jeudi 16 avril 2020

4/31: Highlander 1985










ça marche comment ?

On n’en sait rien. [1] Mais le héros non plus. Lui il est tout content de revenir d’entre les morts, mais son entourage ne partage pas son soulagement. Il faut dire qu’on est en Ecosse au XVIème siècle, et que la resurrection de Connor McLeod apparaît vite comme l’œuvre du diable. Le retour à la vie marque pour lui le début de l’exil, la mise au ban du monde des vivants.

Car dans la mythologie propre au film, Connor Mc Leod est un immortel- cette résurrection est aussi la découverte de sa véritable nature, l’écartant du commun des mortels. Si le clan le chasse, ce qu’il découvre être rend désormais impossible pour lui cette vie au milieu des autres qu’il a toujours connue. D’ailleurs, Mc Leod subit une sorte de chemin de croix, et toute la scène est une sorte de pot –pourri des grand mythes chrétiens : à la fois resurrection du Christ, Passion, et exil hors du paradis.
Mais tout cela est exécuté d’une façon très pop et nerveuse, c’est quand même Highlander quoi !

D’ailleurs, si le film n’est pas avare en effet tape-à-l’œil et en trucages optiques fluo, il sait aussi se faire élégant. Ici la résurrection proprement dite est traitée dans l’ellipse, après qu’une scène précédente ai insisté sur le décès de Mc Leod en montrant dans un long plan son cadavre blème. Les réactions des personnages font le reste, une bribe de dialogue explicite les choses pour ceux du fond, mais c’est classe. De toutes façons, Highlander, c’est classe !

ça vaut le coup ?

Au début, c’est un peu dur pour le pauvre Mc Leod, et puis, il se fait à sa condition et traîne son spleen photogénique à travers les époques, jusqu’au présent. Enfin, jusqu’en 1985, puisque c’est l’année de tournage du film. Et dire que le film est bien de son temps est un peu un euphémisme, tant Highlander semble le comble du film 80’s- voire même de ceux qui définissent aujourd’hui l’époque, quand on essaye de la résumer à quelques traits saillants. Là, tout y est : la mise en scène « clip », le rock dans la bande-son, les éclairages en contre jour, les surfaces brillantes qui semblent constamment mouillées, une esthétique urbaine très « néo-noir », et un traitement du fantastique dans une mouvance très affirmée et novatrice à l’époque, qu’on peut, à la louche, faire naître avec Entretien avec un Vampire, en 1976. Et qui cristallise l’image de l’immortel romantique, suscitant l’empathie par les tourments de la solitude inhérente à sa condition, mais restant une figure effrayante par la monstruosité de cette condition justement inhumaine. 

Et cette approche va clairement rencontrer un echo avec son époque, alors que quand la Hammer tente la modernisation avec Dracula A.D 72, ça ne prend pas. Des Predateurs de Tony Scott à Near Dark de Kathryn Bigelow, les grandes réussites esthétiques de l’époque liée au mythe du vampire sont innervées par cette esthétique. Et parmi eux, Highlander, qui troque les vampires contre des « immortels » s’affrontant à l’épée, mais c’est tout comme- est le film du samedi soir de la collection. Non pas que le statut du héros soit traité avec ironie, mais les moyens mis en œuvre sont ceux d’un cinéma qui cherche à accrocher le spectateur, à lui proposer une attraction moderne, ou la soif de dépaysement, d’aventure et de rythme sera étanchée.


c'était mieux avant ?

C’était indéfendable. L’histoire du cinéma a balayé ce film, bien aidé par une surexploitation sans ambition du premier  Highlander. Alors qu'à se sortie en France, pour toute la jeune génération de critiques et de journalistes branchés c'est le film de l'année. Pourtant tout fonctionne là-dedans, et le plaisir que je prends à le regarder reste intact- même si, allez, un peu de nostalgie vient s’y mêler, évidemment.
Highlander, c’est tout une époque, et c’est ça qui est bien ! Bien entendu, on range le film avec ceux de Alan Parker, Adrian Lyne, Hugh Hudson, mais Highlander a pour lui quelque chose d’adolescent, presque d’enfantin, son récit avance avec l’emballement et la vitesse des histoires qu’on s’invente pour jouer, en se reposant sur la même économie de moyen, qui sont ceux du cinéma et déjà sur le poids de son histoire: parce qu’il a 50 ans de romances hollywoodienne derrière lui, Mulcahy peut se permettre de raconter l’histoire d’Eather et Mc Leod comme un clip. Et je trouve que ça fonctionne merveilleusement : la chanson de Queen est magnifique, Lambert est parfait avec son mélange de fragilité et de malice, les images ont la portée romantique à laquelle elles prétendent- le cinéma, c’est ça ! Et, il faut lui reconnaître ça, Highlander, a crée d’un bloc une mythologie de l’imaginaire populaire reposant aussi sur ses traits de mise en scène. Comme Matrix qu’on évoquait hier !
 
Le film a marqué par sa mise en scène, ses transitions très plastiques entre les époques, sa bande-son rock- même si le score de Michael Kamen s’y fond parfaitement- son esthétique très radicale, mais le film reste un film de personnages- ou plutôt de héros, quelque chose de très feuilletonesque- mais dans lequel c’est la mise en scène qui est reine.
The Crow, en 94, sera être l’exact miroir d’Highlander pour les années 90.
Pour les années 2000, je ne sais pas… C’est là  qu’on a commencé à perdre les metteurs en scène au profit des « écrivains » de film. Aujourd’hui, le feuilleton est principalement télévisé, et c’est le scénariste qui règne. Highlander, ce pur film de faiseur d’images reste donc ce manifeste d’une époque auquel je suis toujours autant attaché. C’est sûrement un peu générationnel, je l’admets, mais Highlander, ça me fait rêver.





[1] Mais on aura des réponses foireuses dans Highlander 2. voir : https://www.youtube.com/watch?v=MJd1ZH1CwFQ

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