Voilà
l'exemple parfait de la trahison cinématographique. Entre la courte nouvelle de
William Harrison, qui date de 1973, et le film de Jewison, de trois ans
postérieur, il y a un monde, non celui décrit par le prisme du jeu de Rollerball, relativement fidèle de
l'écrit à l'écran, mais celui de la vanité, qui transforme en fer-blanc ce qui
fut un jour trempé du métal le plus tranchant... C'est qu'étrangement, mais nous verrons que
peut-être pas tant que ça, c'est le même Wiliam Harrison qui est l'auteur du
récit violent, sans concession et imparable qu'est ce Meurtre au jeu de boules, et le scénariste du film de Jewison, qui
s'adresse certes à un public éventuellement un peu adulte, mais néanmoins tout
à fait repliable sur ces hordes de spectateurs qui, dans le film, appellent au
meurtre des modernes gladiateurs que sont les rollerballers de l'histoire que
l'on nous raconte.
Lorsque
Matheson d'une simple idée nous tenait en haleine un roman tout entier,
Harrison, avec un talent certain, mais dans un geste exactement opposé,
parvient à nous dessiner tout un monde en quelques pages, à travers le récit
alambiqué d'un sport qui n'existe pas et dont je ne suis pas encore tout à fait
sûr d'avoir bien compris les règles. Il ne s'agit nullement de confronter ici
les deux auteurs ou les deux récits, mais bien simplement de souligner que les
moyens peuvent être très différents, voire opposés, leurs résultats peuvent
tout autant s'apprécier. Le talent d'Harrison dans cette nouvelle d'une
vingtaine de pages, tient tout entier dans sa capacité à dresser en quelques
lignes, parfois quelques mots seulement, une toile de fond à son récit, qui le
nourrit par ailleurs intégralement. Une esquisse
en quelque sorte, mais très maîtrisée, qui bien évidemment n'a pu que donner à
quelque cinéaste, en l'occurrence ce Jewison, par ailleurs exécutant
hollywoodien parfois inspiré, le désir de développer ce qui semblait comme en
germe dans la nouvelle. Le fait que Harrison ait voulu, apparemment à tout prix
– et plutôt élevé ! - se charger de ces développements, raconte toutefois
quelque chose de l’apparente mécompréhension à l'égard de sa propre œuvre : la
force de ce Rollerball me semble
résider précisément dans la brièveté violente de ces quelques pages, et dans
les allusions évidentes à notre monde que cette concision fabrique dans l'esprit du lecteur, comme un espace de
liberté qui est bien le sujet véritable de la nouvelle. Point question de cela
dans le film, de l'exigence de liberté, l'on est passé à l'inextinguible soif
de gloire – peut-être au fond, Harrison nous parle-t-il là de lui-même, mais
alors, cela me semble beaucoup moins intéressant.
Alors
certes, il y a là cinéma à proprement parler. Après tout, cette histoire de
matchs de rollerball, jeu à mi-chemin du hockey et du football américain qui
confronte deux équipes sur une piste où tous les coups à peu près sont permis,
voilà qui semble, comme par nature, très cinématographique. En effet, ça l'est,
ou ça pourrait l'être, mais il apparaît plutôt hélas que le choix de mise en
scène qui est finalement effectué relève plus franchement de la télévision,
médium panoptique après tout naturel de l'affrontement sportif et de ses
emportements en direct. Le cinéma suppose sans doute une certaine distance
quant à ce qu'il nous montre, que l'on peut retrouver à certains moments du
film, mais certes pas pour le meilleur...
Il
faut ajouter enfin que ce film appartient à une époque, celle des années 70',
où l'on pensa quelques temps qu'il était possible de proposer un cinéma
fantastique ou de science-fiction à un public “sérieux”, entendez qui n'est pas
là seulement pour se distraire. J'avais évoqué ce cinéma l'année passée au
sujet du Zardoz de Boorman, on peut évidemment également penser au Soleil
vert de Fleischer, ou même à l'Orange mécanique de Kubrick – auquel
ce Rollerball tente à plusieurs
reprises de se mesurer, il me semble. Certes ces années nous ont laissé comme
une autre histoire possible du genre au cinéma, histoire néanmoins très vite
avortée, on le sait depuis – même si régulièrement quelques objets légèrement
moins identifiés que les autres viennent nous rappeler qu'il existe une autre
tradition que celle des Space cow-boys ou des Chevaliers des étoiles... Je me permets
d'ailleurs à ce sujet de vous renvoyer à la chronique du Chef de gare sur Total Recall : si Paul Verhoeven a, à
mon sens, incarné une sensibilité toute européenne à ce sujet, et tenté un
mariage entre divertissement et gravité, l'échec de sa démarche – ratage
relatif de Total Recall, réception a contrario de son sens effectif de Starships Troopers – est typiquement
révélée par ce remake dont nous a entretenu le Chef de gare, et qui fut d'abord
considéré par ses promoteurs comme un divertissement d'action avant d'être
envisagé comme l'adaptation du récit d'un Dick décidément très éloigné de toute
notion d'Entertainment.
Il
n'en va pas tout à fait a priori de ce Rollerball,
dont on peut un instant rêver de ce qu'il aurait donné dans l'œil de
l'Hollandais Violent, puisqu'il est bien foncièrement question de
divertissement de masse dans cette histoire. Que nous raconte et la nouvelle et
le film ? Dans un avenir proche, les Nations se sont plus ou moins effondrées
au profit des Corporations, des “entreprises
souveraines” comme on dit aujourd’hui, qui contrôlent l'ensemble des
aspects de la vie des habitants de notre bonne vieille planète. Ces
corporations, après une guerre dont on comprend vaguement qu'elle a oblitéré en
bonne partie jusqu'au souvenir que l'humanité avait d'elle-même, se sont
partagées en quelques grands conglomérats monopolistiques (Energie, Habitat,
etc.), et, tout en pourvoyant apparemment sans trop de souci aux besoins du
plus grands nombre qui travaillent donc pour eux, entretiennent des équipes de
ce nouveau jeu, ultra-violent, afin de permettre un divertissement qui tient
hypnotisées les foules abruties. Toute ressemblance avec notre monde, comme
souvent dans ce genre d'histoire, est évidemment la bienvenue – et encore
Harrison n'imaginait pas ce qu'allait devenir le sport-spectacle du début du XXIème
siècle... Les matchs de rollerball se déroulent sur une large piste circulaire,
et chacune des deux équipes qui s'affrontent, compte dans ses rangs des motards
et des “coureurs”, dans la nouvelle simples coureurs à pieds effectivement,
dans le film tous sont désormais chaussés de rollers – c'était néanmoins aussi
le cas pour certains d'entre eux dans la nouvelle. Le but de ce sport d'équipe
est bien entendu de parvenir à mettre une balle dans les buts adverses,
toutefois dans le cas du rollerball, la balle est un boulet de métal tiré par
un canon et que tous se disputent à coups de poings américains - autant dire
que le spectacle est au rendez-vous, et qu'il est plutôt sanglant. Le récit
suit le cas de Jonathan E., star planétaire incontestée de ce jeu, et presque
vétéran mondial, en proie à une crise de doute, qui arrive certes bien tard,
tant il semble s'être jusque là tout à fait accommodé des compromis inévitables
avec les Cadres, cette caste désormais maîtresse du monde, et incarnée dans la
nouvelle et le film par quelques vieux messieurs qui n'ont plus grand chose à
faire du monde dans lequel ils vivent.
La
“plus-value” cinématographique nous est servie assez normalement dès
l'ouverture du film. Il faut bien présenter le jeu, son personnage principal,
incarné par un James Caan massif et torturé – magnifique, il faut le dire -,
ainsi que l'enjeu presque unique du récit – une fois encore le même dans la
nouvelle et le film : Jonathan va-t-il s'arrêter ? Va-t-il prendre sa retraite,
ou va-t-il mener le match de trop qui le laissera mort ou estropié ? On le voit
bien, l'enjeu dramatique repose intégralement sur notre identification avec
Jonathan, la nouvelle est d'ailleurs racontée de son point de vue, à la
première personne du singulier, et sur la capacité à fabriquer un suspens à
partir des règles ultra-violentes du jeu de rollerball. Aussi, une fois encore,
est-il assez logique d'ouvrir le film par une scène de match. Le problème,
peut-être très largement contingent de mon regard européen assez peu habitué
aux sports américain, c'est que nous ne parviendrons jamais vraiment à saisir
ces enjeux. Trop ou trop peu de vin, comme dirait Pascal, l'on ne se sent
jamais à la bonne distance du sujet.
La
grammaire utilisée est sans conteste celle de la télévision. Même si le film
s'ouvre sur un kubrickien usage de la Toccata de Bach, au fond, c'est bien de
télé qu'il s’agit. Un découpage serré, qui revient régulièrement sur les mêmes
plans, par ailleurs très nombreux, et qui se concentre sur l'action d'une part,
et la réaction immédiate et visible qu'elle entraîne. La mise en scène du
sport, télévisuelle, on l'avoue sans ambages désormais, est presqu'entièrement
redevable aux films de Leni Riefenstahl, la grande Maîtresse des cérémonies - en ce qui concerne l'image - du régime nazi.
La manière dont la caméra prend à témoin les spectateurs du spectacle sensé
être l'objet exclusif du film, et comment ce regard contraint les spectateurs,
les vrais, ceux qui regardent le film, à partager les émotions de ces
spectateurs de circonstance, ne laisse nulle place à un espace que l'on
pourrait dire herméneutique, en ce qu'il suppose qu'il fait signe vers
quelques secrets de la forme. La caméra “sportive” est intégralement
transparente : elle montre ce qu'elle montre, parfois comme “au carré”, les
supporters se réjouissant du point marqué par leur équipe dans le même temps
qu'elle marque le point, et ne laisse plus aucun place, sinon à
l'interprétation, tout au moins à l'éventuel commentaire. Tout est là, c'est
bien ce que nous dit cette exigence de plus en plus récurrente de substituer la
vidéo à l'arbitrage, susceptible d'erreur. Il n’y a plus de hors champs,
sinon paranoïde. Le règne de l'objectivité, voilà ce que nous vend la mise en
scène sportive, et dont il faut bien admettre qu'elle n'est que le nouveau nom
du vieux phénomène audio-visuel de propagande. Quand on sait que ce sont
parfois les mêmes qui possèdent telle équipe de sport, et les moyens de les
mettre en scène, on peut se dire en effet que nous ne sommes plus si loin de ce
Rollerball inquiétant...
La
première séquence de match nous apparait toutefois relativement abstraite,
faute, donc, de bien comprendre les enjeux strictement techniques du jeu.
Toutefois, l'on perçoit très bien la violence qui se dégage de l'affrontement.
Cependant, il me semble bien d'ailleurs que c'est là l'ambivalence, pour ne pas
dire plus, du film : cette violence fait spectacle et n'est jamais de l'ordre
de celle que l'on rencontre dans la nouvelle, et qui confine dès l'ouverture à
l'horreur. Rollerball, s'il était
fidèle à son récit d'origine, devrait se présenter comme un film dont la
violence est presqu'insoutenable. Tout cela au fond reste très « soft »,
et nous avons du mal à saisir ce moment comme le morceau de bravoure qu'il
prétend être. Ce film, à plusieurs reprises, m'a fait penser au Ben Hur de Wyler et à sa course de
chars. Même “grand” spectacle, même type de dramaturgie – que l'on retrouve
aussi dans le catch, hein...-, même volonté de faire avancer le récit et ses
féroces enjeux par l'affrontement sportif. Dans aucun des trois ou quatre
matchs de Rollerball, on ne retrouve
cependant la hargne et la violence pourtant très mainstream qui animait Heston et Boyd dans le film de Wyler.
Lorsqu'à la fin de la course, Messala, Stephen Boyd, passait sous les roues de
son char et se retrouvait quelques instants prisonnier de la course folle de
ses chevaux, l'horreur de la situation nous atteignait, sans même qu'il soit
besoin d'en passer par de sanglantes descriptions. Pas de cela dans le film de
Jewison, et je reste persuadé que le choix très “post-moderne”, aussi parce
qu'on pense qu'un film d'anticipation doit naturellement “anticiper”, de la
mise en scène télévisuelle des matchs, va à l'encontre du cinéma, et abime la
film dans la contradiction.
L'enjeu
principal lui aussi entre en contradiction flagrante avec ce qui faisait la
puissance fugace de la nouvelle. Lors que la question demeure de savoir si
Jonathan E. va se retirer ou non de la compétition, la nouvelle racontait qu'il
s'agissait de son désir propre, contesté par les cadres de Houston, la ville de
l'Energie ; le film au contraire nous brosse le portrait d'un Jonathan qui
prétend résister aux injonctions de départ à la retraite de ses patrons.
Exactement l'inverse, donc. Il est très étrange de constater que Harrison a en
moins de deux ans totalement subverti son propre propos : la retraite, ce
principe de quitter le jeu, est
devenu le problème du récit au cinéma alors qu’il était la solution du même
récit dans la nouvelle. Est-ce que cela à voir avec le fait qu’entre-temps
Harrison lui-même a décidé d’une nouvelle carrière, cinématographique, pour son
personnage ?
Toutefois,
pour être tout à fait juste, et tenter de comprendre, même abusivement, le sens
de cette conversion de Jonathan – et de son auteur – à l’ « Enfer du
jeu », on ne peut faire l’économie du ton très mélancolique du film. L’usage
de la musique classique, assez à la mode on l’a dit dans ces années d’anticipation
« sérieuse », avec Beethoven pour Kubrick et Grieg pour Fleischer
dans Soleil vert, témoigne de cette
inflexion dans le film. Si la nouvelle était dès l’abord très clairement désespérée,
presque punk par certains aspects, Jewison
nous oriente vers un traitement plus élégiaque de cette violence no-future. L’usage de la Toccata de
Bach, tout à la fois sépulcrale et néanmoins gracieuse, et surtout de l’Adagio
d’Albinoni – morceau aisément identifiable pour un spectateur assez peu au fait
de musique classique…- traduit ce souci de manifester entre les matchs une baroque tristesse à cet univers
clinquant et cependant vide de sens. Alors certes, le propos est assez
lourdement appuyé, mais après tout, il s’agit bien là d’une tentative, rien de
plus, et c’est déjà très suffisamment honorable. La sécheresse de ton qui
participait de la brutalité de la nouvelle au cinéma ne semble plus se suffire
à elle-même, en tout cas pas dans un film Hollywoodien qui s’il envisage ces
affrontements tout virils sous l’angle du spectacle, ne peut se permettre tout
à fait de les traiter à la manière du film fauché de gladiateur italiens. Certes,
dernièrement nous avons vu débarquer sur les (petits) écrans un revival de ce
genre de films, réalisé avec quelque moyen cette fois, et qui assument
pleinement de se vautrer jusqu’à l’écœurement dans le sang, le foutre et l’argent.
Ce genre de spectacle, qui flirte inévitablement avec les codes de la pornographie
« de masse », encore naissante dans les années 70, n’est pas sans
ambiguïté, c’est même ce qui fait sa force. Le film de Jewison d’une certaine
façon est encore loin du compte : il ne prend pas ce chemin d’une provocante
obscénité, et reste coincé dans une vulgarité du commun, du trop peu montré ou du
pas assez. Au fond, Jonathan est le symbole de cette vacuité du vulgaire :
dans le film, loin de n’être qu’un objet que l’on utilise, et qui se laisse
utiliser de plus ou moins bonne grâce, il n’aspire à être que ce qu’il est. Sa
force d’ailleurs semble venir de là, et éventuellement inquiéter les Cadres
pour cette raison : il est dangereux pour ce qu’il est, non pour ce qu’il
voudrait être, comme dans la nouvelle, qui laissait donc sa place à un « autre »,
fantasmé. Dans le film de Jewison, notre monde est validé : le seul regret
de Jonathan est celui du temps qui passe et qui semble le pousser vers la
sortie… C’est littéralement montré quand la « grande » séquence de ses
retrouvailles avec son ex-femme, la seule femme qu’il semble avoir aimée, ne
se passe pour lui, en sa compagnie pourtant, que devant les écrans vidéos sur
lesquels défilent leurs images du temps passé. Jonathan voit sa vie comme un film
où tout ce qui compte est ce qui est montré – il n’y a pas de hors champs – et sa
femme peut donc repartir comme elle venue.
Les
« amours » viriles pourraient aussi permettre une lecture du film
très différente de la nouvelle. Les équipes de rollerball sont envisagées comme
des bandes armées – j’ai dit tout à l’heure des gladiateurs, et je pense que c’est
tout à fait ça. Ce qui compte aussi dans le conatus
de Jonathan, sa volonté que tout reste en l’état, c’est d’abord la présence de
ses compagnons. Là encore, le film trahit la nouvelle, qui débutait au moment
où Jonathan, parvenu au sommet de sa gloire, découvrait le poids de la solitude,
ses affres et ses passions – et notamment celle de la culture, parfois comme
simple divertissement du monde, mais
aussi comme volonté d’élévation. Rien de tel dans le film. La scène pivot du
récit est celle de la « mort » de Moonpie, son gaillard co-équipier, autrement
plus douce que dans la nouvelle !, et la très sentimentale séquence d’hôpital
durant laquelle Jonathan dit son fait à une équipe médicale japonaise – la scène
se passe à Tokyo – qui correspond encore au stéréotype raciste hérité des
années 40’ et 50’. On est entre hommes, entre américains, entre champions !
La
scène suivante confine presque à la parodie. Comme pour respecter la nouvelle
et son enjeu principal – Jonathan veut se retirer pour prendre le temps de lire
des livres qu’il est désormais bien difficile de se procurer, autre motif
habituel de l’anticipation – Jewison nous offre une séquence très
rétro-futuriste, qui ne manque pas de charme toutefois du fait des
architectures très datées et néanmoins audacieuses qui fabriquent son décor –
Munich, apparemment… Mais toutefois, son intelligence artificielle qui perd la
boule, si je voulais faire un jeu de mots, voilà qui emmène le film un peu plus
loin encore dans la caricature de ces années-là, au moins autant que le Zardoz de Boorman pouvait frayer avec le
ridicule - et parfois franchement basculer dedans… Alors certes, il est
question de démence dans cette scène, toute intelligence semble vouée à dégénérer,
peut-être toute organisation sociale aussi, peut-être y-a-t’il là quelque chose
du no future de la nouvelle. Peut-être,
mais alors que de sentimentalisme pour finalement en arriver là…
La
résolution du film, un match interminable qui ne s’achève qu’avec la mise « hors
combat » de tous les participants à l’exception de Jonathan qui parade
nerveusement et néanmoins tristement sur la piste au rythme de son acclamation
par la foule extatique, permet de conclure sur ce qui apparaît tout de même
comme le projet du film – et qui n’est finalement peut-être pas si loin par
ailleurs de la conclusion de la nouvelle. Cette fin est absurde, insensée
littéralement, Jonathan tourne en rond sur cette piste souillée de sang et de
sueur. Le silence qui se fait d’abord lorsque le dernier adversaire s’effondre
évoque cette vacuité totale du sport-spectacle – et éventuellement donc du film.
Voilà, c’est fait, il a gagné. Lorsque
le nom de Jonathan est scandé finalement par la foule, peut-être quelque chose
de l’impossible propos du film s’échappe finalement : la mélancolie qui se
dégage de ce Rollerball, c’est au
fond que le monde qui nous est décrit est déjà le nôtre. Nous sommes déjà ces
spectateurs prêts à s’enflammer pour le vainqueur, celui qui est parvenu pour
notre plus grand plaisir à défaire, détruire tous les autres. Rollerball, probablement, ce n’est pas
de l’anticipation. Ce n’est qu’un film de catch, qui prend ultimement acte de
la vacuité de son enjeu. Bien entendu, Jonathan ne prendra jamais sa retraite,
bien entendu, il n’aura jamais envie de lire des livres ! En avez-vous envie,
vous autre spectateur ? Non, bien sûr, de Rollerball, vous ne voulez que les matchs, vous êtes là pour voir ça
! Pour voir James Caan suer sang et eau pour vous !
C’est
ce que Jewison nous donne, et ce qu’Harrison au bout du compte l’autorise à
faire… Peut-être une certaine idée du désespoir finalement, en accord avec la
conclusion de la nouvelle...
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