jeudi 20 juin 2013

71- Man of Steel, Zack Snyder, 2013, Etats-Unis.

 

 Une fois n'est pas coutume, une chronique à bâtons rompus, plutôt en forme de cri du coeur que d'analyse vraiment construite.


Man of Steel est un film très bien vendu. Finement orchestrée, la campagne de promotion, promettant de l'intime et du spectaculaire, a fini par me donner envie de voir ce film à la première heure. Alors que reste-t-il des belles promesses des premières bande-annonces ?



On pourrait dire rien, tant le film de Snyder m'a fait penser plutôt à un bout à bout de 240 spots TV plutôt qu'à un récit vraiment construit sur 140 minutes.
Quasiment tous les moments de respiration, les "jolis" passages rêveurs, les petites vignettes tremblées qui semblait promettre de la poésie et un ton différent sont dans les bande-annonces et extraits, et montées telles quelles dans le film.

Entendons-nous bien. Je suis un immense fan de Superman, il faut le reconnaître. Je lis le comics depuis 20 ans. Quand il y a un "évènement", je suis du genre à acheter toutes les séries parallèles. De Superman, je n'ai fait l'impasse que sur les séries TV live, parce que les séries TV, c'est vraiment pas ma came. Je n'ai pas de problème avec une réinvention du personnage jusqu'à une certaine limite (celle où on en nie l'essence, j'y reviendrais), ça arrive tous les 3 ans dans la BD, quand un auteur décide de nous refaire une origin story.

Tout est dans la forme et la manière.
Man of Steel, pendant une heure, m'a transporté, et même bouleversé par moment, aussi parce que j'ai la larme facile quand on vient à certains sujets, et parce que j'étais complètement fébrile en m'asseyant dans la salle.

Dès le début, Snyder conjugue son choix de réalisme et d'immersion (les deux mamelles du cinéma populaire américain moderne dirait-on) avec une caméra portée façon reportage et des zooms brutaux (et systématiques) transformant ce qui devrait être une série de plan montés en plan séquence. Souvenez-vous du premier épisode de Galactica que vous avez vu, c'est pareil.
Le travail de design est tellement convaincant sur Krypton (quoi que, les dragons-libellules... Mais pourquoi pas...) qu'on ressent pleinement l’émerveillement, le sense of wonder que la science-fiction, au cinéma, se doit de véhiculer. Parce que Man of Steel est autant, sinon plus, un film de Science-fiction qu'un film de super-héros.

Comme le film contient une idée absolument magnifique, on pardonne à ce moment-là la confusion et l'inconsistance du coup d'état mené par Zod, la facilité avec laquelle il s'empare du pouvoir, puis se fait démettre en quelques minutes. L'idée magnifique, c'est que les Kryptoniens pratiquent l'eugénisme, mais que Jor-El et sa femme ont décidé d'avoir un enfant "de l'amour", pourrait-on dire, en ajoutant: "de l'amour et du hasard", Kal-El devenant ainsi un possible ouvert, un être libre dans une société totalement déterminée. Il devient très joli, alors, que cet enfant ai été conçu par une famille dont l'emblème signifie Espoir.
Les visuels baroques prennent bien le relais de cette belle partie kryptonienne: foison de symboles vaginaux et phalliques- à ce moment on se croirait vraiment dans un Superman designé par Ridley Scott, dont l'ombre est grande sur le film- culminant par l'introduction de Kal dans un nouvel utérus, de métal, se refermant sur lui, le préparant à une seconde naissance, ailleurs, chez des parents humains.

Cette seconde naissance, nous ne la verrons pas. En quittant Krypton, Le film bascule dans un mode narratifs audacieux (à l'échelle de la production, hein, c'est pas encore du Soavi...) consistant à raconter l'enfance et l'adolescence de Clark via de brefs flash-backs. D'un certain point de vue, ça fonctionne très bien: Clark est décrit comme un adulte biologiquement hyper-sensible, du fait de ses capacités sensorielles décuplées, c'est comme si il avançait dans la vie en étant constamment assailli par des sensations le replongeant dans des souvenirs extrêmement vivaces. Là encore, une très belle idée, complètement raccord avec la nature empathique du personnage.

Mais on y perd énormément. La relation avec ses beaux-parents, tissée par ses flashs (qui ressemblent, encore une fois, à autant de spots-tv), est peu développée, et c'est un crève-coeur tant Diane Lane autant que Kevin Costner illuminent l'écran- je ne vous dis pas le frisson quand Pa'Kent apparaît pour la première fois. D'autant plus que Snyder joue un jeu dangereux avec le personnage, et qu'il faut tout le poids "cinématographique" de Costner, l'aura de ses rôles passés, pour accepter de le voir dire à son fils que "Oui, Peut-être, il devrait laisser mourir des gens pour ne pas révéler son secret". Il y avait tellement à à faire avec ce Pa'Kent qui pourrait être le Butch d'Un monde parfait s'il avait survécu. Et que dire de sa mort... La scène est émouvante, parfaitement jouée, mais Jonathan met sa vie en danger pour aller sauver son chien resté dans sa voiture pendant qu'une tornade (vraiment très soudaine...) ravage la route. C'est un affront à la noblesse d'âme du personnage, qui devient ici vraiment niais.
Beaucoup des quelques scènes adolescentes dressent un portrait finalement assez bizarre de Jonathan Kent, souvent en train de sermonner son fils, quand il ne semble pas étrangement distant. Disons que le beau moment où il le sert dans ses bras, vu et revu dans les vidéos promotionnelles, lui affirmant "But you are my son", est, une fois encore, le SEUL moment de complicité entre les deux personnages.

Et c'est ainsi que fonctionne toute cette partie Americana: de très brèves scènes, alignées pour permettre à Snyder de cocher des cases à remplir plutôt que de nous permettre de vivre aux côté des personnages. Pourtant, il avait quelque chose à faire de cette idée de troquer l'Americana de Norman Rockwell et John Ford contre celle d'Eddie Vedder et Sean Penn. Pourquoi pas ? Le bref montage accompagné d'une chanson de Pearl Jam nous rappelle combien Snyder est capable d’émouvoir et de bâtir un vrai récit le temps d'une séquence musicale bien sentie: se souvenir des extraordinaires génériques et passage consacré au Dr Manhattan dans Watchmen, de l'ouverture de Sucker Punch, ou encore du final de Ga'Hoole porté par Dead Can Dance.
Mais rien de ça ici.

Donc Snyder enquille les vignettes, parce qu'il est pressé, il lui faut de la place pour le reste de son film, c'est à dire la PARTIE APOCALYPTIQUE OBLIGATOIRE.
A un moment du film, Clark se livre aux militaires, menottes aux poignets, et s'est très exactement ce qui se passe, métaphoriquement, dans le film.
On va au final, passer plus de temps dans un hélico aux côté d'une Lois Lane en treillis et d'un colonel comme on aime en voir dans les films de M.Bay, qu'avec Costner et son beau fils. J'exagère un peu, on n'est pas tout le temps dans l'hélico. C'est aussi de la bouche d'un mignon soldat rouquin (Private Jimmy Olsen ?) que Clark est surnommé Superman. Tout un symbole...

En fait, Zod est là pour nous terraformer par tous les trous, et Superman va donc avoir bien besoin du renfort de l'élite de l'U.S Army pour le repousser.
Et de là, le film va s'écrouler, et aller de mal en pis, enfin pour moi.

Snyder a du style. J'ai pu écrire ici que Singer était réalisateur, et pas metteur en scène (Superman Returns), Snyder, lui, en est un authentique. Il s'est vraiment cherché un nouveau style, il y a un vrai point de vue dans les combats de Super-Héros, et une volonté de leur donner un forme inédite, et extrêmement impressionnante dans son genre.
En nous invitant à assister en tant que spectateur aux joutes des Kryptoniens, Ssnyder nous offre un spectacle virevoltant, aux antipodes de ses scènes d'action habituelles, très précises, et dons la chorégraphie est souvent magnifiée par un ralenti rendant le tout encore plus visible. Rien de cela ici, c'est même plutôt le contraire: des affrontement où les coups pleuvent à la vitesse de l'éclair, à la limite de l'abstraction.

Et puis, inévitablement, quel que soit le degré d'excellence de la vision, la lassitude s'installe, parce que ça parait très long, d'abord, et surtout parcequ'il n'y a aucune implication narrative sentie qui nous soit proposée. Pire, aucun des clichés du film d'invasion extraterrestre catastrophiste ne nous est épargné: Ces figurants ethno-représentatifs levant des yeux ecarquillés vers le ciel tandis que la caméra panotte pour suivre la course d'un objet tombant sur un immeuble, ces scènes de foule, fuyant un arrière plan se remplissant de poussière, puis d'objets de plus en plus gros, ces plan pris du ciel sur des immeubles se fracassant les un sur les autres tels des dominos, ces scènes de destruction massive ou aucun corps n'est jamais visible, ces seconds rôles héroïques qui font ce qu'il faut au bon moment et nous redonnent au passage foi en l'humanité (à l'exception d'un pilier de bar un peu chargé, et de 2 bullies du college de Clark tout le monde est vraiment très gentil dans Man of Steel), ces mêmes figurants servant d'otages pour une mise à l'épreuve odieuse- et tellement prévisible- du méchant de service (parce qu'au finish, Zod, quoi que fasse le très bon Shannon, c'est quand même ça...), ils sont tous là, et plus encore.

On aura beaucoup glosé, sur le web, pour souligner combien il était bizarre de voir un Superman semblant agir sans se soucier du sort de l'homme de la rue dans tous ces affrontements- pourquoi ne cherche-t-il pas à déplacer le terrain du conflit ? J'ai toujours du mal à voir Superman règler les problèmes à coup de pains dans la tête, pour moi, Superman, c'est celui qui retient la main de l'agresseur. Ce Superman, qu'on ne s'y trompe pas, est dans la première partie du film. Comme au cours de cette très belle scène de bar, où Henry Cavill, comme dans toutes les scènes, est impérial, et apporte bien plus d'épaisseur à son personnage que ce qu'il y a sur le papier.

Logiquement, il est inévitable de s'acheminer vers ce final qui a tant fait réagir, à juste titre, et qui est tout symbolique.
Snyder s'est bien expliqué sur son choix, et ses raisons se tiennent. Simplement il est d'un côté d'une ligne, et moi d'une autre.
Voir Superman briser le cou de Zod est une image insupportable- d'autant plus que Superman est un personnage de fiction, un héros parfait.
Dans un univers fictif, comme celui du cinéma, il trouvera toujours le moyen de ne pas tuer. Superman ne ment pas, Superman ne tue pas. D'autant moins qu'il n 'existe pas, il est d'une perfection qui peut nous être étrangère et insupportable. C'est ça l'étrangeté de Superman, c'est qu'il peut faire ce que nous ne pouvons pas. C'est d'ailleurs tout ce qui fonde la haine de Luthor pour lui.
Retirer ce statut de personnage de fiction à Superman, au nom d'un réalisme psychologique me semble à tout le moins ridicule, et idiot.
C'est en plus, pour moi en tant qu'amoureux du personnage, douloureux.


Mais vous mes amis, qu'avez-vous pensé de tout ça ?

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