jeudi 22 décembre 2011

49- La déesse des sables (Vengeance of She), Cliff Owen, Grande-Bretagne, 1968


Toujours Blonde, toujours belle, toujours divine, Elle revient. Elle revient ? La Déesse des Sables est la suite de She- La déesse du feu- film mettant en scène Ursula Andress dans le rôle titre d'Ayesha, film qui, contrairement à sa suite, n'est pas édité sur notre territoire.

Vous imaginez bien que l'histoire n'est pas d'une complexité rendant impossible la compréhension de ce deuxième épisode si l'on n'a pas vu le premier, mais il y a tout de même une partie des ressorts narratifs qui ne fonctionnent pas si l'on ignorent tout des événements ayant précédé.

La belle blonde, Olinka Berova, s'offre au film comme une page blanche : elle n'a ni mémoire ni but, sinon de fuir les terribles migraines qui l'assaillent parfois.
Ce personnage, réduit a une pure présence physique, est le centre des plus belles séquences du film, situées au début.

Alors que l'on attends un démarrage nous plaçant directement dans un récit d'aventures couleurs années 30, c'est à contrario dans un cadre contemporain et banal que s'ouvre le film : une jeune femme marche le long d'une route sinueuse, à flanc de montagne. Il fait chaud, nous pourrions être sur la côte d'Azur, en Italie, ou quelque part ailleurs sur la côte adriatique. Mais parfois filmée de très loin et de très haut, avec des raccords isolant les jambes, ou le buste de la marcheuse, la scène a quelque chose d'étrange, comme si c'était un tireur embusqué et fétichiste qui l'observait. Le décalage est renforcé par la tenue particulièrement inappropriée de la jeune femme : talons hauts et fourrure ! Sans effet sonore (sinon, intermittent, le son de ses pas sur le bitume) et sans dialogue le générique,puis le prologue, se poursuivent, rythmés par la très belle chanson de Mario Nascimbene, très inspiré dans un registre à la fois jazz/pop typique de l'époque et mélancolique.

Un auto stoppeur, monstrueux, propose à l'inconnue de la faire monter. Selon la logique propre au seules héroïnes, elle grimpe, en souriant. Inévitablement, le prédateur va tenter de la faire boire, puis d'abuser d'elle. Une force mystérieuse déclenchera le frein du véhicule dont le violeur est sorti, et le camion l'écrasera. Muette, ponctuée seulement par les grognements de l'homme, les gémissements de la femme, et la musique à contre-emploi, la scène a une vraie force dépouillée, et ne dépareillerait pas chez une cinéaste comme Catherine Breillat.

Plus tard, On apprendra que la jeune femme s'appelle Carol, mais que c'est tout ce dont elle se souvient. Carol, se cachant sur un bateau, est recueillie par un équipage de quarantenaires fétards, beaux personnages entre deux âges, un peu fatigués, un peu louches, mais sincèrement ému par la jeune femme.
J'ai trouvé une grande beauté à ces scènes, quelque chose du parfum que j'imagine de l'époque y est poétiquement traduit : cette jeune femme, Carol, qui n'est qu'un prénom et une silhouette, littéralement perdue au milieu d'une fête, ne sachant ni ce qu'elle veut, ni ce qu'elle doit faire, poussée par la seule necessité d'échapper à quelque chose- une angoisse physique- indéfinissable. Beau portrait de ces jeunes femmes des sixties qu'on imagine cherchant la fête du soir, et surtout, à ne pas penser à demain.

Bien sûr, les mystères se dissipent, et le film va bientôt se résoudre à accomplir son programme d'exotisme, de périls, de temples perdus. Mais au bon moment, le réalisateur sait changer brusquement de registre, et enquille les scènes attendues avec un savoir faire solide, allant même jusqu'au psychédélique : des soldats romains entourés de prêtres en costume pseudo égyptien, des prophéties cosmiques dépendant de la configuration stellaire (la bonne étant toujours attendue pour l'avant dernière bobine ), un mage hypnotisant par la seule force de son regard et des effets sonores, des destructions de maquettes... l'amateur de série BD exotique sera ravi. Killikrates, l'amant prédestiné du premier film, est persuadé que Carol est la réincarnation d'Ayesha, « She », la déesse de feu, et la fait venir à lui pour l'épouser et lui permettre de régner à nouveau sur son royaume.

Mais même dans cette seconde partie, demeurent de beaux moments dépassant le programme : cette belle scène durant laquelle Carol se regarde longuement dans le miroir, au sortir du bain, et corrige sa coiffure ou le mariage avec Killikrates, auquel, tout le monde le lui assure, tout la destine, mais que seule l'hypnose du prêtre, finalement, peut la contraindre à accepter. Il y a la un prolongement tout limpide aux angoisses de la jeune femme perdue qu'on a vue au début du film. Et on peut voir la fin du film, ce monde perdu dont Carol serait la déesse réincarnée Ayesha, comme une image dorée du foyer-prison auquel on destine les jeunes femmes, et dont l'acceptation est la seule condition pour tolérer les débordements adolescents. Il est beau que les images accordent l'histoire aux aspirations de l'héroïne : le contemporain pour la liberté et l'indépendance, le décorum antique pour la résignation et le conformisme social.

La déesse des sables est un beau film, à la beauté surprenante, bien plus intéressant que La déesse de feu, il bénéficie grandement d'une musique magnifique, participant largement à la narration du film. Sans dire qu'il s'agit d'un chef d'oeuvre caché, on saura le reconnaître à sa juste valeur, dépassant joliment le simple cadre du film d'aventures exotiques, pour peindre en creux un portrait de femme touchant.

 P.S :  Le générique de début, et quelques extraits du film.

5 commentaires:

  1. Encore une perle cinématographique que je découvre grâce au chef de gare ! Merci et bonne année 2012 !

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  2. tu as vu le film ?
    Moi aussi je te souhaite une nouvelle belle année dans le radiateur.

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  3. Pas encore vu, juste découvert grâce à toi... je vais essayer de me le procurer, comme bien d'autres titres trouvés dans ta liste !

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  4. c'est ursula Andress ? on dirait Mylène demongeot;toutes des clones de Bardot,à l'époque!
    tous tes films font envie,encore faut-il prendre le temps…

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  5. C'est vrai, et crois moi, pendant ce temps là, on ne fait rien d'autre...
    Non, Ursula andress, elle joue dans celui d'avant, là c'est une actrice suédoise (je crois) Olinka quelque chose, de toute façon elle a changé de nom ensuite. C'est une starlette typique des années 60, effectivement, elle a changé de nom ensuite, puis s'est mariée avec un producteur je crois, en tous cas elle s'est retirée du cinéma-
    Le film en question est un pur film de série, mais avec un je ne sais quoi en plus, qui fait que je l'aime vraiment bien.
    Je ne sais pas si toutes les actrices de l'époque étaient à ce point des clones de Bardot, qui elle même était bien le produit de son époque. Il y a eu aussi des brunes fameuses, à la Hammer, comme Catherine Beswick, ou plus tard, la merveilleusement vulgaire Caroline Munro. A plus Etienne !

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