Raiders of the lost flying saucer !
Un livre qui est presque un film. Il a donc toute sa place ici, et nous donne l'occasion d'inaugurer notre wagon bibliothèque flambant neuf !
Le château des Millions d'années, qui devrait être suivi de trois autres volumes formant
le cycle des "Origines" a les défauts de ses qualités, ou vice versa,
selon le goût que son lecteur aura pour le cocktail d'aventure, de mysticisme
et d'ufologie ici concocté avec un soin maniaque par Stéphane Przybylski.
Si
les références citées en quatrième de couverture, des séminaux Aventuriers de
l'Arche Perdue, à X-Files sont tout à fait justes, on pourrait aussi bien y
ajouter, de Stargate à Hellboy, presque n 'importe quel récit réécrivant notre
histoire "secrète" à la lumière de la présence cachée sur notre
planète d'extra-terrestres venus la visiter à l'aube de l'humanité.
Là
aussi, l'auteur réussit à enthousiasmer et décevoir à la fois: il n'y a rien,
absolument rien de neuf, sur ce terrain, dans les propositions de Przybylski,
qui joue le jeu dangereux de la remise à plus tard du grand dévoilement. Mais
c'est indiscutablement habile de réussir à nous tenir en haleine sur plus de
350 pages avec des éléments science-fictifs aussi peu développés et aussi convenus
que ceux de blockbusters façon Indiana
Jones et le royaume du crâne de Cristal ou Cow-Boys
et envahisseurs (l'épisode du bracelet !)
Prsybylski
réussit son coup en choisissant un point de vue rare dans son sous-genre: celui
de ces nervis du parti Nazi qui traquent reliques et trésors enfouis. Ici,
Friedrich Säxhauser, espion chargé de la sécurité d'une expédition en Irak,
partie à la recherche d’hypothétiques traces d'une civilisation Aryenne, et qui
va être invitée "à prendre un raccourci qu'elle ne trouvera jamais..."
On ne quittera jamais notre zone de confort
moral, et l'agent allemand n'est pas loin du typique "gentil" Nazi
permettant encore l'identification du plus grand nombre: de plus en plus
dégoûté par les réalités de l'idéologie Hitlérienne, ceux à qui il a juré
fidélité parce qu'ils l'ont sorti du caniveau
au bon moment lui semblent de plus en plus étrangers, et de plus en plus
dangereux pour la survie du monde à mesure que la menace d'une nouvelle guerre
se précise. Convenu, mais Przybylski
soigne le portrait de son héros, et sait nous le rendre vivant, d'autant plus
qu'il anime ses tourments à travers des saynètes, souvent racontées en
flash-backs, évitant le piège du dialogue psychologique lourd de sens et privilégiant l'action bien scénographiée. Là, l'auteur démontre une belle
adresse dans l'usage du hors-champ, tant à l'échelle globale du roman-
l'agencement très habile des aller-retours entre passé et présent en parallèle
de l'intrigue principale, qu'à l'intérieur des scènes, comme ce moment
culminant du parcours intérieur de Säxhauser, où l'on découvre l'origine de son
lien avec Hitler, point aveugle longtemps caché, et qui donne un sens au destin
qui semble devoir être le sien dans la guerre imminente.
Des
moyens très cinématographiques mis en oeuvre, et c'est souvent à un blockbuster
hollywoodien bien troussé qu'on pense en dévorant les courts chapitres comme autant
d'épisodes d'un sérial un brin trop sage (pour l'instant ?) mais qui sait tenir
en haleine. La publication en épisodes, que je n'ai pas expérimentée, semble
une vraie bonne idée, toute naturelle.
Un
écriture pleine d'images, donc, jusque dans le soin apporté à des transitions
visuelles entre souvenirs et action du moment- j'ai bien souri à un moment,
lorsque c'est une gerbe de vomi qui nous projette dans le passé ! une
réminiscence ironique des transitions tarabiscotées de Russel Mulcahy dans Highlander ?
On
a bien insisté, dans la communication autour du livre, sur le sérieux
d'historien (amateur ?) de l'auteur. J'avoue ne pas être le genre de lecteur
pour qui savoir si la moto Condor utilisée par Säxhauser pour poursuivre ses
homologues britanniques a bien gagné, ou pas, les championnats les plus
prestigieux de cette année 1939, ajoute quoi que ce soit à la scène. Pas plus
que la cohérence des déplacements dans le Bagdad de l'époque, à Santorin ou
Munich etc... Néanmoins, le recours à une nomenclature de noms allemands, à des
noms de modèles, de marques, pour les accessoires, les vêtements crée son petit
effet, et finit par rendre extrêmement concret l'univers des édiles allemands à
la veille de la guerre.
La
vraie singularité du livre est là: à
deux doigts de se laisser aller, parfois, à des descriptions d'évènements
politiques dans lesquelles on sent la volonté de rendre concrète
toute la complexité de la prise de pouvoir sur les esprits de la doctrine Nazie
(la plupart des scènes avec Hitler), mais qui ne sont pas indispensables à
l'intrigue, l'auteur exprime aussi sa voix propre, et donne une identité unique
à son récit.
Des
personnages convenus mais rendus très vivants, une aventure mêlant espionnage
et ufologie complotiste, un contexte historique attendu, mais jamais vu comme
ici, le Château des millions d'années se risque, dans ses ultimes scènes au jeu
dangereux de la promesse: rien, au bout du compte, d'inattendu dans ce premier
volume, qui se clôt, avec un art consommé du feuilleton, sur un cliffhanger
intenable et jouissif: le héros, enfin paix avec son âme, a pris sa décision,
mais semble promis à une mort certaine, tandis qu'un épilogue situé 9 ans plus
tard ne nous renseigne pas vraiment sur son destin, ni sur la nature des
conséquences de la découverte de Säxhauser: le récit va-t-il basculer dans
l'uchronie ou pas ?
Damned
! S'il ne faut mesurer la réussite du roman que de ce point de vue, elle est
indiscutable: on a terriblement envie de connaître la suite !
Pierre Brrr
Bonjour,
RépondreSupprimerje n'ai pas autant de références cinématographiques, aussi j'ai apprécié ce premier tome parce que c'est un bon roman historique et qu'il s'en rencontre peu d'aussi denses en littératures de l'Imaginaire. On se pose plein de questions à la fin quant à l'orientation de l'intrigue, et oui, bien sûr, on est frustré de devoir attendre la suite...
Mais je l'ai aussi apprécié ! Je l'ai même lu très vite. Simplement, une grande partie du plaisir du livre provient de l'attente qu'il génère, et rien n'est plus doux que se faire souffler de belles promesses, mais rien n'est plus amer que de les voir non tenues ! nous sommes d'ailleurs nombreux à souligner dans nos chroniques combien le livre "donne envie de savoir la suite". Et pourquoi pas ! il y a dans la candeur avec laquelle Przybylski aborde le feuilleton quelque chose de paradoxalement rafraîchissant.
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