ça marche comment ?
On n’en sait rien. [1] Mais
le héros non plus. Lui il est tout content de revenir d’entre les morts, mais
son entourage ne partage pas son soulagement. Il faut dire qu’on est en Ecosse
au XVIème siècle, et que la resurrection de Connor McLeod apparaît vite comme
l’œuvre du diable. Le retour à la vie marque pour lui le début de l’exil, la
mise au ban du monde des vivants.
Car dans la mythologie propre au film, Connor Mc Leod est un
immortel- cette résurrection est aussi la découverte de sa véritable nature,
l’écartant du commun des mortels. Si le clan le chasse, ce qu’il découvre être
rend désormais impossible pour lui cette vie au milieu des autres qu’il a
toujours connue. D’ailleurs, Mc Leod subit une sorte de chemin de croix, et
toute la scène est une sorte de pot –pourri des grand mythes chrétiens : à
la fois resurrection du Christ, Passion, et exil hors du paradis.
Mais tout cela est exécuté d’une façon très pop et nerveuse,
c’est quand même Highlander
quoi !
D’ailleurs, si le film n’est pas avare en effet tape-à-l’œil
et en trucages optiques fluo, il sait aussi se faire élégant. Ici la
résurrection proprement dite est traitée dans l’ellipse, après qu’une scène
précédente ai insisté sur le décès de Mc Leod en montrant dans un long plan son
cadavre blème. Les réactions des personnages font le reste, une bribe de
dialogue explicite les choses pour ceux du fond, mais c’est classe. De toutes
façons, Highlander, c’est
classe !
ça vaut le coup ?
Au début, c’est un peu dur pour le pauvre Mc Leod, et puis,
il se fait à sa condition et traîne son spleen photogénique à travers les
époques, jusqu’au présent. Enfin, jusqu’en 1985, puisque c’est l’année de
tournage du film. Et dire que le film est bien de son temps est un peu un
euphémisme, tant Highlander semble le comble du film 80’s- voire même de ceux
qui définissent aujourd’hui l’époque, quand on essaye de la résumer à quelques
traits saillants. Là, tout y est : la mise en scène « clip », le
rock dans la bande-son, les éclairages en contre jour, les surfaces brillantes
qui semblent constamment mouillées, une esthétique urbaine très
« néo-noir », et un traitement du fantastique dans une mouvance très
affirmée et novatrice à l’époque, qu’on peut, à la louche, faire naître avec Entretien avec un Vampire, en 1976. Et
qui cristallise l’image de l’immortel romantique, suscitant l’empathie par les
tourments de la solitude inhérente à sa condition, mais restant une figure
effrayante par la monstruosité de cette condition justement inhumaine.
Et cette
approche va clairement rencontrer un echo avec son époque, alors que quand la Hammer tente la modernisation avec Dracula A.D 72, ça ne prend pas. Des Predateurs de Tony Scott à Near Dark de Kathryn Bigelow, les
grandes réussites esthétiques de l’époque liée au mythe du vampire sont
innervées par cette esthétique. Et parmi eux, Highlander, qui troque les vampires contre des
« immortels » s’affrontant à l’épée, mais c’est tout comme- est le
film du samedi soir de la collection. Non pas que le statut du héros soit
traité avec ironie, mais les moyens mis en œuvre sont ceux d’un cinéma qui
cherche à accrocher le spectateur, à lui proposer une attraction moderne, ou la
soif de dépaysement, d’aventure et de rythme sera étanchée.
c'était mieux avant ?
C’était indéfendable. L’histoire du cinéma a balayé ce film,
bien aidé par une surexploitation sans ambition du premier Highlander. Alors qu'à se sortie en France, pour toute la jeune génération de critiques et de journalistes branchés c'est le film de l'année. Pourtant tout fonctionne là-dedans, et le plaisir que je prends à le
regarder reste intact- même si, allez, un peu de nostalgie vient s’y mêler,
évidemment.
Highlander, c’est tout une époque, et c’est ça
qui est bien ! Bien entendu, on range le film avec ceux de Alan Parker,
Adrian Lyne, Hugh Hudson, mais Highlander
a pour lui quelque chose d’adolescent, presque d’enfantin, son récit avance avec
l’emballement et la vitesse des histoires qu’on s’invente pour jouer, en se
reposant sur la même économie de moyen, qui sont ceux du cinéma et déjà sur le
poids de son histoire: parce qu’il a 50 ans de romances hollywoodienne derrière
lui, Mulcahy peut se permettre de raconter l’histoire d’Eather et Mc Leod comme
un clip. Et je trouve que ça fonctionne merveilleusement : la chanson de
Queen est magnifique, Lambert est parfait avec son mélange de fragilité et de
malice, les images ont la portée romantique à laquelle elles prétendent- le
cinéma, c’est ça ! Et, il faut lui reconnaître ça, Highlander, a crée d’un
bloc une mythologie de l’imaginaire populaire reposant aussi sur ses traits de
mise en scène. Comme Matrix qu’on évoquait hier !
Le film a marqué par sa mise en scène, ses transitions très
plastiques entre les époques, sa bande-son rock- même si le score de Michael
Kamen s’y fond parfaitement- son esthétique très radicale, mais le film reste
un film de personnages- ou plutôt de héros, quelque chose de très
feuilletonesque- mais dans lequel c’est la mise en scène qui est reine.
The Crow, en 94, sera être l’exact miroir d’Highlander pour
les années 90.
Pour les années 2000, je ne sais pas… C’est là qu’on a commencé à perdre les metteurs en
scène au profit des « écrivains » de film. Aujourd’hui, le feuilleton
est principalement télévisé, et c’est le scénariste qui règne. Highlander, ce
pur film de faiseur d’images reste donc ce manifeste d’une époque auquel je
suis toujours autant attaché. C’est sûrement un peu générationnel, je l’admets,
mais Highlander, ça me fait rêver.
[1] Mais on aura des réponses
foireuses dans Highlander 2. voir : https://www.youtube.com/watch?v=MJd1ZH1CwFQ
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