mercredi 17 octobre 2012

Revoir 1982 (17/31): Space Adventure Cobra

HEY BLONDIN !
Cobra le film (Space adventure Cobra)- Osamu Dezaki- 1982- Japon



Certain films ne provoquent aucun réflexe critique, ne suscitent nulle analyse, n'appellent pas le commentaire, et ne procurent rien d'autre qu'une euphorie totale et sans arrière pensée. Space Adventure Cobra est de ceux-là.


En 1982, pendant que René Laloux peine à pousser ses Maîtres du temps sur les écrans de cinéma, et que Blade Runner marque les esprits à jamais, mais pas le box-office américain, la science-fiction demeure un genre populaire. Mais presque exclusivement à travers un de ses sous-genres, le Space Opera, devenu synonyme d'aventure spatiale, voir de divertissement grand public depuis le triomphe de Star Wars. Un choc dont les répliques se font encore sentir. Aux Etats-unis, bien sûr, où le vide généré par l'attente de ce qui s'appelle encore Revenge of the jedi profite aux producteurs de la saga Star Trek qui donnent un bon coup de guidon pour réorienter la série vers des aventures au rythme plus enlevé et au ton directement hérité du film de George Lucas- quand ce ne sont pas les retournements qui sont repris tel quels : Je suis ton fils Kirk ! peut-on entendre dans La colère de Khan. Au Japon aussi, on est encore sous le choc et on a vite sorti la photocopieuse. Délirant, tourné pour une misère, San Ku Kai, le succédané nippon de la saga des Skywalkers est vendu un peu partout dans le monde. Dans son pays natal, le long métrage pilote et la série ont été diffusés avant la distribution de Star Wars, ce qui lui assure un gros succès, et popularise le Space Opera, genre encore inconnu au pays des robots géants. Mais contrairement à la France, le Japon a une culture de la Science-fiction et du fantastique bien installée depuis l'occupation américaine et l'immédiat après guerre. Godzilla est devenu une icône nationale, et le début des années 60 a vu l'adaptation, à la télévision, de deux mangas déjà célèbres :Tetsujin 28 et Astro Boy. Près de 20 ans plus tard, le genre s'est développé, avec des créations chevauchant souvent deux domaines : la bande-dessinée et l'animation. Lorsqu'est entreprise l'adaptation de Cobra, le manga de Buichi Terasawa est publié depuis quelques années déjà. Précédant de quelques mois la diffusion de la série animée, un long métrage sort dans les salles japonaises. La série ne connaîtra pas un grand succès et se limitera à 31 épisodes.





C'est par la France que Cobra va accéder à la postérité, et on peut comprendre pourquoi il est plus populaire ici que dans son pays d'origine. Space Adventure Cobra est peut-être plus que les autres séries japonaises restées en mémoire de cette époque (Goldorak, Albator...) influencé par des genres et une imagerie européens. Influences revendiquée par le créateur du personnage, Buichi Terasawa, qui dit avoir voulu donner à son pirate de l'espace le visage de Jean-Paul Belmondo. Mais l'inspiration ne se limite pas au traits du visage. L'aventurier, dans Cobra, est très proche des personnages de casse-cous gouailleurs et un brin claqueurs de fesses qui ont fait la célébrité de l'acteur dans les années 60, même si cobra n'a jamais la légèreté et l'élégance des films que l'acteur français tourne avec Philippe de Broca. Avec Belmondo comme fétiche revendiqué, c'est tout le cinéma populaire des années 60 que Terasawa veut retrouver.



La recherche de trois sœurs fournit le fil conducteur du récit. Elles cherchent l'amour, elles vont trouver Cobra. Cette romance n'est pas la cerise sur le gâteau : pour les sœurs, l'amour est un besoin vital, c'est par lui seul qu'est possible la survie de leur espèce. Trois personnages que l'on retrouvera- avec la même émotion- dans la série, sous des incarnations légèrement différentes. Jane, par exemple, a des cheveux bleus dans le film, mais blond dans la série. Pour l'anecdote, elle est inspirée de Jane Fonda- Barbarella, cela ne surprendra pas étant un des films fétiches de Terasawa. Il fallait au moins une des actrices les plus belles du monde pour inspirer les créatures qui peuplent l'univers de Cobra. 

Jane Fonda, inspiratrice du personnage de Jane Royal, ci-dessous.





Car en matière de conquêtes féminines, Cobra ferait passer James Bond pour un puceau. Pourtant, dans le film, si cobra apprécie la plastique des girls qu'il croise, ce n'est pas un coureur de jupon et un l'obsédé sexuel qui deviendra un stéréotype de l'anime. Il y a même un contraste assez charmant entre la plastique affolante des jeunes femmes, l'attitude entreprenante de Cobra, et sa gêne dès que l'une d'elles se déshabille et se pâme au pied du viril blondin. Blondin ? Oui, le surnom irait comme un gant au héros, dont l'univers emprunte beaucoup à celui du western italien, l'autre influence majeure de Terasawa. Traduite par les décors de bars spatiaux, affiche de mise à prix, personnages de chasseurs de prime portant leur pistolet à la ceinture. Dans la mise en scène aussi : cadrages s'attardant sur les yeux avant le duel, plan de bottes soulevant la poussière, zoom, il y a une atmosphère et une compréhension du spaghetti western qui dépasse la surface. On est ici dans un vrai métissage, qui ne surprendra pas, tant encore une fois au carrefour des années 60, la rencontre entre le cinéma populaire japonais et italien fut fertile. Space Adventure Cobra en est le digne descendant de ces bâtards.

La série télévisée.
Pour le reste, contentons-nous de conseiller aux amateurs de science-fiction réfléchie et posée de passer leur chemin. Cobra, c'est du feuilleton vitaminé, les idées les plus folles se télescopant dans le seul but de célébrer l'imagination plastique insensée des dessinateurs. Elle tourne à plein régime pendant les 93 minutes du film. Voici un aperçu de ce qu'on verra durant les quinze premières .

Un criminel surnommé le moine fou nous annonce que Dieu est mort, pendant qu'un énorme destroyer stellaire le survole en faisant voler sa cape et la poussière. Poursuivi par une sculpturale chasseuse de prime, il ne peut éviter l'affrontement et déplie une lance rétractable lumineuse pour se battre, juché sur ses pieds mécaniques. D'un coup de pistolaser, Jane décapite le bandit, et enroulant la tête dans un torchon va boire un verre à la cantina locale. La faune locale, une ribambelle de créatures ferait passer l'équipage de Jabba le Hutt pour une réunion d'employés de l'hôtel des impôts de Maubeuge. Rien ne les étonne, pas même la tête encore vivante du Moine, qui s'échappe et vole avec un bruit de mouche. Elle parvient même à actionner avec sa langue un pistolet volé à Jane ! Heureusement que Cobra débarque, transporté par une sorte de sac à dos volant.

Plus tard, vous pourrez voir des femmes avec des étoiles à la place des tétons, un méchant Lord Nekron (Crystal Boy en VO) se passer les doigts dans son corps transparent pour en retirer une côte dont il fera un lance, un cheval de feu chevauché par une des sœurs, totalement nue, une pluie rose sur le pare-brise de Cobra, des splits screen, des effets d'images figées, glissées, des amazones des glaces propulsées sur leur skis par des réacteurs dorsaux, le tout nappé par une musique éléctro planante parfaite, composée pour la version européenne par le groupe suisse Iello...L'inspiration ne faiblit jamais dans Cobra. Une certaine idée de la science-fiction, typique du Japon où loin des écrans hollywoodiens, et encore ignorés du reste du monde, des fans fervents se précipitent au spectacle d'aventures plus folles les unes que les autres, mouvementées, érotiques, drôles, imaginatives. Comme ils ont raison.



4 commentaires:

  1. Cette culture japonaise de la SF est donc d'influence américaine ? Ce sont des strips ou pulps us importés et traduits qui ont crée cette influence ?

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  2. Il est bien admis que l'occupation américaine a généré des liens compliqués d'amour/haine entre la culture américaine et la culture japonaise. le créateurs de Cobra, et des anime/manga marquants des années 80 est de la génération qui a grandi en ayant toujours connu cette présence américaine. Voire le succès du Baseball au Japon, par exemple. Et puis, au moment de Cobra, star wars est déjà passé par là, vu le goût des japonais pour la SF, difficile d'imaginer un terrain plus fertile à une implantation du Space Op' à la Lucas. Si on parle d'influences revendiquée, dans le cas de Terasawa, c'est le Barbarella de Vadim et la tronche de Belmondo. Mais je pense qu'on peux y ajouter sans trop de risques James Bond, les western de Eastwood (Leone, mais aussi Pendez-les haut et court) et évidemment, Star Wars et ses dérivés (Galactica etc...), sans compter que Flash Gordon et les comics américain ont dû être importé dans les années 45-52, même si là, l'influence demanderait à être mesurée sur des bases plus factuelles. ça te paraît improbable que Cobra ait aussi des inspirations de la SF américaine forte ?

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  3. Ca me paraît plus que certain, Cobra est un creuset d'influences, tu vois à quel point ceux qui l'ont fait ont regardé des westerns italiens et pas que Léone, mais avec Léone, c'est le serpent que se mord la queue vu l'influence (pour pas dire le plagiat de Yojimbo pour "Pour une poignée de dollars") de Kurosawa. Mais j'ai atteint l'âge où je dois revoir ce que j'ai vu plus jeune, donc mes souvenirs sont lointains. Je vais ressortir mon coffret.

    Par contre, je n'ai toujours pas vu la nouvelle série et les nouveaux OAV.

    Non, ce que je ne connais absolument pas est l'historique de la perception de la sf chez les japonais via cette occupation. Probablement par les imports/traduction des strips us. En france, cela passait déjà mal dans certains milieux honnissant cette américanisation des esprits, mais alors au japon, je n'ose imaginer le bouleversement culturel (imposé ?).

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  4. Au Japon comme ailleurs, je pense qu'il faut aussi distinguer ce qui a été perçu par le grand public et ce qui a impressionné les créateurs. Tezuka, par qui tout semble avoir commencé, disais sans aucune gène à quel point le graphisme Disney l'avait inspiré. Je crois que le contact des japonais avec la SF a été autrement plus fertile que celui des français, aussi parce qu'il s'est fait par le prisme de l'art du dessin, ce qui a permis le développement du genre via la BD puis l'animation. En France, limitée au seule champ de a BD, la SF imagée n'a jamais pu trouver le chemin d'audiences larges. Mais je n'en sais guère plus que toi sur la façon dont la Sf américaine et l'imagerie japonaise ce sont amalgamé. je serais très intéressant de trouver une histoire bien documentée de la chose, d'ailleurs.

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