mercredi 2 novembre 2011

37-Jusqu'au bout du rêve: Field of dreams, Phil Alden Robinson, Etats-Unis, 1989.



Titré jadis en France Jusqu'au bout du rêve, Field of Dreams est de ces films miraculeux dans la carrière de réalisateurs passe partout et sans personnalité. De toute évidence passionné par le projet, qu'il a beaucoup de difficultés à monter après l'echec de son premier film, Phil Robinson semble bien réaliser là l'oeuvre d'une vie. Mais s'il y a un auteur ici, c'est certainement en Kevin Costner qu'il faut le chercher, grand cinéaste, figure largement sous-estimée du cinéma américain contemporain défendant un cinéma classique intéressé avant tout par l'humanité de ses personnages.
Il interprète ici, avec grâce, légèreté et finesse Ray Kinsella, un hippie reconverti dans la culture du maïs, qui entendant des voix lui intimant de raser une partie de ses cultures pour batîr un terrain de base-ball, s'exécute, avec la bénédiction de sa femme et de sa fille.

Qu'on ne s'y trompe pas : Field of Dreams est un pur film fantastique, avec fantômes et voyages dans le temps. Mais il se refuse à tout effet photographique spectaculaire, préférant infuser le fantastique délicatement par de subtils effets de cadrages, ou de lumière. Les fantômes des joueurs, par exemple, disparaissent en s'enfonçant simplement, au fond du plan, dans les maïs bordant le terrain, et la frontière de la zone de jeu leur est infranchissable, ce que nous signifie simplement un gros plan sur leur chaussures devant la ligne.
Et la très belle composition de James Horner n'est pas pour rien dans la réussite de ce climat fantastique délicat, très souvent largement soutenu par une musique qui relaie aussi l'émotion, lorsqu'elle est pudiquement exprimée par les comédiens. Des nappes synthétiques enveloppent Ray lorsqu'il entends les voix, tandis que des morceaux rock associés à l'époque où ils étaient vivants accompagne les fantômes lorsqu'il sont seuls entre eux.

L'imaginaire du film est très américain : c'est même l'americana qu'on célèbre ici, à travers les liens touchants, serrés unissant Ray à sa famille, qui le soutient dans ce qui apparaît aux yeux de tous comme une folie. Champs de Maïs au coucher du soleil, horizons lointains, maison de bois peinte en blanc, rafraîchissements pris sous la véranda de bois, la mythologie des farmers du mid-west est ici célébrée sans cynisme et avec un amour sincère, qui, si on y est sensible, fait vibrer les images.

Plus délicatement, c'est aussi un héritage des années 60 qui est rarement célébrés ici qui anime les personnages les plus positifs du récit : c'est dans la poésie de Whitmann, dans l'attrappe cœur de Salinger (transformé en Terence Mann dans le film) , dans les vapeurs de la weed, et sur les routes, sac au dos, qu'ils ont forgés leur cœurs. Dans une très belle scène, la femme de Ray s'oppose, au cour d'une réunion à l'école de sa fille (c'est donc bien de transmission de valeur qu'il est donc question ), à une autre femme tentant de faire interdire des livres et célèbre cette amérique rarement accolée, au cinéma, à celle des matchs de base-ball, des tracteurs, du magasin général et de la culture rurale.

Indéfinissable, changeant de direction dès que l'on pense savoir où le film va aller, et menant malgré tout à une fin inévitable et émouvante, Field of Dreams, illuminé par la présence de Kevin Costner est de ces beaux films fantastiques méconnus et indémodable, qui laisse longtemps après son générique une impression forte et indéfinissable, mélange de mélancolie et d'apaisement profond.

6 commentaires:

  1. Un film magnifique que je me regarde régulièrement. Une vraie réussite, images, interprétation, musique, histoire. Un film rare.

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  2. Oui, je ne peux que te rejoindre.Et en même temps, je comprend très bien qu'on puisse être insensible au charme d'un film comme celui-là.

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  3. héé! mais où est-ce que vous trouvez tout ces titres dont on entends jamais parler et qui sont si alléchants.

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  4. ben celui-là tu peux le trouver chez moi !
    Je l'ai trouvé d'occasion, sans trop de difficultés. Le film est titré Field of Dreams- mais c'est une edition pour la France. en farfouillant sur Price Minister, je pense que tu l'as pour une bouchée de pain.

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  5. Idem, je comprend aussi tout à fait qu'on puisse ne pas apprécier. Ce film est quand même sacrément marqué par l'Americana comme dit dans l'article. Et bien que je ne suis absolument pas pro-américain, ce côté des States me charme. Peut-être pour ça que j'aime beaucoup "Postman" aussi. Et je vais faire bondir le Chef de gare, mais "Field of dreams" existe en version déviante. Le film a pour titre "Signs"...

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  6. Et hop, je bondis !
    Oui, bien sûr pour Signs. Mais là où on pourrait penser que Shyamalan est un artiste qui a la main légère, il n'y a qu'à comparer avec ce Field of Dreams pour voir à quel point il pèse des tonnes, parfois. Disons que Signs est une version apocalyptique de Field of dreams, à tous les sens du terme: l'autre, celui venu de l'au delà est une menace, il est là pour éprouver la foi des ouailles.

    J'aime d'autant plus l'amérique telle que la regarde Field of dreams, qu'elle est habitée aussi par sa marginalité, qui ne s'est pas dissolue en elle, loi de là. C'est pour ça que j'aime autant la scène à l'école, qui est une vrai scène de débat, ou un conflit, brutal et profond émerge par la parole, et par la bouche de deux femmes. J'aime beaucoup l'humanité qu'on nous présente dans Field of Dreams.

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