mercredi 14 décembre 2011

47- Le peuple des abîmes (The lost continent), Michael Carreras, Grande Bretagne, 1968



Quelques photos de plateau, quelques lobby cards, la spectaculaire explosion d'un magnifique décor de galion vu et revue dans les publi-reportages de la Hammer, il n'en faut pas plus pour donner envie d'aller à la rencontre ce peuple des abîmes. Hélas ! C'est tout ce qu'on obtiendra de mieux : de belles promesses. Car le film est vraiment un navet digne d'une médaille au salon de l'agriculture. Trois choses m'ont tout de même poussé au bout de cet interminable film : la construction classique et efficace, la conscience professionnelle, et la perspective de découvrir, animée et non pas en photo, la merveilleuse poitrine de Dana Gillespie. Soyons positifs, ne retenons que ces points, et examinons les en détail.

Si les affaires se gâtent vite, on ne peut nier que Le peuple des abîmes bénéficie d'une intriguante entrée en matière. Un long travelling latéral nous montre un galion, nous montons sur le pont, puis un groupe de personnages fait son entrée dans le champs. Il procède à un cérémonie funéraire, comme on en voit dans beaucoup de films maritimes : une planche sur laquelle est posé le cercueil est basculée pour rendre le corps à la mer. Mais ces personnages sont habillés de vêtements contemporains. Le mouvement de caméra continue et on découvre une foule de spectateurs hétéroclites : certains sont habillés en conquistadors, d'autres portent des vêtements rapiécés qu'on associera à l'habit de l'aventurier de film d'aventure médièvales standart. Les lumières, la texture du décor, tout baigne dans un crépuscule orange, achèvent de donner un cachet onirique à l'ensemble. Le plan coupe, et bien sûr on remonte le fil du récit pour découvrir comment tout le monde s'est retrouvé réuni, et surtout qui est mort, et pourquoi.

La réponse n'a rien d'original ni de passionnant : un équipage de personnages au passé plus ou moins trouble, embarqués à bord d'un cargo, va s'échouer dans une des ces zones qui nous fait fortement douter, au vu du nombre de film montrant des bateaux s'y perdre, de la compétence des cartographes contemporains.

Michael Carreras n'a rien d'un réalisateur. Dirigeant de la Hammer depuis que son père a passé la main, il passe à la réalisation dès 1957 et dans les années 60, va permettre au catalogue Hammer de s'enrichir, outre ce Peuple des abîmes, d'un autre bijou du film fauché et ridicule : Les femmes préhistoriques. Dans les deux cas, remarquons tout de même un point commun : une terre oubliée de tous, ou le temps s'est arrêté (l'Angleterre?) peuplé de jeune femmes cour vêtues, mais généreusement dotées par cette nature qu'elles côtoient de si près.

Exploitée systématiquement dans tout le matériel promotionnel associé au film, c'est Dana Gillespie qui en est la représentante officielle. Avoir repoussé son apparition au dernier quart d'heure du film est un des choix narratifs judicieux de Carreras, car c'est la seule raison d'aller au terme du visionnage.

Durant toute sa longue première partie, le cinéaste essaie, sans y parvenir, de nous interesser à des personnages plus fouillés, psychologiquement, que ce que nous sommes habitués à voir dans le registre. Ici, pas de scientifiques intrépides, ou d'aventuriers assoifés de records, une troupe de personnages bizarres, mal associés, au motivation floues. Avec la même volonté de sortir des sentiers battus, La déesse des sables, du même studio, est bien plus convaincant.

Quelques inventions du directeur artistique font la petite réputation du film : les habitants du continent perdus, pour se déplacer sans danger sur les marécages de leur île, ont inventé des harnais individuels surmontés de gros ballons. Amusant.

Les monstres, ridicules, sont une preuve de plus du talent de Carreras : n'importe quel réalisateur un peu capable aurait trouvé une astuce pour éviter d'avoir à les montrer plein cadre, mais Carreras n'hésite pas, nous assenant quelques uns des ces combats montrant un comédien se serrant lui même autour de la taille les pinces d'un crabe géant en carton-pâte, et les secouant vigoureusement, en imaginant nous faire croire que c'est le monstre qui le malmène.

L'explication de la présence des conquistadors, du peuple sauvage, du continent perdu, au terme du scénario, est des plus classiques, et reprend mollement le thème de la société à structure archaïque dont les fondements vont se retrouver ébranlés par l'arrivée d'étrangers civilisés, et qui sera finalement mise à bas lorsque les étrangers en question permettront aux opprimés de renverser les tenant de la féodalité qui les opprime. Beaucoup de ces films d'aventure exotiques britanniques reprenant plus ou moins ce schéma, on peut tout de même se demander jusqu'à quel point la Grande-Bretagne ne nous rejoue pas là sur un mode fantasmé sa grande épopée colonisatrice.

Ennuyeux, mal mis en scène, Le Peuple des Abîmes est de ces films dont la rêverie permise par la lecture des articles qui lui sont consacrés, ou la contemplation des photos d'exploitations est bien supérieure à l'épreuve que constitue leur vision.




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