lundi 27 avril 2020

15/31 E.T l'extra-terrestre (E.T the extra-terrestrial) 1982





ça marche comment ?

Si l’on en croit le scénario, c’est prévu pour marcher tout seul. E.T est un extra-terrestre, et les mystères de son métabolisme restent impénétrables, même pour les scientifiques qui essayent de les comprendre. Mais entre nous et le scénario, il y a le génie de metteur en scène de Spielberg, éclatant dans cette scène comme dans toutes les autres de E.T. Tel que filmée par E.T, c’est bien entendu à l’amour d’Eliott que cette résurrection est due- puisque l’extra-terrestre se réanime après que celui-ci lui ai dit en mots tous simples son amour. Expliquer comment marche la mise en scène de Spielberg est aussi compliqué qu’elle est évidente pour les spectateurs. Il lui a été beaucoup reproché à l’époque les facilités de E.T, c’était sans se rendre compte qu’elles apparaissaient comme telles seulement parce qu’elles n’étaient facile que pour Spielberg. En fait personne d’autre n’est capable d’une telle virtuosité. Il est capable par ses images à la fois de véhiculer des informations, de libérer les émotions exactement au moment où le récit les amplifiera le plus, et d’organiser tout cela en une chorégraphie à laquelle participent tous les éléments de l’image… et du son. On regarde ça les larmes au yeux, mais aussi bouche bée, le souffle coupé.


ça vaut le coup ?

C’est un des plus beaux films qui soit. C’est un cliché, mais si on aime le cinéma, il faut avoir vu E.T.  La récompense d’un film comme E.T c’est l’émotion qu’il nous invite irrésistiblement à libérer. D’ailleurs c’est ce qui a posé problème à beaucoup de critiques à l’époque. Qu’on puisse si facilement apparemment, nous tirer des larmes. Et c’est dans cette scène que le pic lacrymal est atteint. C’est un débat assez typiquement français quand même. Il serait indigne de faire pleurer l’auditoire en employant des moyens déloyaux en quelque sorte. L’idée qu’il y aurait au cinéma des larmes dignes, et des larmes indignes est étrange. On peut mesurer par quels moyens l’émotion est fabriquée, sans pour autant s’interdire de l’éprouver. Et ici, je crois qu’essayer de saisir comment Spielberg nous amène à être tellement ému dans cette scène n’a rien d’indigne, au contraire. La vitre posée entre Eliott et E.T, en fait la porte du sarcophage dans lequel les scientifiques vont le conserver matérialise très simplement cette barrière infranchissable entre le monde des vivant et celui des morts. Ovale posé horizontalement, elle évoque aussi le miroir- et là, c’est un variation du motif qui lie Eliott et E.T à travers tout le film : ils partagent une connexion empathique totale, l’un reflétant les états de l’autre. Enfin le halo nimbe le petit garçon pour en faire une sorte d’icône- oui, E.T est un film qui sacralise l’enfance. Cette lumière autour d’Eliott est d’ailleurs transmise à E.T, littéralement à l’écran, par le mouvement de la porte que le garçon abaisse. Le torse d’Eliott
Le bouquet de fleurs mortes, lui, a circulé à travers les images de tout le film- ici il permet à Spielberg, en quelques plans, de nous renseigner sur l’état de E.T sans avoir besoin de faire des inserts sur lui dans le sarcophage- et du même coup de nous montrer en même temps ce que font les autres personnages. Evidemment, la renaissance des fleurs ajoute une aura magique à celle de E.T, dont on découvre qu’il a le pouvoir de ressusciter ce qui est mort, animal ou végétal. Et on ne parle pas du traitement des scientifiques, de la direction d’acteur, des rapports entre premiers et arrières-plans…

c’était mieux avant ?

E.T est un film sur l’enfance. S’il n’en a pas forcément la nostalgie, c’est indiscutablement un film qui présente cet âge de la vie comme celui ou l’on peut vivre des choses magiques et fortes- littéralement dans le film. Tout comme Superman, E.T est un film à hauteur d’enfant, sauf que là, ce n’est plus le regard de Richard Donner, mais celui de Spielberg, qui est un génie du cinéma, au sommet de son art déjà à l’époque. Même si pour aboutir à un chef d’œuvre, il faut qu’un peu de grâce s’en mêle, un petit miracle inexplicable, permis par la dimension collective du cinéma, et une petite part de hasard. E.T c’est évidemment une très belle histoire de rencontre avec un autre tellement autre, et  qui est pourtant aussi nous-même[1], et une célébration de ce que Spielberg associe dans le film à l’enfance : une forme de croyance refusant les lois du réel, un besoin de justice qui voudrait, au besoin, déplacer les montagnes (ou voler les BMX ), une empathie si forte qu’on peut se sentir mourir avec celui qu’on aime quand la vie le quitte.. Et comme le langage de Spielberg c’est l’image, cela devient cette lumière, que l’on la voit. Elle s’allume au bout du doigt de E.T, ou rayonne dans sa poitrine. L’âme de l’enfance.



[1] Comme le fait joliment remarquer Clelia Cohen,  entre Eliott et E.T, le nom du second n’est que la contraction de celui du premier. Cohen Clelia, Steven Spielberg, Paris, Cahiers du cinéma / Le Monde, 2007, p28.

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