accomplir est prodigieux- industriellement, techniquement, artistiquement. Notre scène du jour, par exemple, n'a aucune utilité narrative- typiquement c'est une scène que tu pourrais enlever sans qu'il ne manque rien. Non seulement Jackson la garde, mais il la fait sans en rabattre aucun des aspects: c'est spectaculaire, aucune des images les plus "limite" ne sont esquivées: on voit ce tout petit personnage vaincre cet énorme monstre- à l'écrit une telle différence de taille ne se voit pas, à l'écran c'est particulièrement dur à vendre- le voyage dans le cosmos de la réincarnation, le tout avec cette caméra opératique qui en ajoute encore dans le lyrisme. C'est ce que j'aime chez Jackson, cette façon d'y aller à fond dans l'imagerie et l'imaginaire, et de dire au spectateur, en substance: si c'est trop baroque pour toi, c'est que tu rêves pas assez fort.

Donc pour Gandalf, passer à ce stade supérieur de puissance vaut la peine. Comme tu dis, il est littéralement « radieux » ! Même s’il est un peu devenu autre : « Je suis Saroumane ». Ote-moi d’un doute : dans le roman, c’est vraiment beaucoup plus franc, cette comparaison entre les deux ? Il n’y a pas ce « ou plutôt Saroumane tel qu’il aurait dû être », qui apparaît comme une vague explication en fait incompréhensible… Toujours est-il que ses camarades ne sont pas seulement heureux de le retrouver, ils en sont sidérés : « cela ne se peut pas ! », dans le sens religieux du terme : voir Legolas qui tombe à genoux devant le magicien et lui offre, pieux et fervent son arc - Legolas n’a pas d’épée, il a un arc, dont il se sert plutôt bien… On voit bien là encore la dimension tout de même fortement teintée de notre religiosité chrétienne qu’on trouve dans ce motif de la résurrection. C’était le cas dans plusieurs films que nous avons croisés cette semaine, avec Highlander ou Matrix, et c’est encore le cas, même dans un univers tout de même aussi éloignée du christianisme que celui de Tolkien. La résurrection est tout au moins dans le film perçue par les autres personnages comme quelque chose de l’ordre du miracle, et est filmée comme telle : la lumière blanche, l’air presqu’absent du personnage, qui regarde au-delà de son horizon, même la courte séquence très 2001, l’Odyssée de l’espace, et partant très divine dans sa forme, tout participe d’une lecture de ce motif sur le mode religieux. 
A ce sujet tu parles de style « baroque », on est en plein dedans : Jackson incarne en effet un genre de « contre-réforme » cinématographique contre tout ce cinéma qui n’y croit plus. Lui, il y croit plus que jamais, et veut nous emporter avec lui. Evidemment que ce cinéma me touche. Et j’ai vraiment adoré ces trois films du Seigneur des anneaux, même si, on s’en touchait un mot tout à l’heure, cette vision du roman est inscrite désormais dans une époque, qu’elle a très largement participer à façonner, mais par là même a « réduit » il me semble l’oeuvre de Tolkien. Mais Jackson au fond n’y est pour rien : c’est le temps qui passe d’une part, et surtout l’immense puissance d’évocation de la littérature sur l’ostension essentiel du cinéma d’autre part, qui jouent contre lui… Mais là, je suis déjà dans la question suivante…

J'allais justement te parler de cette réplique faiblarde ou Gandalf se compare à Saroumane. Clairement, tout au long de la scène, on a essayé de nous faire passer la silhouette de Gandalf pour Saroumane- et le montage de tout ce qui se passe aux abords de la forêt de Fangorn jusque là a fonctionné sur ce suspense. Encore une fois, comment en vouloir à Jackson de vouloir faire du cinéma avec son matériau ? Et bien le roman fait exactement la même chose ! "c'était un funeste fantôme de Saroumane que nous avons vu la nuit dernière. J'en suis sûr, même à la lumière du matin. Peut-être ses yeux nous observant-ils de Fangorn en ce moment même", dit Gimli le nain, au début du chapitre adapté dans cette scène, Le cavalier blanc. Et cette réplique "En vérité je suis Saroumane. On pourrait presque dire Saroumane tel qu'il aurait du être !", je te la recopie du livre. Il faut toujours faire attention quand on a l'impression que Jackson trahit les livres. Je crois qu'il les a sincèrement lus avec sa sensibilité, mais qu'il a eut la volonté tout du long d'être fidèle à Tolkien. Mais en tant que cinéaste, pas lecteur. Et dans le livre, c'est Gimli qui tombe à genoux, pas Legolas...
Pour continuer l’exégèse du texte, vu qu’on est entre nous , et pour conclure sur le sens que Tolkien donne à la comparaison avec Saroumane, il l’éclaire lui-même, encore une fois dans une lettre, et cela explique aussi la mort, nécessaire de Gandalf : « C’était pour lui un sacrifice de périr sur le Pont en défendant se compagnons, moins peut-être que pour un homme ou un hobbit mortel puisqu’il avait un pouvoir intérieur bien plus grand que le leur ; mais d’avantage également puisque c’était faire preuve d’humilité et d’abnégation, en conformité avec les « Règles » : pour autant qu’il le savait à ce moment-là, il était la seule personne capable de diriger avec succès la résistance contre Sauron, et toute sa mission à lui était vaine. Il s’en remettait à l’autorité qui avait décrété les règles (…) C’est ce que, je dirai, l’autorité désirait comme contrepoids à Saroumane. (…) La crise était devenue trop grave et exigeait un pouvoir accru. Gandalf s’est donc sacrifié , a été accepté et rendu plus fort, et il est revenu »

c’était mieux avant ?

Comme je le disais un peu plus haut, le statut de la puissance chez Tolkien est ambigu : le pouvoir comporte une part de violence qui est irréductible, et cette violence implique une altérité dont l’expression ultime est précisément l’Anneau unique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Gandalf ne fait qu’accompagner la Communauté de l’anneau, ce n’est pas lui qui le porte jusqu’au Mordor, le pouvoir d’attraction de l’anneau lui apparaît trop tentant. Il n’y a qu’une faible créature qui peut porter cette objet de puissance, parce qu’elle ne se sentira jamais en capacité de la dominer. Tout de même dans cette histoire, on ne peut s’empêcher de lire une certaine morale qu’a tiré Tolkien de sa vie, et sans doute de son expérience de la guerre, comme jeune officier durant la Bataille de la Somme en 1916. L’indicible non seulement de la proximité avec la mort, certes, mais aussi la monstruosité des moyens engagés durant cette guerre, face auxquels l’individu, l’homme, n’est plus rien, ne compte pas plus qu’une bestiole invertébrées, tout cela ne peut pas ne pas avoir compté dans l’écriture de son oeuvre, même s’il s’en est souvent défendu. Il me semble en tout cas que cette expérience, en plus de l’immense érudition du professeur d’Oxford qu’il était bien entendu, infuse son oeuvre. Un sens du tragique de la condition humaine, tout simplement.
Que reste-t-il de cela dans le film de Jackson ? A mon sens, tout de même, en dépit du plaisir que j’ai devant ces trois (très) long-métrages, cet aspect me semble un peu passer à la trappe. On fait un magnifique voyage, on vit des aventures incroyables, des choses folles, presqu’inimaginables à la lecture prennent vie sous nos yeux, mais la dimension philosophique du récit est un peu sacrifiée. Du moins dans la réception que j’en ai eu. Et cette scène de la résurrection de Gandalf m’en semble l’un des exemples frappants : il ressuscite, voilà qui est formidable, l’aventure peut continuer… Je crois que je préférais le lyrisme un peu excessif de la scène de sa mort, et de la réaction de ses amis, dans l’épisode précédent. Il y a aussi tout simplement que l’on est effectivement au début du film des Deux tours, et qu’on ne met pas un point d’orgue au tout début d’une partition. 

Alors pour toi, Jackson, il l’a le sens du tragique ? 

Non je crois pas, pas fondamentalement non. Il est capable de lyrisme, ça oui, mais je crois pas du tragique.
Est-ce que la fin de Heavenly Creatures est tragique ? Est ce que Lovely Bones est tragique ?
S'il est un parcours dans le Seigneur des Anneaux qui est tragique, c'est celui de Frodo. Et je n'ai pas l'impression que ce soit
ce que Jackson réussisse le mieux. C'est pour ça que je préfère, comme "hobbit", MArtin Freeman en Bilbo. ça correspond infinment mieux
à la pesronnalité de JAckson je trouve.
Mais cela dit, Tolkien non plus, pas tellement. Il est trop croyant !
Par contre, une chose qui est très affirmée chez Tolkien, et qu'on ne perçoit pas chez Jackson, c'est que pour Tolkien, encore une fois, c'est une position très catholique: il n'y a pas de victoire sur le mal. ça n'a pas de sens. Il y a des périodes de répit, mais le sens "politique" du monde des hommes, pousse, pour lui, comme un mouvement de balancier, à voir un retour du mal après une période de règne du bien.

Pour le coup, ça c’est très tragique : on ne fait que gagner du temps sur quelque chose d’inexorable. Une conception du monde qui nous est devenue un peu étrangère, au profit d’une vision sans doute plus dynamique : il faut dépenser pas épargner.
La mélancolie est présente dans les films, toutefois. Peut-être parce que Jackson adopte, comme on le dirait pour un animal, le point de vue des Hobbits, et de Frodon et Sam parmi eux. Le lyrisme, l’héroïsme, tout cela, il le sert magnifiquement dans quelques-unes des scènes les plus fameuses de la série : la Moria, le gouffre de Helm, la bataille des champs du Pelennor, avec d’ailleurs un goût tout cinématographique pour les Rohirrim et leurs chevauchées fantastiques. Mais on sent tout de même que les héros un peu trop propres sur eux, ça l’intéresse moins, l’ancien sale gosse qui a commis Bad Taste comme premier film. Franchement, il se fout un peu de sa gueule à Legolas, non ? L’interprétation de celui-là pour le coup, on aimerait bien l’oublier… globalement d’ailleurs, tous les elfes apparaissent plutôt peu intéressants dans les films, en dépit de la prestation plutôt bien celle-là de Hugo Agent Smith Weaving dans le rôle d’Elrond. Mais sinon, on sent que son intérêt, même plastique, se porte d’abord sur les Hobbits, éventuellement sur les Hommes, et parmi eux, les plus « cabossés » comme Boromir ou Faramir, ou bien sûr, Eowyn, qui a dans le film une place plus importante que dans le livre, dans mon souvenir. 

Tu es mon ami, mais je crois que je ne suis pas tout à fait d'accord avec tout ça.
Legolas... à la fois, il s'en moque un peu, oui, mais en même temps, il lui fait faire des exploits certes improbables et qui font sourire, mais sur un mode hyperbolique qui le valorise. Finalement, les exploits des héros dans la tradition orale celtique ou dans les saga nordiques sont racontées avec une exagération similaire. Sur le traitement des elfes... là j'ai plutôt l'impression que c'est de Tolkien que Jackson se moque un peu ... Ou plutôt de l'imagerie associée aux elfes- pour aller vite, on va dire par le biais de la culture "donjons et dragons", qui en fait, n'a de rapport que très superficiel avec Tolkien. Par contre, le travail plastique sur les elfes est très important, pardon. Tout le travail sur Rivendell, tant la photographie, que la direction artistique, c'est largement aussi poussé que le reste. Idem quand on arrive au gouffre de Helm. Le fait est que les elfes de Tolkien ont une grâce très littéraire, je crois, qui passe mal à la moulinette de la surincarnation du cinéma de Jackson. Là il fallait un cinéaste chinois peut-être... Du coup, si il se fout de la gueule de elfes, c'est toujours un peu un sale gosse JAckson non ?

Cette discussion pourrait être développée dans beaucoup de directions... Outre le talent purement cinématographique de Jackson- qui le place hors d'atteinte de tout ce qui se fait en fantasy au cinéma depuis qu'il s'y est mis, et pas qu'un peu- on voit bien que les films posent des questions très excitantes en tant qu'adaptations littéraires, et qu'ils relaient bien ce pouvoir d'attraction particulier du livre, qui fonctionne comme un emboîtement de poupées russes, dont l'ouverture de la première provoque un émerveillement juste un tout petit peu moins fort que celui qu'on s'imagine éprouver en ouvrant la suivante. Au fond, ces films- j'inclue Le hobbit dedans- fonctionnent comme autant de manifestes d'un rapport à l'imagerie, à la mythologie, à l'imaginaire unique, inégalé malgré son immense influence, qui dépasse le cadre de l'analyse pour n'être, dans leur meilleurs moments, qu'une pure célébration de l'ivresse que procure l'imagination roue libre. Je les adore.

Les citations de Tolkien sont extraites de la lettre 143 dans Tolkien, J.R.R., Lettres, Paris, Christian Bourgois, 2005, 720 p.

La citation du Seigneur des anneaux est tirée du chapitre 5 du livre III, Le cavalier blanc. La traduction est celle de Francis Ledoux. 



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