dimanche 27 novembre 2011

43- Une fille pour le diable (To the devil a daughter), Peter Sykes, Grande Bretagne / République fédérale d'Allemagne, 1976.



Toute une époque : celle des coproductions européennes de films de genre, celle du mur de Berlin, de l'Allemagne Est/Ouest, et de l’émergence de quelques starlettes des années 80 : Mathilda May, Carole Laure ou Nastaja Kinski, qui joue ici son premier rôle pour le cinéma.

Fin d'une époque, aussi : Une fille pour le diable est l'avant dernier film produit par la Hammer pour le cinéma, et le dernier film fantastique. Ultime tentative pour renouer avec les fastes d'antant ? Peut-être faut-il considérer le supposé déclin de la firme britannique d'un point de vue moins tranché. L'âge d'or de la Hammer a été aussi long que son crépuscule : dès 1965, les anciennes formules s'essoufflent : les deux films que Fisher a réalisé pour la compagnie sont des échecs, et le nouveau, Les vierges de Satan (1968), tout en ouvrant la dernière période du cinéaste, fait judicieusement écho au film de Peter Sykes

En 1968, Les vierges de Satan, en bon film d'exploitation, profite de l’intérêt pour le satanisme et les phénomènes sectaires fascinant le public. S'il cherche à satisfaire de nouvelles attentes, le film est fabriqué dans le moule Hammer : Fisher derrière la caméra, Christopher Lee devant, l'équipe artistique habituelle : James Bernard, Bernard Robinson, ou Roy Ashton, qui créer un saisissante visage de diable pour une cérémonie païenne.
L'intuition de la hammer est juste, mais son temps est passé : cette année-là, c'est devant les caméras de George Romero et Roman Polanski que se fabriquent les images destinées à rester dans les mémoires : Rosemary's Baby et La nuit des morts-vivants sortent la même année que le film de Fisher.

C'est donc d'Amérique, pour un long moment, que proviennent les images à imiter, et que s'initient les modes. Une fille pour le diable, comme Les vierges de Satan, est adapté d'un roman de Denis Weathley. L'horreur invisible, insidieuse, dont la possession démoniaque est l'illustration vient de triompher au box-office : L'exorciste, de William Friedkin, sorti trois ans plus tôt a créé un nouveau sous genre du cinéma fantastique.
Le film de Peter Sykes respecte scrupuleusement le cahier des charges : une jeune fille possédée, promise au démon, un homme d'âge mûr, décidé à faire sortir le diable de son corps, des satanistes prêt à tout pour l'y remettre et permettre l'avènement de l'antéchrist. Des rituels païens riches de couleurs, mais chiches d'habits pour les figurants, des exorcismes musclés, et comme Nastaja Kinsky est plus âgée que Linda Blair, de la nudité frontale.

Une fille pour le diable relève plus de la curiosité que de l'oeuvre cinématographique intéressante en soi. Il s'agit d'un pur film d'exploitation, et on y trouve précisément ce qu'on est venu y chercher. Peter Sykes filme selon le goût de l'époque : abondance de zooms et de caméra portée dans les moments d'hystérie. L'univers plastique du film est en rupture avec la tradition Hammer : à la suite de Friedkin, il faut tenter de donner un aspect documenté et contemporain aux images : l'action se déroule à l'époque du tournage, beaucoup d'extérieurs naturels bien localisables (des vues aériennes nous permettent de reconnaître des monuments londoniens ), scènes de rues avec figurants « non-professionnels ». Cela n'empêche pas Sykes de créer un univers visuel au film, et de proposer une vraie direction artistique, avec des décors presque monochromes (importance des blancs dans les intérieurs, surfaces vitrées, accessoires peu nombreux...) et des extérieurs bien choisis : les satanistes vivent sur une île photogénique, le final dans un cercle de pierres dressées...

Le début du film est très intriguant, les pièces manquantes judicieusement choisies, on a envie d'avoir le fin mot de l'histoire. Le fait que les cultistes démoniaques portent soutanes et cornettes et se font passer pour une secte chretienne entretient longtemps un doute qui nous accroche à l'histoire et permet de produire quelques images étranges et joyeusement blasphématoires. Peter Sykes a d'ailleurs un sens certain pour la vignette fantastique : comme par exemple lorsqu'un personnage, venu se documenter dans l'enfer d'une bibliothèque catholique, tire en livre et libère un gros asticot blanc se tortillant sur l'étagère.

Les acteurs apportent tous de la conviction à leur personnage, et ils participent grandement à la réussite mineure du film. Christopher Lee, surtout, s'avère plus qu'excellent dans le rôle du prêtre banni de l'église et principal serviteur du démon. On comprend qu'il regrette de rester dans les mémoires pour son Dracula- qui au fond, n'est qu'une silhouette presque muette- car quand l'occasion lui est donnée comme ici, il est un acteur charismatique et fin. L’inénarrable scène nous le révélant en plongée, cul nul, s’apprêtant à permettre au diable, via son transport, de pénétrer le corps d'une adoratrice, a tout de même était assurée par sa doublure. Loin le temps où il suffisait de montrer une bouche aux canines pointues s'ouvrir au dessus d'une poitrine palpitante pour produire une sensation hautement érotique.

Une fille pour le diable entérine un changement d'époque, et confirme, avec un professionnalisme certain le triomphe des nouveaux canons du cinéma fantastique des années 70.

2 commentaires:

  1. Je retiens bien vite ce titre, et je vais tenter de me le procurer rapidement, car votre critique, cher chef de gare, donne envie de s'attarder dans ce wagon:-)

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  2. On est tout de même loin du chef d'oeuvre, chère Dame. Ce film est une variation, une exploitation du courant initié par L'exorciste ou Rosemary(s Baby, que, si tu ne l'as pas vu, je te conseille bien plus que cette fille, qui est le genre de film qu'on apprécie d'autant plus que l'on en a vu d'autres du même registre.

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