vendredi 17 avril 2020

5/31 : SOS Fantômes (Ghostbusters) 1985






ça marche comment ?


En croisant les effluves. C’est un peu radical et donc franchement risqué, mais quand ça marche, sans même le savoir, ça permet de ressusciter sous sa forme humaine la dernière petite amie de Venkman, la belle Sigourney Weaver, qui incarne dans ce SOS Fantômes la violoncelliste Dana Barett, devenue par la grâce de Gozer, antique divinité sumérienne, la créature Zuul, la Gardienne de la porte, celle interdimensionnelle qui devait permettre à l’entité maléfique d’accéder au New York City de ces mid-eighties. Cette résurrection concerne d’ailleurs aussi le personnage plus falot de Louis Tully, interprété par le désopilant Rick Moranis, qui était devenu quant à lui, le Maîtres des clés. Les deux avaient été transformés en monstres vaguement canins par un Gozer à l’allure de punkette érotomane, motif décidément très en vogue en cette année 1985, si l’on se souvient du strip-tease funéraire du Retour des morts-vivants

Alors que le fameux croisement des effluves a détruit les idoles archaïques, et a littéralement pétrifié les deux monstres, réduits ainsi à l’état de sculptures monumentales renversées cul par dessus tête, les deux possédés finissent par émerger de ces carcasses de pierre, ne sachant plus vraiment ni où ils sont, ni même complètement qui ils sont. Il suffira d’un regard langoureux pour rendre à Dana tout ses esprits, et à Venkman sa belle conquête. 

Bien entendu, tout cela n’est pas très sérieux, et l’on imaginait bien, même si l’on feint un instant le contraire, que tout allait bien se finir pour la bande des quatre chasseurs de fantômes et leurs amis. Et il faut vraiment toute la virtuosité de Bill Murray pour nous laisser croire d’abord que, dommage pour lui, sa chérie a disparu dans les flammes de l’enfer qu’il a lui-même déclenché. « Oh, Venkman, je suis désolé, j’avais oublié… », lui glisse son camarade. Et vraiment on l’est pour lui à ce moment précis du film… avant de se réjouir, avec lui, du réveil in extremis des deux personnages que l’on pensait perdus. La musique alors réjouissante d’Elmer Bernstein souligne ce retour à la vie pour les deux camarades, mais aussi pour Venkman lui-même : son amour est de retour, les monstres sont vaincus, « on peut dire qu’on est comblé », la vie est belle, « j’adore New York », comme le hurle Winston Zeddemore en riant avant que l’on enchaîne sur le générique de fin en forme de fusion entre le récit et les saluts d’un spectacle de café-théâtre, le tout sur la chanson de Ray Parker Jr. L’une des fins les plus jubilatoires du cinéma fantastique, il faut bien le dire !


ça vaut le coup ?

Evidemment que ça vaut le coup ! Il y a un plaisir de gosse évident dans cet séquence finale, avec ces personnages qui disparaissent sous la guimauve du monstre chamallow, et qui au moment de réaliser qu’ils s’en sont sortis s’interpellent comme dans une blague : « ça va, toi ? - et toi, ça va ? oui, ça va, et toi, ça va ?… » mais avec une affabilité toute cool assez typique des années 80’, lorsque le genre ne s’était pas encore engoncé ni dans un sérieux parfois empesé comme aujourd'hui, ni, surtout, dans un second degré dont il n’était certes jamais loin, mais qui laissait toujours sa place au récit, à et à l’émotion simple d’aimer une histoire et des personnages. De plus, si l’absurde n’est pas absent de cette scène, et de tout ce film, avec un humour qui n’est parfois pas loin de la moquerie affectueuse que l’on pouvait trouver chez les Monty Python en Angleterre, ou, un tout petit peu plus tard, chez les Nuls en France, et si les codes de la télévision ont déjà envahi dans ce milieu des années 80’ le grand écran, Bill Murray vient du Saturday Night Live ne l’oublions pas, de même que Dan Aykroyd, cela n’empêche pas quelques belles idées de cinéma : ainsi du monstre de pierre que déchiquètent les camarades comme on le ferait des enfants d’un paquet cadeau ou même d’un gros gâteau, dont ils se seraient déjà empiffrés de la crème chantilly qui l’enrobe, ou encore de ce masque que porte Tully et qu’on lui retire comme le vulgaire maquillage qu’il est finalement. On s’amuse beaucoup dans SOS Fantômes, avec les personnages, et jamais contre eux, on éprouve ce sentiment tout simple et très espiègle d’avoir avec eux trouvé une bande de copains avec lesquels on va pouvoir « déconner » un peu - comme des enfants pour les plus sages d’entre nous, comme des adolescents un peu plus coquins pour les moins vertueux ! 

Les « saluts » que j’évoquais plus haut illustrent ce plaisir du film choral, dans lequel on s’attache à l’un ou l’autre de ses personnages, plus en phase avec notre propre humeur, notre âge, changeant, notre goût, variable. Si jeune adolescent lorsque j’ai découvert le film, j’appréciais surtout le savant Egon Spengler, c’est aujourd’hui évidemment l’inénarrable Venkman, ce looser magnifique, qui emporte mes suffrages.           


c'était mieux avant ?

Evidemment, comme pour Highlander hier avec le Chef de gare, quelque chose de l’ordre de la nostalgie fonctionne à la vision de ce film, même si je ne l’ai pas vu à sa sortie, étant trop jeune. Je n’ai en règle générale pas la nostalgie des années 80’, ni au cinéma, ni ailleurs. Cette décennie a vu l’émergence d’une nouvelle manière de faire du cinéma, qui si elle n’est évidemment pas à disqualifier, a toutefois pour la première fois subordonné le septième art à autre chose qu’à lui-même, en l’occurence la télévision des networks américains. Mais malgré cette nouvelle exigence, celle du petit écran vainqueur du grand, ce film conserve un souffle tout à fait héroïque. On y croit, tout bêtement, à cette histoire de chasseurs de fantômes un peu rigolards. 

Et l’économie générale du film, avec le score symphonique de Bernstein, les effets spéciaux soignés d’Edlund, le décor dans son jus de la ville de New York - magnifiquement filmée, l’un des films qui m’a vraiment fait aimer cette ville ! - conserve quelque chose d’un cinéma encore ancré dans la décennie précédente. Un peu comme pour Highlander, on voit bien la direction qu’est en train de prendre ce genre de cinéma, mais ce moment de la croisée des chemins donne un résultat un peu intemporel : à la fois très marqué par son époque, avec ce fantastique urbain farfelu, et pourtant à cheval entre deux autres, avec ses histoires de possession d’une part, et de comédie de success story de l’autre. Dans le même esprit, Peter Jackson dans les années 90’ parviendra à un résultat comparable avec une autre histoire de fantômes, Fantômes contre fantômes. Au fond, peu importe peut-être l’époque à laquelle se déroulent les histoires extraordinaires lorsqu’elles nous racontent ce qui peut nous parler à toutes les époques.

Par contre, il faut bien dire que la suite de SOS Fantômes, ainsi que son remake, viennent bien nous rappeler qu’une telle rencontre entre un film et son époque n’est jamais vraiment renouvelable, sauf à l’état de vague ectoplasme…

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