samedi 29 octobre 2011

32-33 Double Feature ! Le wagon à bestiaux (4): Chiens !



Cujo, Lewis Teague, Etats-Unis, 1983
Didier, Alain Chabat, France, 1997

Qui est le Chasseur, qui est le Chassé ?
Cujo : Le chasseur, c'est indiscutablement, notre héros, Cujo, le saint bernard enragé. Le film, dès le départ distribue une hiérarchie qui- si l'état du clébard se dégrade nettement- demeure immuable : Cujo chasse, les proies se cachent, fuient, et meurent. C'est d'ailleurs la seule dimension fantastique du film : la terreur et l'invincibilité presque mécanique du monstre. Les chassés, dans une distribution typique du film d'agression animale (dont nous commençons à devenir de sacrés spécialistes ) propose au prédateur des proies de plus en plus grosses : un lapin, puis un personnage de troisième ordre, un personnage secondaire plus important, puis il s'en prend à l'héroïne et son fils (l'enfant, ultime délice de la bestiole américaine!), avant de se rabattre sur un policier- moins goûtu qu'un enfant, mais quand on manque de grives...
Mais qu'est ce qui rends Cujo si vorace me dirait vous ? Les saint bernard ne sont-ils pas censés passer leur temps à roupiller au coin du feu, ou extirper des congères et des crevasses les skieurs et alpinistes maladroits ? Oui, mais comme tout un chacun, les saint-bernards ont leur violon d'ingres, et c'est la chasse au lapin. Hélas, celui que Cujo poursuit se réfugiera lors du générique dans un terrier que le léporidé partage avec des chauve-souris. N'appréciant pas qu'on vienne la réveiller en pleine nuit (enfin, en plein jour...), l'une d'entre elle mord le chien. Hélas, elle est enragée... voilà où mène l'oisiveté. Cette séquence générique, cela dit, est très efficacement réalisée, la première image nous présentant Cujo, ses deux pattes avant encadrant, au second plan, un lapin, illustre le programme du film, en grossissant par la perspective la taille du chien, et en réduisant ses proies potentielles au rang d'herbivores apeurés.

Didier : Bon. Cujo est déjà pris. Le chien des Baskerville m’est interdit pour cause d’un Fischer déjà traité. Quant à Baxter, il n’existe qu’en VHS et cela fait longtemps que j’ai bazardé mon magnétoscope. Donc, pour chasser le film fantastique de chien authentique, il ne me reste plus grand choix. J’ai bien essayé The Breed, Les chiens, mais impossible de les trouver. Doberman m’a formellement été interdit. Il ne me reste plus qu’à me rabattre sur Didier, inénarrable film labellisé « Canal+ », et authentique film fantastique, puisqu’il nous raconte l’histoire d’un chien, le Didier du titre, qui se transforme brusquement en homme – tout en restant le chien qu’il est. Sa maîtresse travaille dans la presse cinéma, son maître dans le football, nous sommes bien sur Canal, et jusqu’au cou dans un film français français français – qui donne un peu envie de s’expatrier quand même…


Quelle est la place de l'américain moyen dans la Grande Chaîne Alimentaire ?
Cujo : Encore une fois, mieux vaut appartenir, en ce début des années 80, à la caste des winners, ceux qui occupent des postes stratégiques dans des agences en communication, émerveillant leurs enfants lorsque sont diffusés à la télévision les réclames pour céréales dont ils sont les auteurs créatifs, et dispensant, de leur mirobolants salaires, leurs femmes de travailler. Car si on n'est pas de ceux-là, on est forcément un plouc, un des ces rednecks interchangeables dont le cinéma de genre regorge, vous savez, ce bouseux éternellement vêtu d'une salopette en jean et d'une casquette maronnasse éternellement crade. Ceux là, damnés de la terre à jamais, sont les mets de choix du chien fou, qu'ils ont pourtant nourri chaque jour. Etonnante inversion de la logique, qui condamne les personnages symboliquement liés à la sauvagerie animale à périr par elle, et qui permet à ces antagonistes de la ville de survivre, alors qu'ils semblent être ces victimes désignées. Si l'américain est le maillon préféré de la chaine alimentaire de notre Cujo, il vaut donc mieux qu'il gagne un salaire à 8 chiffres et roule dans une voiture de sport rouge, plutôt que de dormir à côté de la niche du chien. Les sauvages et les pauvres, semble-t-il, commencent toujours par se dévorer entre eux.

Didier : L’américain est donc français en l’occurrence. Et il est très bien à sa place, entre le foot, la télé et les gouzis-gouzis à sa bêbête

Et ce chien, alors, comment est-ce qu'on s'en débarrasse ?
Cujo : Avec le deuxième amendement de la constitution américaine. C'est d'une balle du revolver abandonné par un policier tué par le chien enragé que l'héroïne se débarasse de Cujo.

Didier : On ne s’en débarrasse pas du tout, loin de là. On s’en sert, on l’use, on l’exploite jusqu’à la corde, et en plus il aime ça, l’imbécile ! On l’utilise donc pour jouer à la baballe, et il fait ça très bien : chez canal, le meilleur footballeur, payé avec une boite de canigou, est un chien. Et le cinéaste local fait très bien le chien. Le cynisme, littéralement. Probablement la chose la plus réussie dans cette illustration d’une ascèse cinématographique dont on admirera peut-être le génie dans huit siècles. Et qui à n’en pas douter, dira quelque chose d’assez éloquent au sujet de notre époque nationale…

Au premier rendez-vous, est-ce que la bête embrasse ?
Cujo : Au premier rendez-vous, si l'on excepte le lapin du début qui s'échappe, c'est même la bête qui est embrassée. C'est dire si on le croit gentil, même si sa vilaine morsure commence à sérieusement suinter. Ensuite, la bête encore un peu pudique, se contentera de grogner d'une manière, il faut bien le dire, tout à fait menaçante. Ensuite, au quatrième rendez-vous, bien enhardi par ses préliminaires charmants, Cujo croque carrément le voisin de son maître !

Didier : Non, « elle sent le cul des gens », par contre.

As-tu vu un bon film ?
Cujo : Oui, Cujo est un pur film d'exploitation. Tout est fait à l'intention du plaisir du spectateur. Si on a peur, il n'y aucune image réellement dérangeante, et les valeurs mise en jeu par le biais du drame ne sont pas remise en cause, mais au contraire confirmée. Le film est très inspiré du cinéma d'horreur tel que Spielberg le définit dans Les dents de la mer. On retrouve au générique l'héroïne de E.T, et de quelques productions horrifiques emblématiques de l'époque (dont le Hurlements de Joe Dante, brillamment évoqué il y a quelques jours...), image signée Jan De Bont, un bon chef op des années 80 ( qui deviendra un insignifiant réalisateur des années 90), une musique de Charles Bernstein, voguant entre les élans symphoniques d'un Goldsmith et les martèlements synthétiques d'un Fiedel, un artisan doué à la mise en scène, Lewis Teague, depuis passé à la télé, le tout sur fond de famille dysfonctionnelle : un adultère est au cœur du drame intime qui va, de fil en aiguille isoler l'héroïne face à la bête, qui représente tout à la fois sa mauvaise conscience et son amant- le scénario les identifie d'ailleurs l'un à l'autre lorsque le mari pense que sa femme est sous la menace de l'amant alors qu'elle est sous celle du chien. Le film est d'ailleurs conscient de son affiliation spielbergienne : le petit garçon à un moment rejour l'approche de l'aileron en chantonnant le célèbre thème de John Williams.
Le film très court, très ramassé, dans le cadre qu'il se pose est réussi : le drame humain, convenu, est touchant, et la longue séquence centrale, enfermant dans sa voiture Dee Wallace et son jeune fils, sous la menace du chien qui leur barre toute sortie, est excellemment interprétée et relève du morceau de bravoure réussi. Pour la mère, c'est le face à face avec ses pulsion adultérines que symbolise l'affrontement avec la bête sauvage. Qu'on se rassure, tout le monde est sain et sauf à la fin (sauf ceux qui ont, un peu plus tôt, ouvertement annoncé leur intention de tromper leur femme ), et la dernière image fige la famille réunie en un arrêt sur image, sitôt le monstre tué. N'épiloguons pas non plus : Cujo est solide film de genre.

Didier : Je vous promets que pour mon dernier film à chroniquer avant le D-day – sans jeu de mots…- d’Halloween, je chroniquerai un peu sérieusement une œuvre, sinon importante, tout au moins intéressante.
Mais ce soir, là, vraiment, je ne vois pas ce que je peux ajouter… wouf, peut-être.

4 commentaires:

  1. Ah ! Cujo vs Didier, il fallait le faire, chef de gare ! J'aime beaucoup Cujo, effectivement un pur film d'exploitation des 80'. La musique possède un thème bucolique absolument magnifique (à quand une édition officielle ? la BO de "ça" va bien sortir elle !)
    A noter enfin que la fin du film est différente de la fin du livre à la demande de Stephen KIng hymself (pris de re-mord ? Oui, je sais, elle est facile...)

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  2. je n'ai jamais lu le livre, je t'avouerai. Stephen King, ce n'est vraiment pas mon truc.
    Concernant Didier, n'encourage pas trop Matthias dans cette voie, je l'oblige à regarder toute la filmo de Bacri, pour lui faire passer le goût de la plaisanterie.
    Cujo a une belle musique, c'est vrai. Que devient Charles Bernstein, d'ailleurs ?

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  3. Tranquille le Charlie ! D'ailleurs son site est très sympa : http://www.charlesbernstein.com/

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  4. Sacré Charles: mettre en avant la jaquette de Kill Bill ! eh eh eh...

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