Seed of chucky, (Le fils de Chucky), Don Mancini, 2004,
Roumanie, USA, Royaume-uni.
J'ai quand même vu un certain
nombre de conneries au cinéma, depuis le temps que la mouche m'a piquée, et
bien, je n'avais pourtant pas encore vu grand chose. Je n'avais pas vu Seed of
Chucky. Quand un film commence par une coulée de sperme recouvrant un fond
rouge- c'est stylisé, mais c'est ça- on sait tout d'un coup que tout redevient
possible, et qu'est ce que c'est précieux, ça, les amis.
Etrange série que celle des
Chucky. Ouverte par un film d'horreur des plus classiques, parfait représentant
du glorieux sous-genre des poupées tueuses- souvenez-vous: Pupet Master, Dolls,
ou Demonic Toys- le film a, avec son quatrième volet pris un curieux virage.
Confié à Ronny Yu, cinéaste hong-kongais qu'on n'attendait vraiment pas là, La
fiancée de Chucky s'est avéré être une horror-comedy assez drôle, à la photo
soignée, marque de fabrique de Yu, plein d'un sincère esprit de révérence aux
classiques du cinéma fantastique (la citation du titre n'est pas qu'un clin
d'oeil facile), et d'une vraie irrévérence, notamment à travers les
commentaires de la poupée Brave Gars, toujours goguenard dans les situations
les plus scabreuses.
Enfonçant le clou- et le reste-
largement plus loin, Seed of chucky, réalisé par le
créateur du personnage, Don Mancini, relève d'un genre encore bien à la mode en
2004, celui du "meta" film d'horreur, doublement popularisé par Wes
Craven, avec Freddy sort de la nuit,(1994) puis Scream,(1996) avec la postérité que
l'on sait. Mais pour Mancini, le principe du film dans le film est plus un
principe créatif permettant de renouveler ses histoires- et de livrer un
tableau méchant et drôle du milieu hollywoodien- plutôt que de disserter avec
la complicité du spectateur ricanant sur l'invalidité des clichés du genre.
Mancini n'est pas un cynique, il y a même beaucoup de candeur chez lui, ce qui
le rend proche de cinéastes comme Frank Henenlotter ou John Waters. Ce dernier
est d'ailleurs présent dans Seed of Chucky, dans le rôle assez drôle d'un
paparazzi promis à un destin aussi horrible, comme la plupart des
protagonistes.
Gardant un pied dans la tradition
du slasher, le film aligne les meurtres crados avec la régularité typique du
genre, et une inventivité réjouissante: une femme assassinée sous la douche- on
commence donc par du très classique, mais sur le mode de l'hommage, un
photographe crapoteux (John Waters, donc) brûlé par ses produits de développement
dans sa chambre noire, un convive qui se vide de ses boyaux sous un table, sans
que sa convive s'aperçoive de rien, un spécialiste des effets spéciaux
décapités dans son ateliers, découverts par un scream-queen pensant qu'elle a affaire à un bon maquillage avant de
comprendre sa méprise en embrassant le décapité...
Ces meurtres marrants sont
perpétrés par un trio de poupées infernales, car au gré des films, la famille
de Chucky s'est agrandie: ayant retrouvé sa fiancée- dont l'âme est aussi
transférée dans une poupée- le couple a eu un fils, seul survivant au trépas de
ses parents.
Seul au monde depuis des années,
le fils de Chucky vit comme un freak, remisé au fin fond d'une cage lorsqu'il
n'est pas forcé à participer aux performances publiques d'un ventriloque
ordurier au look de fan de heavy-metal.
Le bougre a déniché la poule aux oeuf
d'or: Le fils de Chucky, comme son père est une poupée vivante. Inutile de dire
qu'il est plutôt furax quand un concours de circonstances permet à la poupée de
s'enfuir. C'est que le rejeton de brave gars est torturé par la même question
depuis qu'il est né: est-il bien japonais ? Comment comprendre autrement cette
inscription sur son bras: Made In Japan ?
Mais le vol vers le japon va se
finir à Hollywood, ou au détour d'une scène facile, mais drôle, on découvre que
l'assassinat d'un pauvre hère déguisé en Père-Noël ("je savais que tu
existais pas !" lui lance la poupée en tirant sur la fausse barbe) n'est
pas la suite de l'intrigue entamée avec son fils, mais un film dans le film
consacré aux exploits de Chucky. Mancini se rappelle que les meilleurs sont les
plus courtes, et n'étirent pas au delà du raisonnable les gags intra-diégétiques.
Surtout, la scène lui permet d'introduire la grande attraction du film, la
géniale Jennifer Tilly, dejà présente au générique du précédent, et sans doute
tellement appréciée que le seul moyen de la faire revenir et de lui faire jouer
cette fois "son propre rôle"
Préfigurant la mode des
silhouettes "burlesques" en vogue notamment depuis la médiatisation
de la troupe New Burlesque, Tilly compose un personnage de fausse idiote dans
la plus pure veine d'une Marylin Monroe, charme et fait sourire immédiatement,
et provoque l'admiration quand elle parvient à joue l'auto-dérision sans tomber
dans l'auto-dénigrement. La voir s'empiffrer en cachette de sa coach
personnelle de barres chocolatées, alors qu'elle a promis de s'accrocher à son
régime, ou encore la regarder entreprendre un réalisateur (les yeux fixés sur
sa poitrine) pour le convaincre de lui confier le rôle principal de son
prochain blockbuster, celui de... la Vierge Marie, est vraiment hilarant. Il en
faut déjà, du courage, pour jouer des filles sexy quand on a les proportions de
l'actrice, dans l'hollywood d'aujourd'hui- et comme c'est triste- il en faut
encore plus pour le faire avec lucidité: on rit avec l'actrice-et pas d'elle-
quand elle répond innocemment à un fan qui lui dit que son film préféré d'elle
est Bound, que "oui, les gens l'aime bien celui-là"- on imagine bien
le nombre de fois où la scène a dû se passer en réalité, le film des Wachovski
eclipsant tout le reste dans la filmo de Jennifer. L'auto-dérision délicieuse
de l'actrice- qui ne fait que renvoyer, élégamment, le spectateur à ses propres
attentes et préjugés, est redoublée par le double rôle tenu en fait par Tilly:
elle est aussi la voix de la poupée Tiffany, une voix aigüe, très particulière,
qui rend obligatoire le visionnage du film en version originale.
Mais il n'y a pas que Jennifer
Tilly à voir dans Seed Of Chucky, même si je m'en contenterais amplement, il y
a toutes les horreurs perpétrées par Chucky, et si je vous dit qu'il y a tout
de même une scène dans ce film nous montrant la poupée se masturber en
feuilletant des photos de jeunes filles zombies publiées dans Fangoria, tandis
que John Waters, en paparrazi, caché dans les buissons le prend en photo, vous
aurez une idée du bon goût du film.
Comme c'est souvent le cas dans
ce cinéma extrêmement subversif et grossier en apparence, le fond du récit,
très moral, revèle un message très fleu bleu. C'est le parcours du fils de
Chucky qui porte cette part sentimentale du film. Déchiré entre ses parents,
l'un le voulant fille,l'autre garçon, la poupée passe le film à se demander
s'il est Glen ou Glenda ? (les amateurs d'Ed Wood apprécieront !) Se déterminer
n'est pas simple, car, comme toutes les poupées de sa marque, le "fils"
de Chucky n'a aucun sexe sous ses habits... Un dilemme qui sera tranché en en
choisissant pas: sous l'apparence de Glen, le fils de Chucky (traduction
maladroite, donc !) est un gentil garçon cherchant à faire de ses parents de
bons éducateurs respectueux de la morale. Mais sous la perruque de Glenda, la
graîne de Chucky commet des exactions pires encore que celles de ses géniteurs.
Il faut simplement s'accepter
comme on est, nous dit en substance Mancini, à la suite de James Whale, déjà
mais aussi de Browning, Burton, Henenlotter ou Zombie.
Surtout qu'au fond, on est tous pareil:
on aime Jennifer Tilly, non ?
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