ça marche comment ?
C’est
l’affrontement entre Gandalf et le Balrog, créature du Premier Âge, qui permet
au magicien de passer du gris au blanc. Tout cela est un peu mystérieux dans le
film, peut-être un tout petit peu moins dans le roman - et vaguement plus clair
pour qui connaît sur les doigts la mythologie tolkienienne, qu’on trouve
notamment dans le Silmarillion, oeuvre qui n’était pas destinée à la
publication par son auteur, rappelons-le.
Bien
entendu, regarder le film de Peter Jackson n’est pas lire le chef d’oeuvre de
l’auteur britannique. Nous sommes au cinéma, il y a trois films - là encore on
peut peut-être rappeler que les trois romans du Seigneur des anneaux ne sont
que le fruit d’une « obligation » éditoriale, Tolkien n’ayant jamais
envisagé son récit que dans son unicité - et Gandalf a disparu dans le premier
épisode, lors du franchissement de la
Moria, scène-pivot de La Communauté de l’anneau,
qui faisait passer les personnages, et les spectateurs avec eux, de la naïveté
à la terrible prise de conscience des sacrifices qu’allait induire leur
expédition vers le Mordor.
Et
pourtant à l’amorce de ce deuxième épisode, un prologue nous présente ce qui
était resté hors champ dans le premier : le fameux combat entre Gandalf le gris
et ce Balrog infernal, créature à la puissance comparable à celle de Sauron, le
grand méchant. Dire de cette affrontement qu’il est épique, c’est peu dire : le
choc entre les deux puissants - car Gandalf est issu du même Âge ancestral que
son antagoniste - défie même l’espace et le temps. La mise en scène échevelée
de Jackson, avec ce plan au milieu du combat qui nous présente depuis un point
de vue lointain les deux combattant comme deux points de lumière chutant dans
les profondeurs d’un abîme sans fond, accompagnée de la musique exaltée de
Shore, tout cela nous annonce dès le début du film ce que l’on va finir par
découvrir dans la suite du récit : Gandalf n’est pas mort.
Ou
plutôt, dans l’univers de Tolkien, Gandalf, s’il a succombé d’une certaine
façon à sa lutte démesurée avec le Balrog, s’est éveillé à une nouvelle vie,
une nouvelle conscience, un nouveau pouvoir, symbolisé par cette couleur
blanche, qui si elle traduit un niveau de puissance plus élevé, trahit
également une distance plus lointaine avec ses camarades de la
communauté.
Car
c’est ainsi chez Tolkien - peut-être plus que chez Jackson - le pouvoir isole,
éloigne, rend plus inaccessible à la tendresse et à l’amitié. Le pouvoir aliène.
Tolkien ou
Jackson, c'est toujours la perspective qu'il faut choisir quand on déplie les
films. Tout l'affrontement avec ce monstrueux Balrog, du point de vue de la
narration suit exactement le récit de Tolkien. Il y a même une pulsion
illustrative presque exhibitionniste chez Jackson: comme tu le rappelles, tout
nous est montré, par retour en arrière sucessifs, de ce combat de titans. Chez
Jacskon, il faut faire image, ce qui est quand même intéressant face au texte
de Tolkien, qui est à la fois très riche en informations visuelles, et très peu
cinématographiques. Je pense que Tokien n'avait aucun interêt pour le cinéma.
Mais il y a aussi, chez lui, et ça fait écho au cinéma de Jackson, un goût de
l'image pour elle-même. Par exemple, quand à la nudité de Gandalf dans la
scène, Il précise dans une lettre: "C'était seulement employé dans le
sens littéral. "Sans vêtements, comme un enfant" (et non
"désincarné") " Dont acte: Jackson assume complètement cette
vision du vieillard dans la neige.
On n'est pas
chez Roméo Castelluci non plus, mais dans une production presque hollywoodienne,
c'est drôle que Jackson trouve à appuyer son penchant pour la provocation sur
le respect, ce coup là, du vénérable et intransigeant professeur d'Oxford. De
même que Gandalf passe "hors de la pensée et du temps", c'est tel
quel dans le texte, et là encore, Jackson a ce besoin naïf, que je trouve très
beau parce que c'est vraiment un rapport au cinéma très enfantin et premier, de
chercher à le montrer. D'où cette vision complètement kitsh !
Alors Comment
ça marche ? Dans le cas de Gandalf, tout naturellement: il est prévu pour ça-
tout simplement c'est un Maia, une créature équivalente à un ange dans la
hiérarchie des divinités d'Arda, dont la Terre du Milieu est le continent central. Le
Balrog occupe d'ailleurs exactement la même place que lui, puisque c'est aussi
un Maia, dévoyé par le pouvoir corrupteur de Morgoth, dont Sauron fut le
serviteur. Gandalf "est vraiment
mort et a été transformé", pour Gandalf la mort est un passage à
prendre vers un pouvoir étendu, rendu nécessaire par la gravité de la menace
que fait peser Sauron sur le monde à ce moment là. C'est une sorte de sacrifice
auquel il consent. Je crois que Peter JAckson, pour qui est sensible à cette
imagerie, a su rendre formidablement la dimension allégorique- même si Tolkien
disait détester le mot- de ce combat de la lumière et des ténèbres. Tu parles
de son passage du gris au blanc: c'est ce qu'on retrouve dans le décor enneigé
de la scène, qui prépare son changement de costume. Gandalf représente, et est
associé picturalement à la lumière, après sa mort, il revient en ayant encore
augmenté son rayonnement. Ah ! on se retrouve à écrire de ces choses quand on
parle de Tolkien !
ça vaut le coup ?
En
tout cas, on est content - et donc finalement pas très surpris - de retrouver
Gandalf. Déjà parce que tout le monde aime bien Gandalf, en dépit de son côté
un peu bougon et assez mélancolique, mais comment ne pas l’être quand on a son
âge, et son expérience - avec quelques milliers d’années de moins, je me sens
souvent un peu Gandalf… Et que Ian McKellen est parfait, absolument, dans le
rôle. Difficile même d’imaginer Gandalf autrement que sous les traits à a fois
altiers et malicieux du britannique. C’est même là sans doute l’une des limites
de cette adaptation, et partant de toute adaptation : il devient difficile
parfois de se débarrasser des images qui nous sont proposées pour nous souvenir
de nos propres images, aussi imparfaites fussent-elles. C’est particulièrement
vrai dans ce genre particulier de la fantasy, dans lequel tout l’univers est à
inventer. Alors bien sûr, un magicien, c’est un magicien. Mais qui aujourd’hui
parviendrait à imaginer un magicien avec une autre allure que celle de Gandalf
le blanc ?
Il
y aurait bien peut-être le physique altier et malicieux d’un autre célèbre britannique,
qui incarna en son temps une autre créature fantastique, le Comte Dracula :
l’inoubliable Christopher Lee.
Je n’aurai jamais imaginé voir un jour qualifié de
« malicieux » Christopher Lee !
Qui
interprète dans la trilogie de Jackson Saroumane le blanc, à la fois mentor de
Gandalf, et depuis sa résurrection, son égal. Evidemment de là à voir une
filiation entre les deux acteurs… M’enfin, la période a changé : quand
Christopher a grenouillé une bonne partie de sa vie dans les eaux troubles du cinéma
de série B, McKellen lui a eu droit aux superproductions de Jackson ou de
Singer avec la série des X-men. Au fond, tout cela n’est peut-être pas
très différent, mais les moyens et la reconnaissance ne sont certes pas les
mêmes !

On s'égare un peu,
mais Christopher Lee a quand même joué dans la trilogie Star Wars des années
2000, on fait pire comme série B. Et oui, je pense que le Seigneur des Anneaux
c'est quand même autre chose que Bryan Singer.
Si effectivement, la
colonisation de l'imaginaire successive au succès des films de Peter Jackson
peuvent rendre un peu triste, quel authentique amateur de fantasy aurait pu ne
pas vouloir les voir ? Pour eux- pour nous quoi !- ça vaut le coup, et pas
qu'un peu.
Qu'on se
replace dans la logique industrielle du cinéaste, qui était complètement
épargnée à Tolkien- sinon que son livre a du être coupé en trois à cause
du prix du papier après guerre- ce que Jackson a réussi à accomplir est
prodigieux- industriellement, techniquement, artistiquement. Notre scène du
jour, par exemple, n'a aucune utilité narrative- typiquement c'est une scène
que tu pourrais enlever sans qu'il ne manque rien. Non seulement Jackson la
garde, mais il la fait sans en rabattre aucun des aspects: c'est spectaculaire,
aucune des images les plus "limite" ne sont esquivées: on voit ce
tout petit personnage vaincre cet énorme monstre- à l'écrit une telle
différence de taille ne se voit pas, à l'écran c'est particulièrement dur à
vendre- le voyage dans le cosmos de la réincarnation, le tout avec cette caméra
opératique qui en ajoute encore dans le lyrisme. C'est ce que j'aime chez
Jackson, cette façon d'y aller à fond dans l'imagerie et l'imaginaire, et de
dire au spectateur, en substance: si c'est trop baroque pour toi, c'est que tu
rêves pas assez fort.
Donc
pour Gandalf, passer à ce stade supérieur de puissance vaut la peine. Comme tu
dis, il est littéralement « radieux » ! Même s’il est un peu devenu
autre : « Je suis Saroumane ». Ote-moi d’un doute : dans le roman,
c’est vraiment beaucoup plus franc, cette comparaison entre les deux ? Il n’y a
pas ce « ou plutôt Saroumane tel qu’il aurait dû être », qui apparaît
comme une vague explication en fait incompréhensible… Toujours est-il que ses
camarades ne sont pas seulement heureux de le retrouver, ils en sont sidérés :
« cela ne se peut pas ! », dans le sens religieux du terme : voir
Legolas qui tombe à genoux devant le magicien et lui offre, pieux et fervent
son arc - Legolas n’a pas d’épée, il a un arc, dont il se sert plutôt bien… On
voit bien là encore la dimension tout de même fortement teintée de notre
religiosité chrétienne qu’on trouve dans ce motif de la résurrection. C’était
le cas dans plusieurs films que nous avons croisés cette semaine, avec Highlander
ou Matrix, et c’est encore le cas, même dans un univers tout de même
aussi éloignée du christianisme que celui de Tolkien. La résurrection est tout
au moins dans le film perçue par les autres personnages comme quelque chose de
l’ordre du miracle, et est filmée comme telle : la lumière blanche, l’air
presqu’absent du personnage, qui regarde au-delà de son horizon, même la courte
séquence très 2001, l’Odyssée de l’espace, et partant très divine dans sa
forme, tout participe d’une lecture de ce motif sur le mode religieux.
A
ce sujet tu parles de style « baroque », on est en plein dedans :
Jackson incarne en effet un genre de « contre-réforme »
cinématographique contre tout ce cinéma qui n’y croit plus. Lui, il y
croit plus que jamais, et veut nous emporter avec lui. Evidemment que ce cinéma
me touche. Et j’ai vraiment adoré ces trois films du Seigneur des anneaux,
même si, on s’en touchait un mot tout à l’heure, cette vision du roman est inscrite
désormais dans une époque, qu’elle a très largement participer à façonner, mais
par là même a « réduit » il me semble l’oeuvre de Tolkien. Mais
Jackson au fond n’y est pour rien : c’est le temps qui passe d’une part, et
surtout l’immense puissance d’évocation de la littérature sur l’ostension
essentiel du cinéma d’autre part, qui jouent contre lui… Mais là, je suis déjà
dans la question suivante…
J'allais justement te parler de cette réplique faiblarde ou
Gandalf se compare à Saroumane. Clairement, tout au long de la scène, on a
essayé de nous faire passer la silhouette de Gandalf pour Saroumane- et le
montage de tout ce qui se passe aux abords de la forêt de Fangorn jusque là a
fonctionné sur ce suspense. Encore une fois, comment en vouloir à Jackson de
vouloir faire du cinéma avec son matériau ? Et bien le roman fait exactement la
même chose ! "c'était un funeste fantôme de Saroumane que nous avons vu la
nuit dernière. J'en suis sûr, même à la lumière du matin. Peut-être ses yeux
nous observant-ils de Fangorn en ce moment même", dit Gimli le nain, au
début du chapitre adapté dans cette scène, Le cavalier blanc. Et cette réplique
"En vérité je suis Saroumane. On pourrait presque dire Saroumane tel qu'il
aurait du être !", je te la recopie du livre. Il faut toujours faire
attention quand on a l'impression que Jackson trahit les livres. Je crois qu'il
les a sincèrement lus avec sa sensibilité, mais qu'il a eut la volonté tout du
long d'être fidèle à Tolkien. Mais en tant que cinéaste, pas lecteur. Et dans
le livre, c'est Gimli qui tombe à genoux, pas Legolas...

Pour continuer
l’exégèse du texte, vu qu’on est entre nous , et pour conclure sur le sens
que Tolkien donne à la comparaison avec Saroumane, il l’éclaire lui-même,
encore une fois dans une lettre, et cela explique aussi la mort, nécessaire de
Gandalf : « C’était pour lui un
sacrifice de périr sur le Pont en défendant se compagnons, moins peut-être que
pour un homme ou un hobbit mortel puisqu’il avait un pouvoir intérieur bien
plus grand que le leur ; mais d’avantage également puisque c’était faire
preuve d’humilité et d’abnégation, en conformité avec les
« Règles » : pour autant qu’il le savait à ce moment-là, il
était la seule personne capable de
diriger avec succès la résistance contre Sauron, et toute sa mission à lui était vaine. Il s’en remettait à l’autorité
qui avait décrété les règles (…) C’est ce que, je dirai, l’autorité désirait
comme contrepoids à Saroumane. (…) La crise était devenue trop grave et
exigeait un pouvoir accru. Gandalf s’est donc sacrifié , a été accepté et rendu
plus fort, et il est revenu »
c’était mieux
avant ?
Comme
je le disais un peu plus haut, le statut de la puissance chez Tolkien est
ambigu : le pouvoir comporte une part de violence qui est irréductible, et
cette violence implique une altérité dont l’expression ultime est précisément
l’Anneau unique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Gandalf ne fait qu’accompagner
la Communauté
de l’anneau, ce n’est pas lui qui le porte jusqu’au Mordor, le pouvoir
d’attraction de l’anneau lui apparaît trop tentant. Il n’y a qu’une faible
créature qui peut porter cette objet de puissance, parce qu’elle ne se sentira
jamais en capacité de la dominer. Tout de même dans cette histoire, on ne peut
s’empêcher de lire une certaine morale qu’a tiré Tolkien de sa vie, et sans
doute de son expérience de la guerre, comme jeune officier durant la Bataille de la Somme en 1916. L’indicible
non seulement de la proximité avec la mort, certes, mais aussi la monstruosité
des moyens engagés durant cette guerre, face auxquels l’individu, l’homme,
n’est plus rien, ne compte pas plus qu’une bestiole invertébrées, tout cela ne
peut pas ne pas avoir compté dans l’écriture de son oeuvre, même s’il s’en est
souvent défendu. Il me semble en tout cas que cette expérience, en plus de
l’immense érudition du professeur d’Oxford qu’il était bien entendu, infuse son
oeuvre. Un sens du tragique de la condition humaine, tout simplement.
Que
reste-t-il de cela dans le film de Jackson ? A mon sens, tout de même, en dépit
du plaisir que j’ai devant ces trois (très) long-métrages, cet aspect me semble
un peu passer à la trappe. On fait un magnifique voyage, on vit des aventures
incroyables, des choses folles, presqu’inimaginables à la lecture prennent vie
sous nos yeux, mais la dimension philosophique du récit est un peu sacrifiée.
Du moins dans la réception que j’en ai eu. Et cette scène de la résurrection de
Gandalf m’en semble l’un des exemples frappants : il ressuscite, voilà qui est
formidable, l’aventure peut continuer… Je crois que je préférais le lyrisme un
peu excessif de la scène de sa mort, et de la réaction de ses amis, dans
l’épisode précédent. Il y a aussi tout simplement que l’on est effectivement au
début du film des Deux tours, et qu’on ne met pas un point d’orgue au tout
début d’une partition.
Alors pour toi, Jackson, il
l’a le sens du tragique ?

Non je crois pas, pas fondamentalement non. Il est capable de lyrisme, ça oui, mais je crois pas du tragique.
Est-ce que la
fin de Heavenly Creatures est tragique ? Est ce que Lovely Bones est tragique ?
S'il est un
parcours dans le Seigneur des Anneaux qui est tragique, c'est celui de Frodo.
Et je n'ai pas l'impression que ce soit
ce que Jackson
réussisse le mieux. C'est pour ça que je préfère, comme "hobbit",
MArtin Freeman en Bilbo. ça correspond infinment mieux
à la
pesronnalité de JAckson je trouve.

Mais cela dit,
Tolkien non plus, pas tellement. Il est trop croyant !
Par contre,
une chose qui est très affirmée chez Tolkien, et qu'on ne perçoit pas chez
Jackson, c'est que pour Tolkien, encore une fois, c'est une position très
catholique: il n'y a pas de victoire sur le mal. ça n'a pas de sens. Il y a des
périodes de répit, mais le sens "politique" du monde des hommes,
pousse, pour lui, comme un mouvement de balancier, à voir un retour du mal
après une période de règne du bien.
Pour le coup, ça c’est très
tragique : on ne fait que gagner du temps sur quelque chose d’inexorable. Une
conception du monde qui nous est devenue un peu étrangère, au profit d’une
vision sans doute plus dynamique : il faut dépenser pas épargner.

La
mélancolie est présente dans les films, toutefois. Peut-être parce que Jackson adopte,
comme on le dirait pour un animal, le point de vue des Hobbits, et de
Frodon et Sam parmi eux. Le lyrisme, l’héroïsme, tout cela, il le sert
magnifiquement dans quelques-unes des scènes les plus fameuses de la série : la Moria, le gouffre de Helm,
la bataille des champs du Pelennor, avec d’ailleurs un goût tout
cinématographique pour les Rohirrim et leurs chevauchées fantastiques. Mais on
sent tout de même que les héros un peu trop propres sur eux, ça l’intéresse
moins, l’ancien sale gosse qui a commis Bad Taste comme premier film.
Franchement, il se fout un peu de sa gueule à Legolas, non ? L’interprétation
de celui-là pour le coup, on aimerait bien l’oublier… globalement d’ailleurs,
tous les elfes apparaissent plutôt peu intéressants dans les films, en dépit de
la prestation plutôt bien celle-là de Hugo Agent Smith Weaving dans le rôle
d’Elrond. Mais sinon, on sent que son intérêt, même plastique, se porte d’abord
sur les Hobbits, éventuellement sur les Hommes, et parmi eux, les plus
« cabossés » comme Boromir ou Faramir, ou bien sûr, Eowyn, qui a dans
le film une place plus importante que dans le livre, dans mon souvenir.

Tu es mon ami, mais je crois que je ne suis pas tout à fait d'accord avec tout ça.
Legolas... à
la fois, il s'en moque un peu, oui, mais en même temps, il lui fait faire des
exploits certes improbables et qui font sourire, mais sur un mode hyperbolique qui le valorise. Finalement, les exploits des héros dans la tradition orale celtique ou dans les saga nordiques sont racontées avec une exagération similaire. Sur le traitement des elfes... là j'ai plutôt l'impression que c'est
de Tolkien que Jackson se moque un peu ... Ou plutôt de l'imagerie associée aux
elfes- pour aller vite, on va dire par le biais de la culture "donjons et
dragons", qui en fait, n'a de rapport que très superficiel avec Tolkien.
Par contre, le travail plastique sur les elfes est très important, pardon. Tout
le travail sur Rivendell, tant la photographie, que la direction artistique,
c'est largement aussi poussé que le reste. Idem quand on arrive au gouffre de
Helm. Le fait est que les elfes de Tolkien ont une grâce très littéraire, je
crois, qui passe mal à la moulinette de la surincarnation du cinéma de Jackson.
Là il fallait un cinéaste chinois peut-être... Du coup, si il se fout de la
gueule de elfes, c'est toujours un peu un sale gosse JAckson non ?
Cette
discussion pourrait être développée dans beaucoup de directions... Outre le
talent purement cinématographique de Jackson- qui le place hors d'atteinte de
tout ce qui se fait en fantasy au cinéma depuis qu'il s'y est mis, et pas qu'un
peu- on voit bien que les films posent des questions très excitantes en tant
qu'adaptations littéraires, et qu'ils relaient bien ce pouvoir d'attraction
particulier du livre, qui fonctionne comme un emboîtement de poupées russes,
dont l'ouverture de la première provoque un émerveillement juste un tout petit
peu moins fort que celui qu'on s'imagine éprouver en ouvrant la suivante. Au
fond, ces films- j'inclue Le hobbit dedans- fonctionnent comme autant de
manifestes d'un rapport à l'imagerie, à la mythologie, à l'imaginaire unique,
inégalé malgré son immense influence, qui dépasse le cadre de l'analyse pour
n'être, dans leur meilleurs moments, qu'une pure célébration de l'ivresse que
procure l'imagination roue libre. Je les adore.
Les citations de Tolkien sont extraites de la lettre 143 dans Tolkien, J.R.R., Lettres, Paris, Christian Bourgois, 2005, 720 p.
La citation du Seigneur des anneaux est tirée du chapitre 5 du livre III, Le cavalier blanc. La traduction est celle de Francis Ledoux.
Les citations de Tolkien sont extraites de la lettre 143 dans Tolkien, J.R.R., Lettres, Paris, Christian Bourgois, 2005, 720 p.
La citation du Seigneur des anneaux est tirée du chapitre 5 du livre III, Le cavalier blanc. La traduction est celle de Francis Ledoux.


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