mardi 28 avril 2020

16/31 : Terminator Renaissance (Terminator Salvation) 2009





ça marche comment ?

C’est la technologie futuriste de Cyberdyne qui permet la résurrection toute militaire en 2018 de Marcus Wright, exécuté en 2003 à la suite d’un braquage qui a mal tourné. Dans l’intervalle, Cyberdyne est devenue la possession de Skynet, l’intelligence artificielle qui a pris le pouvoir et détruit presque toute l’Humanité lors du fameux « Judgement day ». Ce que nous autres spectateurs nous ne savons pas lors de ce réveil, qui a tout de la renaissance comme le dit le titre français, voire de la Genèse même, avec sa nudité originelle, l’éruption hors de la glaise archaïque, le cri primal de la créature, c’est que cette résurrection est une subtile stratégie des Machines pour infiltrer le genre humain, au sens propre comme au sens figuré, comme nous le découvrirons durant le film. 

Le motif de la résurrection au cinéma prend souvent l’une ou l’autre des formes classiques de l’étrange ou du jubilatoire, parfois les deux, comme dans Matrix, autre histoire d’êtres humains en guerre contre des Machines manigançant des stratégies aussi sophistiquées que parfois difficile à faire passer au spectateur. Ces deux sentiments plutôt contradictoires traduisent également une tension qui a à voir avec le cinéma que nous aimons dans ces colonnes : celle qui passe entre enfance et âge adulte, entre le rationnel « ce qui ne se peut pas » et le chimérique « ce qui devrait être ». L’ouverture de ce Terminator Renaissance, ma foi fort honnête - plus en tout cas ce jour que dans mon souvenir - pose ce paradoxe de la résurrection en des termes simples et efficaces, très « terminatoriens » : a-t-on le droit à une deuxième chance ? Ceci est vrai pour l’individu comme pour l’espèce, bien sûr…

Le baiser qu’exige Marcus Wright de la aussi belle qu’inquiétante Dr Kogan, incarnée par la toujours troublante (enfin pour moi) Helena Bonham Carter, traduit cette ambivalence que ne va cesser de déployer le film de McG : entre Eros et Thanatos, « c’est donc cela le goût de la mort », réplique avec une ironie cruelle, à la doctoresse en phase terminale un Marcus en butte au monde et ses fatalités, entre inéluctabilité, comme aurait dit M. Smith, et résolution intime.         

ça vaut le coup ?

Cette résurrection va paradoxalement se retourner contre ses promoteurs, les Machines, qui pensaient utiliser le « nouveau » Marcus Wright pour assassiner John Connor, héros de la Résistance, et Kyle Reese, son futur père, je vous renvoie aux fameux épisodes précédents. A la fin du film, un peu comme d’habitude avec la série des Terminators, tout est à la fois en place pour tenir les épisodes précédents, et ainsi éventuellement boucler l’histoire : John Connor a vaincu Skynet, qui envoie dans le passé des terminators éliminer sa mère, ou lui-même, enfant, adolescent, jeune adulte, etc. et en même temps pour pouvoir continuer l’histoire avec es péripéties et des coups de théâtre toujours plus nombreux. Au fond, tout se passe avec chaque épisode de Terminator comme si l’éternel retour du même devait bien avoir lieu, mais selon des modalités et un agencement qui laissent toujours sa place à la liberté. « No fate but what we make ! », suivant l’adage de Sarah Connor. 

Et ce que l’on fait, c’est la guerre, sans cesse recommencée : il n’y a pas de bataille décisive, cette illusion de pouvoir en finir une bonne fois pour toute, fantasme de tout film de guerre hollywoodien, notamment dans le domaine de la science-fiction, genre auquel appartient au plus haut point ce Terminator Renaissance - nous aurons peut-être l’occasion d’y revenir plus tard dans cette fournée printanière du Train. La guerre ici est particulièrement impressionnante, et McG l’assume comme telle : ballets d’hélicoptères, fusillades nourries, explosions colossales et destructions diverses, mais aussi camaraderie et chaine de commandement, tous les codes du genre sont ainsi convoqués, selon une syntaxe qui pourrait agacer, mais qui correspond bien à cette volonté de nous présenter, dans le respect de ses traditions, si j’ose dire, le monde de Terminator d’après le Judgement day, hors champs des précédents films, dont les quelques rares aperçus ont forcément fabriqués une certaine attente pour nous autres spectateurs. MacG semble nous dire dans ce 4ème opus : vous vouliez savoir à quoi ressemble le futur après Skynet, et bien c’est simplement cela, c’est la guerre, et la guerre est toujours la même, peu importe qu’on l’envisage à l’âge classique ou à l’âge nucléaire…

Pour ma part, sur le plan du cinéma, avec ces longs plans-séquences impressionnants, et son propos simple mais efficace, je reçois aujourd’hui ce récit avec un plaisir de spectateur dont n’est pas absent la touche de mélancolie qui caractérise l’univers de cette série depuis 1984.      

c’était mieux avant ?

Avant, il y avait donc le post-apo pur et dur, celui qui en effet laissait ce monde en ruine dans un (presque) hors champs tellement évocateur. Il y avait aussi le western, avec sa frontière et ses mexicains (encore eux !), vers lequel certains passage du film de McG me semblent toutefois (re)faire signe. Il y avait tout un monde dont le film prend vraiment acte : il rejoue sans arrière-pensée toute les scènes attendues d’un Terminator, depuis l’arrivée du nouveau-venu à l’époque du récit, jusqu’aux punchlines classiques, en passant par les usines aussi angoissantes qu’inhumaines où s’achèvent toujours les affrontements titanesques. Nous avons même le retour, la résurrection numérique !, d’un Arnold Schwarzenegger version 1984, de là à dire que tout est fait pour nous plonger dans la nostalgie… Mais pourtant McG prends en charge le changement d’époque : l’affrontement a désormais tout de la Guerre des mondes, nous sommes bien au XXIème siècle, avec ce mélange de low et high tech qui s’est trouvé validé par le 9/11, au-delà de la science-fiction des films de Cameron. 

« Je sais ce que je suis », finit par nous dire Marcus, qui a pris acte de son hybridation, qui est ce qui lui permet de choisir son camp : 50% homme, 50% machine, 100% Résistant pourrait-on paraphraser un autre fameux Cyborg des années 80’, qui lui aussi (re)devenait ce qu’il était à la fin du film. Ce « gnỗthi seautόn » (« connais-toi toi-même » en grec), loin d’être le mantra individualiste et égotiste du héros des années 80’ tel qu’on l’a trop souvent caricaturé, résonne désormais comme une maxime mélancolique qui n’est pas si loin du « mythe » fondateur du genre, la célèbre créature de Frankenstein. A l’increvable squelette d’acier automatique, Golem de cauchemar, répond le monstre coriace qui cherche des réponses, et décide finalement de fabriquer ses propres réponses. Quitte à embrasser de l’Humanité ce qui est notre partage le plus universel : la mort, pour finir…

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