King Kong Lives (King Kong 2), John Guillermin, Etat-Unis, 1986.
On ne se souvient guère qu'après
y avoir sans doute repensé dans un moment d'égarement, Dino de Laurentiis
décida, dix ans plus tard, de donner une suite à son King Kong de 1976. Pourtant, quand on a vu ce King Kong Lives, impossible, croyez-moi, de l'oublier !
Chez Dino, on n'est pas à la
Canon: quand on annonce une suite à un film "prestigieux", on met la
main à la poche. Tourné avec un confort raisonnable, King Kong Lives n'est pas de ces attrape-nigauds chiches dont les
promesses ne sont que sur l'affiche. On a (un peu) d'argent et ça se voit ! Généreux, le film aligne donc à un rythme
soutenu les séquences attendues: exotisme, singe géant, destruction massive,
figurants nombreux et affolés... mais c'est sans aucun doute dans le domaine de
la connerie que King Kong Lives a
bénéficié des plus grandes largesses. Tellement mauvais qu'il en est bon ?
mieux que ça, en fait. Ici, on n'est pas vraiment des amateurs de nanars, mais
ce qui fait tout le sel de ce second Kong, c'est le mélange de sérieux papal et
de semi-parodie qui ravi et surprend bien plus qu'il ne consterne, finalement.
Et quel que soit la bêtise dont
il fait preuve, King Kong Lives
n'ennuie jamais, et se révèle même bien plus divertissant que son prédécesseur.
Grâce, d'abord, à son histoire, qui a le mérite d'être originale, et nous sort
un peu de la routine paresseuse du remake. Et puis, quand même, Dino, il
fallait oser... une suite à King Kong ? Bon, survivre au balles des
helicoptères, admettons, mais la chute des tours du World Trade Center ?
Fier de son audace, le producteur
fait d'ailleurs débuter son film par la conclusion du précédent épisode, se
tirant ainsi une balle dans le pied, tout en mettant la barre assez haut: et maintenant,
qu'est ce qu'on fait? Eh bien, on n'a
qu'à faire n'importe quoi !
Mais pas n'importe comment !
Attention, De Laurentiis a refusé plusieurs scénarios avant d'accepter celui de
Schusett, qui lance pourtant son pitch comme une blague: On n'a qu'a faire une transplantation
cardiaque à Kong Un peu gros ? Qu'à cela ne tienne, on va même situer l'action
en 1986, comme il faudra opérer le singe dix ans après sa mort. Banco réponds
Dino, à qui on n'avait pas encore proposé quelque chose d'aussi bon.
Et la suite est sur les rails !
On commence donc par nous
détailler le laboratoire-hangar dans lequel Kong est veillé par une armée de
médecins, qui se promène sur lui tels les lilliputiens sur Gulliver. On peut
apprécier une certaine poésie dans cette image, d'autant plus que John Scott, comme ces grands compositeurs kamikazes qui
saisissent l'occasion de faire de la grande musique, quelle que soit la qualité
ou le ton des films à illustrer, livre une partition splendide, digne du chef
d'oeuvre de John Barry pour le premier
film, et qui aurait pu illustrer sans rougir le film de 1933 tant elle déborde
d'un romantisme propre à l'âge d'or.
On s'affaire donc au labo, et King Kong Lives bientôt, c'est sûr. Ce
n'est d'ailleurs pas la transplantation qui pose problème aux scientifiques,
c'est la transfusion indispensable à la survie du singe géant à l'issue de
l'opération.
Qu'à cela ne tienne: nous voilà
transporté à Bornéo (à moins que ce ne soit derrière le studio), où
l'aventurier Hank Mitchell se prépare à une sieste bien méritée en pleine
jungle. Tapotant le lit de feuilles qui doit lui assurer le confort d'un
sommeil réparateur, quelle n'est pas sa surprise de voir sa literie s'agiter !
Et pour cause: il allait s'assoupir dans une main de singe géant. Et voilà,
tranquille Dino, en deux plans on a de quoi assurer la transfusion. On devine
d'ailleurs que la technique employée par Mitchell pour trouver son singe doit
avoir été directement inspirée aux scénaristes par leur propre méthode:
l'impératif d'une bonne sieste.
Les trucages du film, malgré les
mensonges d'un Carlo Rambaldi affublé d'un pif à faire rougir le Pinocchio le
moins honnête, sont presque tous réalisé en costumant des acteurs en singes,
suivant la méthode adoptée depuis le début par les kaiju-eiga japonais. Une
proximité technique qui rapproche le film des deux célèbres Godzilla des années
60: King Kong contre Godzilla et La revanche de King Kong. Et c'est bien
à un hommage involontaire à Inoshiro Honda que se livre De Laurentiis et
Guillermin.
Mais privé de l'exotisme propre
aux productions japonaises pour un public occidental, King Kong Lives ne bénéficiera jamais de l'aura de ses fameux
confrères nippons. On mesurera là tout le snobisme dont est capable un public
qui est pourtant le premier à dénoncer celui d'une critique supposément
affublée d'un complexe de supériorité dédaignant massivement les formes les
plus basses de cinéma dont le film de monstres géants fait assurément partie.
Néanmoins il faut bien
reconnaitre à ce deuxième King Kong les mêmes qualités que beaucoup de Kaiju
Eiga de série: le mélange de sérieux inébranlable et de situations et
personnages pour le moins baroques et naïfs, le décalage avec des effets
spéciaux loin du photoréalisme ou même d'une ressemblance anatomique avec les
créatures représentées. Le "message" est aussi présent, forcément
écolo -sympathique, l'aventurier ayant découvert le deuxième singe se
transformant rapidement en éco-warrior avant l'heure. En face de lui,
principalement des militaires bas du front, qui fourniront pas mal de maquettes
de tanks, d'hélicoptères et de hangars à broyer à nos grands gorilles.
Car ils sont plusieurs: pas un,
ni deux, mais trois. C'est la grande surprise- et encore une fois, un clin
d'oeil à Godzilla- le second singe est une femelle, et elle va donner à Kong un
fils, qui est l'exacte réplique, version poilue de celui de Godzilla, et
partage avec lui la même bonhommie permanente.
Guillermin nous laisse d'ailleurs
sans voix sur l'ultime scène de son film, nous montrant junior batifolant au
ralenti parmi les lianes, dont il se sert pour voltiger, tout sourire, tel
Tarzan, à travers la jungle de Bornéo. Trop de bonheur tout ça, mon bon Dino.
Il faut tout de même dire un mot
des acteurs héroïques de cette chose, au premier rangs desquels Linda Hamilton,
alors à l'aube d'une gloire très brève, et qui incarne avec une conviction même
pas risible son personnage de Dian Fossey cardiologue. Le plaisir de la revoir
dans un premier rôle, n'est pas pour rien dans
celui, même pas coupable, que j'ai pris à voir ce film. Je suis bien le
seul, car la suite, évidemment amorcée par la présence de Kong Junior ne fut
jamais tournée, étant donné le bide monumental du film et sa réputation
désastreuse. Mais le cinéma a ceci de merveilleux qu'on peut avoir une grande joie, envers et
contre tous, à regarder un très mauvais
film, ce qu'est sans regrets et sans honte King
Kong Lives.
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